Marc Delouze est poète et voyageur par la « force des choses ». Il habite dans le 18ème depuis 1956, et a passé son enfance à partir de 11 ans, où ses parents tenaient boutique rue Feutrier. Le 18ème c’est son village, mais il ne se définit pas comme un gosse du 18ème, ne lui parlez pas de racines. « Je suis contre les racines, ça me fait peur et ça me fait toujours penser à la phrase de Brassens qui brocarde « ces imbéciles qui sont nés quelque part », parlez lui de source, parce que « ça circule une source, ça traverse, ça va de la montagne à la mer. On n’a jamais vu effectivement les racines d’un arbre prendre la route du voyage. Et Marc Delouze a besoin de bouger et de faire bouger, la poésie, le langage, les gens autour… Sa source a donc commencé par prendre sous la forme de ruisseau dans le 18ème arrondissement.
L’association a donc été créée par Danielle Fournier, élue du 18ème et actuelle conseillère de Paris et Marc Delouze. La création de cette association est partie d’un constat « qu’il existait un hiatus énorme entre la parole poétique et le public. Paradoxalement la poésie est l’art le plus pratiqué et pourtant personne ne la lit. La parole poétique ne rencontre pas son public. J’ai rejeté deux attitudes, la première consistant tenter de convaincre le peuple d’ « accéder » à la lecture, la deuxième qui poussait les poètes à écrire « pour le peuple », avec les résultats que l’on sait. Je pensais qu’il fallait une autre attitude, de faire en sorte que des voix rencontrent des oreilles et des oreilles rencontrent des voix et pour ça, créer des événements, des situations où ils s’entendent, où ils se rencontrent. Et pour ça il faut aller là où vivent, circulent, passent les gens. »
L’association les Parvis Poétiques conçoit donc des espaces libres à la circulation poétique. Là où la poésie, sortant de ses « temples » (bibliothèques, librairies, cénacles), rencontre, par l’intermédiaire des poètes vivants, la population de toutes origines, cultures, langues, générations. Lieux extérieurs ou intérieurs, où se côtoient diverses manifestations. Fêtes communes ou lectures intimes, utilisant tous les moyens possibles : voix, gestes, musiques, images, technologies, silences... Tout lieu, toute structure peut prendre fonction de « parvis »…
Ainsi, Les Parvis Poétiques réalisent, développent, suscitent, encouragent des manifestations ayant pour but de faire se rencontrer la création poétique et littéraire hors des sentiers battus, ainsi que les pratiques poétiques les plus diverses, afin de sauvegarder et d’enrichir la liberté de chaque individu dans son rapport au monde, aux autres, à lui-même.
« Parce que la poésie n’est là pour arranger les choses mais pour les déranger ; la poésie doit faire bouger la langue ».
Ils ont donc été les premiers à faire sortir les poètes dans la rue. Ca a commencé par un festival d’une quarantaine de poètes dans les rues de Martigues (Bouches du Rhône). Mais également par la création d’un événement/exposition qui poursuit depuis 23 ans sa tournée dans le monde entier : « Tonalités - des écrivains au bout du fil » : exposition-animation sonore, modulable. Des écrivains lisent eux-mêmes un extrait de leur œuvre (2 à 4 minutes) à travers des téléphones exposés. Des auteurs qui ont tous enregistrés leur voix pour la circonstance, comme Michel Butor, René Depestre, Agota Kristof, Jacques Roubaud, Tahar Ben Jelloun, Aimé Cesaire, Hélène Cixous, Marguerite Duras, Jean Echenoz, Gao Xingjiang. C’est au total 700 écrivains enregistrés. Depuis 1987, l’exposition est passée par le Centre Pompidou, La Mairie du 18ème, l’Institut du Monde Arabe,… Cette exposition-animation voyage à travers les continents : Allemagne, Egypte,.Espagne,.Grèce,.Hongrie,.Ile.Maurice, Inde, Italie, Japon, Liban, Pays Bas, Sénégal, Syrie, Taiwan, Tunisie,…
Une autre réalisation des Parvis Poétiques : les « Espaces-verbe », des boîtes aux lettres sonores installées dans les villes. La première ville accueillant cet événement original fût Chartres en 1994 mais également à Berlin en 1995. Le concept : les boîtes aux lettres, au passage des promeneurs se déclenchent et soudain un texte se fait entendre.
