« Poète vos papiers ». Sextet d'Yves Rousseau. Paris. Studio de l'Ermitage. Mercredi 17 décembre 2008. 21h.
Yves Rousseau : contrebasse
Régis Huby : violons
Christophe Marguet : batterie
Jean Marc Larché : saxophone soprano, alto
Claudia Solal : chant
Jeanne Added : chant
Il y a un an je venais ici écouter ce spectacle hommage à Léo Ferré pour la première fois. Je retourne l'écouter pour la quatrième fois.
Claudia Solal est méchamment enrhumée et chante avec son écharpe autour du cou. Pourvu qu'elle tienne. La salle est presque vide. Tout dépend du lieu et du jour. Aux Arènes de Montmartre cet été c'était plein à craquer.
Claudia déclame ses mots sur un ton plus grave que d'habitude. Le voile du rhume ajoute une émotion neuve à sa voix. La musique court comme des soldats au pas de charge. L'assaut à la laideur est mené sans merci.
« Je suis l'Apocalpypse » lance Claudia ponctuée par la scansion rythmique de Jeanne. Passage au sax alto. Régis Huby reste au violon acoustique. Saxophone et violon se répondent d'un bout à l'autre de la scène. Même devant un public clairsemé, même avec une chanteuse malade, cette musique est renversante de beauté. L'encens brûle au bar. C'est pour mieux célébrer le culte de la Beauté.
Régis Huby passe au violon électrique et fait tinter les cordes dans ses doigts comme une harpe. Jeanne mène le bal vocal. Elle n'est pas malade. Ca s'entend. Christophe Marguet tapote ses tambours de ses mains. C'est chaud et dérangeant à la fois. Retour au sax soprano. A la 4e fois j'ai l'impression de connaître ce répertoire et pourtant le charme marche comme à chaque fois. Le groupe accélère et les super nanas ponctuent de leur voix.
« Tristesse de Paris ». Jeanne et Claudia chantonnent avec la contrebasse. Un air mélancolique s'échappe du saxophone. C'est une vision XX° siècle du « Spleen de Paris » cher à Charles Baudelaire.
S'ensuit une chanson sur les morts. Régis Huby revient au violon acoustique et romantique. Jeanne et Claudia reprennent le même texte tour à tour. Le fluide circule.
Vient une chanson plus rythmée, plus ludique. Une chanson d'amour. A la Ferré, flamboyante et grandiloquente. Chanté par ces deux demoiselles, ça flambe. Et les gars derrière apportent fagot et bûches pour que la flamme brûle toujours plus haut. Christophe Marguet nous offre un solo de batterie fanfare viril et musclé. Puis il resdescend grave et lent sur les tambours. C'est bon. Ca résonne dans le ventre. Claudia chante en duo avec la batterie. Christophe Marguet cherche des sons et les trouve. Il est chaud bouillant. Claudia a des problèmes de justesse dûs à son état de santé. A celle qui a beaucoup donné, il sera beaucoup pardonné.
Claudia enchaîne « Madame la Misère » en duo avec le batteur. Puis elle se tait. Le groupe part sur une mélopée chantée par Jeanne Added ponctuée par les roulements de tambour majour de Christophe Marguet. Claudia reprend la chanson en italien ( Léo Ferré a fini sa vie dans une ferme perchée sur les collines de Toscane). La mélopée se poursuit derrière. L'émotion monte, pas le son.
Les deux chanteuses lancent « Le plus beau concerto du monde est celui que j'écris sur les claviers jaloux de ton corps ébloui ». C'est une magnifique chanson d'amour accompagnée par le violon à l'archet et la contrebasse en pizzicato. Cette chanson a dû être écrite au pied du lit où l'être adoré dormait.
Après cet intermède calme, ça repart rock'n roll avec les hululements de Jeanne Added boostée par le groupe. C'est « Le Testament » chanson où Léo Ferré annonce sa mort et son héritage à sa bien aimée. Les demoiselles de Paris se sont réparties les rôles. Le plus souvent, Claudia chante, dit et Jeanne crie, gémit, hulule, fait en bref ce qui est le plus fatiguant pour les cordes vocales.
Ils enchaînent avec une séance de bruitage entre violon électrisé et batteur aux balais. Claudia Solal entame « L'été s'en fout ». Jeanne Added prend la suite en duo avec le violon. Encore une chanson d'amour mais si originale. Le genre de chansons que la Star Academy ne reprendra jamais. Jeanne reprend la suite du texte. Chant léger du saxophone, vocalises de Claudia.
Sur « Les passantes », Jeanne commence en duo avec le violon. Yves Rousseau passe à l'archet. Ca virevolte avec les balais et le sax.
Un air mystérieux surgit avec des percussions et des clochettes. Le saxophone s'élève au dessus d'une nappe sonore tirée par les archets et frappée par les maillets. C'est aigu, ça vrille. La voix de Léo paraît sur la scène. Claudia chantonne, Jeanne chante. C'est une autre chanson d'amour « Rappelle toi ». « Si je meurs avant toi, je veux que tu souffles un vent de tous les diables au cul des gens apprenant notre amour à leurs cœurs impotents et que Dieu voyant ça siffle la fin du monde. Et si tu meurs devant, je suivrai à la trace comme un chien perdu sans collier ni pâtée suit à la place où son bonheur si bêtement s'est arrêté ».
« Où va ce monde ? » suivi de « Tête à tête ». Jeanne chante et Claudia vocalise. Le groupe pousse doucement avec un beau numéro virevoltant sur les tambours de Christophe Marguet.
Le groupe enchaîne. Régis Huby refait de la harpe avec son violon électrique. La chanson claque comme un coup de vent sur la Baie des Trépassés. Régis alterne les coups d'archet et les pincements de cordes. La voix de Claudia s'est échauffée et sonne mieux. Claudia et Jeanne chantent ensemble. Sax alto et violon se répondent. Basse et batterie impulsent.
Pour finir « Il y a ». Jeanne commence à vocaliser avec la contrebasse. Le groupe enchaîne doucement derrière. Jeanne tient sa mélopée grave, Claudia vient vocaliser au dessus en plus aigu. Derrière, le groupe tempête. La voix de Léo Ferré s'élève chantant sur scène (à Bobino ?) « Il y a » en duo avec son pianiste aveugle. Musique et voix baissent doucement pour faire la place à Léo. Musique et lumière s'effacent doucement.
Yves Rousseau annonce que Claudia Solal a une fièvre de cheval, la félicite pour son professionnalisme et lui laisse le choix de faire le bis ou non. Elle le fait. C'est un classique de Ferré « Les copains de la neuille, les frangins de la night, ceux qu'ont le portefeuille plus ou moins all right ». Elles commencent a capella. Un spectateur siffle l'air avec justesse. Le groupe reprend. Au revoir et merci pour tout.