15 milliards d'Euros d'erreur: certes, le gouvernement aura beau jeu d'affirmer que cela ne représente que 1% du PIB. Mais Cela représente surtout environ 6% des recettes nettes du budget de l'Etat. Ou encore, 35% de la prévision initiale de déficit. Une paille.
Plus inquiétant: le dérapage est à mettre au compte d'une baisse de 12 milliards des rentrées fiscales pour 2008. Or, tout porte à croire que le phénomène se reproduira en 2009, car les résultats des grandes entreprises du CAC et du SBF, principales pourvoyeuses d'IS, s'annoncent mauvais, crise oblige. Les rentrées de TVA, d'ISF, et d'IRPP sur les revenus de capitaux, ne devraient pas être fameuses non plus. Par contre, les demandes d'indemnisation du chômage, de RMI/RSA et assimilés, vont augmenter.
Or, la prévision de déficit budgétaire pour 2009 s'élève d'ores et déjà à 79 milliards d'Euros (>4% du PIB), soit environ 1/4 des recettes brutes de l'état (hors CL et sécu), et environ 9% de l'ensemble des dépenses publiques (Etat, CL, sécu). Même si l'erreur finale ne sera peut être pas de 35% cette fois ci, on peut s'attendre à une accélération de l'effet "coup de ciseau" sur les dépenses publiques: hausse de la demande d'interventions sociales liées à la crise, entrainant une hausse des dépenses du même nom, combinée à une baisse des recettes de l'état faute de marges suffisantes pour les entreprises. Le déficit final risque donc d'être nettement plus élevé.
Je ne voudrais pas apparaître inutilement pessimiste, mais le mur que j'annonçais dès 2004 (mais en situant le choc plus tard, faute d'avoir prévu la crise des subprimes...) se rapproche dangereusement. Si encore nous étions les seuls à tomber. Mais une grande partie des pays d'Europe et les USA suivent la même pente savonneuse. En cas de chute, aucun "bailout" ne sera à espérer de la part de la "communauté internationale", de l'Europe, ou de qui que ce soit.
Les déficits ne sont financés que par la confiance de ceux qui prêtent aux états. Mais celle ci est elle immuable ? Dans sa dernière édition (janvier 2009), le magazine "éco-people" Capital conseille aux épargnants de... Se tenir à l'écart des obligations d'état. Une première ! L'inquiétude est d'autant plus forte que des analystes réputés (Barron's) recommandent de se tenir à l'écart des bons à longue durée du trésor US, et que le Washington Post estime que pour le trésor US, la fête est finie, et que les taux demandés par les emprunteurs vont fortement augmenter, voire que les USA risquent la pénurie de prêteurs. Et si la dette US n'inspire plus réellement confiance, qu'en sera-t-il de la nôtre ?
Comment se comporteront les institutionnels (banques, assurances) qui assurent la liquidité des marchés obligataires des états, alors que la somme des plans de relance mondiaux qu'il faudra financer en 2009 va alourdir le "stress" sur les capitaux "prêtables", d'au moins 30% ? Quels états continueront d'inspirer confiance envers et contre tout ?
Je crains qu'au vu de telles dérives comptables, l'Etat français ne bénéficie pas du même a priori de confiance que l'état Allemand, par exemple. Et je ne vous parle même pas de l'Italie.
Suffira-t-il à l'état de payer un peu plus cher l'argent pour le trouver ? Beaucoup plus cher ? Ou va-t-il devoir lui aussi faire face à un credit crunch, synonyme de cessation de paiement ?
Les optimistes me rétorqueront que divers organes tels que le FMI envisagent un rebond de la croissance en 2009 (1,9%) et une croissance forte en 2010 (2,6%), ce qui devrait permettre à l'état de retrouver un niveau de recettes lui permettant de limiter ces pertes. Ces prévisions ont selon moi autant de valeur qu'une météo à 100 jours, et relèvent d'une poussée de wishful thinking.
Car pour retrouver un tel niveau de croissance, il est absolument nécessaire que les entreprises investissent, ou que des individus investissent dans des entreprises naissante ou en phase de croissance. Or, pour investir, la confiance dans l'avenir est indispensable. Et avec la perspective d'une fuite en avant dans la dette de l'état, d'une contraction des capacités de crédit des banques, et surtout, aucune éclaircie fiscale sur les revenus de l'investissement productif, je ne vois guère ce qui permettrait à nos entreprises d'adopter un comportement autre que terriblement défensif, ni à nos petites entreprises de trouver les capitaux qui leur permettraient de grandir et d'atteindre une taille moyenne...
Bref, sauf changement radical et rapide de politique publique, l'état va vers de sérieux problèmes de financement quelque part entre 2009 et 2011. Que le gouvernement les anticipe ou qu'il les subisse, il devra, après l'ivresse de la relance, mettre le cap sur une rigueur inflexible s'il ne veut pas que le bateau coule. Un peu comme avait dû le faire un certain François Mitterrand en 1983, pour récupérer de la gueule de bois de 1981-82...
----------