A partir de 1995, Marc Delouze a créé des événements dans le 18ème arrondissement et fédéré les associations autour d’un projet commun. C’est la naissance en 1996 du festival « Le 18ème tout un poème », regroupant plusieurs associations, avec expos, ateliers dans les écoles, procession d’enfants avec convergence de tous les quartiers du 18ème. Ce projet dura 3 années et s’arrêta. L’immensité de la tâche et les soutiens pas toujours évidents de a ,part de la Ville de Paris, n’ont pas permis de poursuivre cette belle aventure.
Les Parvis Poétiques ont également mis en place Troc livres (échanges de livres) dans des squares du 18ème.
En 1996, les Parvis Poétiques ont également élaboré le « Festival Permanent des Poésies dans le 18ème ». Un rendez-vous poétique pour tous publics, avec les poètes et les poésies vivantes venus de tous les horizons.
Ils se sont d’abord installés à la Halle Saint Pierre, puis au Café Littéraire « Lecture Gourmande », pour se « poser » depuis 2002 à la Fond’Action Boris Vian, 6bis cité Véron 75018. Mais la poésie dans des lieux consacrés à la poésie, ça peut rebuter beaucoup de gens qui peuvent « avoir l’impression d’aller assister à une grande messe, avec ses codes ». Marc Delouze applique un des principes fondateurs des Parvis : « élitaire dans le contenu, populaire dans la forme ».Tout le monde s’y retrouve..
« Pour se sentir disponible et ouvrir ses oreilles il faut se sentir bien. » Et ça marche, viennent ici des habitués, des gens du quartier ou de la banlieue, qui savent que la lecture durera une heure et pas plus. L’ambiance est simple, bon enfant. Les gens se sentent chez eux. La lecture se termine par une boisson, un gâteau, une tarte (on peut également apporter à manger).
Ces rendez-vous ont lieu tous les deux mois environ, entre 17h et 18h. Parmi les dizaines d’écrivains qui sont venus lire leur texte, on peut a pu compter Jacques Roubaud, Bernard Noël, Andrée Chédid, Nancy Huston…
Un ou plusieurs musiciens interviennent, non comme de simples « accompagnateurs », mais en poursuivant le propos poétique avec leurs moyens propres.
L’association participe également à « Lire en Fête » et aux « Printemps des Poètes », avec de événements plus importants, qui se tiennent souvent au Grand Parquet, rue du Département (mais aussi dans l’Eglise Saint-Bernard avec Armand Gatti, ou au théâtre des Abbesses).
Nous suivrons de près les prochains évènements des Parvis Poétiques et nous ne manquerons pas de vous en reparler.
Marc Delouze
Né à Paris. Vit entre à la Goutte d’Or et la Bourgigne. Poète et voyageur "par la force des choses". Premier recueil en 1971, Souvenirs de la Maison des Mots, (précédé de Par manière de Testament, préface d'Aragon). Quelques années plus tard, se refusant à"faire le poète", s'installe dans un silence éditorial d'une vingtaine d'années, pendant lesquelles il travaille à la recherche de nouveaux supports d'expression poétique liés à la Cité: spectacles de rue, poésie musicale, interventions diverses...et, en 1982, il crée l'association "Les Parvis Poétiques", qui organise des événements, des festivals, des expositions sonores, des lectures-spectacles, etc. Co-fondateur et conseiller littéraire du festival de poésie « Les Voix de la Méditerranée », à Lodève, de 1998à 2000
Bibliographie récente :
T'es beaucoup à te croire tout seul (poème), La passe du vent, 2000
La Diagonale des Poètes, essai, La passe du vent, 2002
Epouvantails, poèmes, Lanore-littérature, 2002
Des poètes aux Parvis, Anthologie poétique, Ka passe du vent, 2007.
Yeou, Piéton des Terres, poème, La passe du vent, 2007
C'est le monde qui parle, récit, Verdier, janvier 2007
Site des Parvis Poétiques : www.parvispoetiques.fr