Je regardais dernièrement un documentaire, sur je ne sais plus quelle chaîne, où il était question de homard, homard canadien dont j’appris à l’occasion qu’avant de devenir ce met de luxe et de prestige, il composait, nourriture vile, la quasi-totalité des repas des pensionnaires des pénitenciers de l’embouchure du St Laurent il y a un ou deux siècles.
Cela m’a remis en mémoire qu’en Nouvelle-Calédonie, j’avais failli vomir en voyant des amis manger des “vers de bancoule”, gros vers blancs bien charnus au, paraît-il, délicieux goût de noisette et l’évocation des repas de gourmets que faisaient les asiatiques avec les holothuries (ou concombres de mer) me soulevait le coeur.
Relisant ces jours derniers “L’institution imaginaire de la société” de C. Castoriadis, je tombais sur les lignes suivantes: “Ce n’est ni la disponibilité ni la rareté des escargots et des grenouilles qui font que, pour des cultures parentes, contemporaines et proches, ils sont ici, plat de fin gourmet, là, vomitif d’efficacité certaine”.
Castoriadis continue: “On n’a qu’à faire le catalogue de tout ce que les hommes peuvent manger et ont effectivement mangé (en s’en portant très bien) à travers les différentes époques et sociétés, pour s’apercevoir que ce qui est mangeable pour l’homme dépasse de loin ce qui a été, pour chaque culture, aliment et les possibilités techniques qui ont déterminé ce choix. Cela se voit encore plus clairement lorsqu’on examine les besoins autres que l’alimentation”.
Il remonte au rapport entre le mythe et la société (se fondant et se donnant du sens mutuellement en distinguant fonctionnellement mais aussi arbitrairement différentes parties de l’environnement) pour développer le “choix… porté par un système de significations imaginaires qui valorisent et dévalorisent, structurent et hiérarchisent un ensemble croisé d’objets et de manques correspondant, et sur lequel peut se lire, moins difficilement que sur tout autre, cette chose aussi incertaine qu’incontestable qu’est l’orientation d’une société”. Le besoin, alimentaire ou sexuel, ne devient besoin social qu’en fonction d’une élaboration culturelle.
Je trouve la suite du raisonnement fort élégante: “Lorsque les objets sont posés comme secondaires relativement aux moments abstraits des activités sociales qui les produisent…, ce sont ces activités elles-mêmes qui fournissent les fondements d’une articulation de la société non plus en clans, mais en castes”, terminant par cette constatation: “Dès qu’une société produit un “surplus”, elle en engouffre une part essentielle dans des activités absurdes telles que les funérailles, les cérémonies, les peintures murales, la construction de pyramides…”. Bien entendu, “l’absurde” est là relatif à une stricte approche fonctionnelle des choses.
Je rajouterai que dès qu’une société produit un surplus, la plus grande partie est alors confisquée par les puissants et les tenants d’un pouvoir qui devient encore plus intéressé et intéressant.
- Disparition des juges d’instruction ? Voir le post chez Maître Eolas.
- Sécurité..: “4 800 emplois seront supprimés dans la police d’ici 2011″. Le Monde.
- Les bons comptes de Valeo. Basta!