Lorsque je vais aux toilettes en Afrique ça pue. Les mouches volent et les blattes courent autour du trou. Je m'essuie les fesses avec la main, et la merde que l'eau d'une theillère décroche de mes doigts laisse parfois une odeur piquante sur ma main gauche. Si mon hôte est un peu riche, il y a un savon et je me lave les mains.
En Europe quand je rentre dans les toilettes il n'y a généralement aucune odeur. Parfois, un aérosol chimique a été répandu et une mauvaise fragrance de lavande piquante recouvre la puanteur des coliques et des intestins bouchés. Pour ne pas toucher la merde que mon corps a jeté, je jette des mètres de papier dans l'eau ; et lorsque la chasse, devançant tous mes sens, a pulvérisé l'objet du délit, je lave mes mains qui n'ont rien touché. Dans les toilettes de TV5, un parano a même installé un liquide bactéricide pour les mains. Je ressors propre et fier, car je n'ai pas corrompu mon corps dans la saleté, j'ai chié comme si de rien n'était, comme si la merde n'existait pas, comme si le monde était parfait. Mais dans le sillage de mes mains parfumées, entre mes deux jambes dont la moquette moelleuse feutre le pas, enchevêtrés dans les poils qui masquent l'orée du gouffre, s'entortillent des aplats de merde fraîche destinés à sécher in situ et dont personne ne se préoccupe, parce que rien ni personne ne sent ni ne voit l'infamie. De l'hygiène et de l'hypocrisie, qui est le fils, qui est le père ? ...