Oui, je l'ai aimée...

Publié le 07 janvier 2009 par Bonamangangu

-   Dona Prouhèze.- Quoi, vous ne croyez plus à l’Afrique ?

-   Don Pélage. – J’ai vu la vérité tout à coup. L’Afrique aussi fait partie de ces choses auxquelles je ne crois plus.

        

  Silence

-   Dona Prouhèze. – Pourtant, moins perfide que d’autres, elle ne vous avait pas déçu. Vous saviez quels rivages vous abordiez.

-   Don Pélage. – Oui, je l’ai aimée. J’ai désiré sa face sans espoir. C’est pour elle, dès que le Roi l’a permis, que j’ai quitté mon cheval de Juge errant…//…

          Don Pélage. -Mais j’entends le vent d’automne à grand bruit qui balaye la terre et la mer. Il se tait tout à coup. Et alors, oui ? ce faible grillon qui essaye de reprendre sa chanson des jours d’été… On sent bien que ce ne sera pas pour longtemps.

-   Dona Prouhèze. – Vous ne croyez plus à votre vocation ?

-   Don Pélage. – Il n’y a que la femme qui ne soit pas un rêve ? Toujours ça ! Qu’est-ce que la femme, faible créature ? ce n’est pas à cause d’une femme que la vie perd son goût. Ah ! si j’étais un homme, ce n’est pas une femme qui me ferait renoncer à l’Afrique ! Voilà une chose qui résiste ! il y en a pour toute la vie !

-   Don Pélage. – Est-ce que vous espérez la vaincre ?

-   Don Prouhèze. C’est de ne rien espérer qui est beau ! c’est de savoir qu’on en a pour toujours !… »

..................................................................................

Paul Claudel. Le Soulier de satin. IIè journée scène IV. Page 741-742. La Pléiade.

..................................................................................

Photo: Tissu: le Velours du Kasaï (Congo). Avec un clin d'oeil malicieux à l'amie Lyliana.

Voici le lien vers son blog. Il y a un beau billet sur les tissus du monde.

http://detoursdesmondes.typepad.com/dtours_des_mondes/