Europe-Asie du Sud Est : Un tigre dans le moteur

Publié le 12 août 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

DECRYPTAGE RELATIO par Daniel RIOT -- En Europe, l’événement est passé inaperçu, ou presque : l’ASEAN, l'Association des nations de l'Asie du sud-Est  a fêté son quarantième anniversaire. Dans un contexte favorable à la paix et au progrès puisque de bonnes nouvelles sont venues de la péninsule coréenne. Et avec des perspectives encourageantes. Sous la présidence de Singapour, l’ASEAN doit se doter en novembre d’une  Charte qui lui faisait défaut.

Cette Charte n’est pas un traité de Rome à l’asiatique, mais elle s’inspire largement de l’esprit de coopération qui anime le Conseil de l’Europe…avec, hélas, un souci nettement plus faible en matière de droits de l’homme et de droits sociaux !  Elle  améliorera l'efficacité de l'Asean, en la dotant de règles plus précises sur des champs d’activités plus larges : renforcement des coopérations politique, économique et culturelle ; recherche de solutions aux problèmes du réchauffement climatique, de la dégradation de l'environnement, et de la lutte contre le terrorisme « islamiste » ; dialogue interreligieux et interculturel. Des réunions de concertations au niveau militaire se déroulent déjà.

Si l'Asie du Sud-Est est aujourd'hui en paix avec elle-même et le reste du monde, force est de constater que le rôle de l'Asean est loin d'y être étranger. Cette situation favorable ne doit pas occulter les nouveaux enjeux auxquels l'Association doit faire face. De fait, l'essor de la Chine et de l'Inde va de pair avec des nouveaux défis économiques et politiques.

Les responsables de Singapour soulignent: "Les pays de l'Asie du Sud-Est se situent au carrefour des deux grandes aires de civilisations, l'Asie de l'Est et l'Asie du Sud. Les vicissitudes des empires de ces deux régions ont toujours eu des répercussions majeures sur nos pays, tant sur le plan politique que sur les plans culturel ou économique. Dans cette perspective, nous assisterons au XXIe siècle à un nouveau tournant majeur".

Singapour/wikipedia

« Une Asean unie, neutre et ouverte sur le monde, répond également aux intérêts de l'ensemble des grandes puissances », commente son président actuel, George Yeo, ministre des Affaires étrangères de Singapour dans une tribune publiée dans Le Figaro en mettant en relief deux de ses  objectifs prioritaires :

>>>> La construction d'un cadre de paix et de stabilité en Asie plus large que la seule Asean. Notamment dans le cadre de l’ASEAN+TROIS, crée en 1995. « Nous devons renforcer équitablement nos liens avec la Chine, le Japon, la Corée, l'Inde et l'Australie, notamment par le biais d'accords de libre-échange ».Singapour en a fait une devise : « Une Asean unie au coeur d'une Asie dynamique ». Avec un projet et un échéance : une communauté économique digne de ce nom en 2015.

Plus facile à dire qu’à faire : la situation politique intérieure de quelques pays, l’hétérogénéité des dix pays membres (les fondateurs, liés en 1967 par l’anticommunisme au moment de la guerre froide,  et les plus récents, qui n’ont pas des pratiques « démocratiques », Birmanie, Vietnam) et les  différences de développement (entre les « dragons » et les autres) ne favorisent pas une coopération plus forte. Qui plus est, les liens restent complexes avec le Timor, et les ponts entre l’ASEAN et l’ASEAN+3 (Chine, Japon, Inde)  restent flous.

>>>> Le renforcement des liens avec l’Union européenne. Objectif : un accord de libre-échange. 2007 est également l'année du trentième anniversaire des relations Asean-Union européenne. Un sommet « commémoratif » et « prospectif » Asean-Union européenne sera organisé en novembre à Singapour. Il a été préparé par plusieurs réunions ministérielles, don l’une avec Javier Solana à Malte  en début de ce mois. 

La France a déjà signé un accord de libre échange l’an dernier (traité  TAC) avec l’ASEAN. D’autres pays européens s’y préparent.

Il est clair que l’Union a intérêt à entretenir d’excellents rapports avec cette organisation qui regroupe quelque 550  millions d’habitants et peut peser dans le sens d’un monde multipolaire plus équilibré. L’AESAN  constitue, comme on dit au Quai d’Orsay, une « nouvelle donne géopolitique » avec laquelle il faut compter dans la nouvelle architecture qui peut se dessiner dans les  rapports entre des pôles de stabilité régionaux. l'ASEAN. Une « diplomatie de l’équilibre » dit-on dans les milieux européens.

Mais à la géopolitique s’ajoute la geoéconomie… Le dumping social n’est pas le monopole de l’Asie du Sud-Est, mais il s’y porte bien…Comme le dumping fiscal !

La coopération oui, mais le mot « valeurs » n’a pas le même sens partout… Cela a freiné l’élan que la Commission tente de donner à la coopération Europe-Asie du sud-Est depuis 2001. C’est cette stratégie affinée en 2004  qui doit recevoir une impulsion nouvelle à l’automne.  « Nous allons mettre un tigre dans le moteur », souligne, en souriant, un spécialiste des relations euro-asiatique. « Nous y sommes obligés, les Russes et les Américains ne s’en privent pas. Dès qu’on parle coopération, on doit penser concurrence… C’est le monde tel qu’il va, plus ou moins bien »

Daniel RIOT