Les révolutions et les mouvements de libération qui secouent l'Europe au milieu du XIXe siècle font prendre conscience à un certain nombre de rabbins (1) et de philosophes juifs qu'il pourrait être temps de songer à la reconquête de leur terre d'origine, alors sous domination ottomane. Après tout, les patriotes grecs ne sont-ils pas parvenus à s'émanciper de la Sublime Porte ? Afin de vaincre les résistances théologiques des membres les plus pieux de leurs communautés, ces intellectuels ne rattachent pas le concept de création d'une armée juive de libération à la Torah, mais directement à l'histoire juive elle-même. Sous l'impulsion de Moses Hess, de Léo Pinsker, mais surtout de Nathan Birnbaum, inventeur du terme "sionisme", un mouvement laïc de libération nationale du peuple juif émerge progressivement en Europe centrale. Ce mouvement prône le rassemblement de la Diaspora dans sa patrie historique : Eretz Israel. A la même époque, d'importantes populations musulmanes chassées d'Algérie, mais aussi des Balkans et du Caucase, émigrent en Palestine. C'est le cas notamment des Tcherkesses et des Circassiens, redoutables guerriers exilés du Caucase par les Russes après la chute de l'imam Chamil, à la fin de la rébellion tchétchène de 1841-1859. C'est encore de Russie, mais aussi de Pologne, que proviennent les premiers immigrants Juifs fuyant les pogroms antisémites qui se développent dans Empire tsariste à partir de 1881-1882. En 1882, cette première vague d'immigrants juifs (les bilouyim) s'installe en Palestine avec un projet de Constitution incluant entre autres une clause les autorisant explicitement à posséder des armes pour se défendre. La Palestine fait alors partie de l'Empire ottoman. Rattachée à la province de Damas, elle est scindée en trois sandjaks : Acre, Naplouse et Jérusalem. Les routes carrossables sont rares et le télégraphe peu répandu. Aux yeux de la Sublime Porte, cette province rurale, pauvre et arriérée, présente pour seul intérêt sa position géographique qui lui permet de relier la Turquie d'une part à l'Egypte, et d'autre part au sud de la péninsule Arabique. Les Ottomans maintiennent donc quelques garnisons en Palestine. Le reste du pays vit largement en autarcie, soumis au pouvoir discrétionnaire d'une administration locale influencée par les luttes de clans qui sévissent dans la région depuis de nombreux siècles. Mais, plutôt que de rejoindre les quelques milliers de Juifs de souche regroupés dans Jérusalem, Jaffa, Haïfa, Safed et Tibériade, la plupart des nouveaux immigrants préfèrent fonder leurs propres colonies agricoles, loin des villes et de la mainmise ottomane. S'ils ont fui la tyrannie du tsar, ce n'est pas pour retomber sous celle du sultan !
En août 1897, le premier congrès sioniste se tient à Bâle sous la présidence de Theodor Herzl, qui milite pour la reconnaissance officielle d'un foyer national juif internationalement reconnu en Palestine : le Yishouv. L'année précédente, Theodor Herzl a publié un manifeste, intitulé L'Etat des Juifs — Recherche d'une solution moderne de la question juive, qui conceptualise sa vision du sionisme politique. Ces deux événements, combinés à une nouvelle vague de pogroms en Russie au tournant du XXe siècle, incitent un nombre croissant de Juifs à retourner en Palestine. Parallèlement, l'Organisation sioniste mondiale entreprend de racheter le plus de terres possible afin de pouvoir créer sur place de nouvelles implantions juives. Les familles participant à cette nouvelle vague d'immigration (alyia) se partagent entre les villes et les colonies agricoles. Tel Aviv est créée en 1909 pour accueillir ces immigrants. La même année, les premiers kibboutzim sont mis en place ; il s'agit de villages coopératifs fonctionnant selon des règles communautaires et égalitaires directement inspirées de l'idéologie socialiste imprégnant le mouvement sioniste. Au même moment, les colons juifs qui vivent dans les colonies agricoles ressentent le besoin de se doter d'une milice armée destinée à les protéger des pillards. Ils créent l'Hashomer (littéralement "Le Gardien"), qui regroupe une poignée de fermiers montés sur leurs chevaux, armés de sabres, de carabines et de pistolets, qui se déplacent sans cesse d'une colonie à une autre. Leur mode d'action s'apparente à celui des cavaliers boers qui, quelques années plus tôt, ont montré leur vaillance contre l'Empire britannique. Ils vivent largement sur le terrain et n'hésitent pas à pratiquer le racket. Il leur arrive à l'occasion de monter des raids contre des « propriétés » arabes situées aux limites des colonies juives. Organisation secrète résolument élitiste, l'Hashomer ne compte guère plus d'une centaine de membres. Elle est néanmoins ouverte aux femmes. Israël Shohet, son chef, part en effet du principe que les femmes volontaires et motivées qui le souhaitent ont leur place à ses côtés. A l'époque biblique, celles-ci n'avaient pas hésité à porter les armes, comme en témoigne l'épisode de Deborah, une Juive parvenue au statut de "Juge" et qui remporta une victoire décisive lors de la conquête du pays de Canaan (2), ou bien encore celui de Salomé Alexandra, qui dirigea le royaume asmonéen à son apogée. Cette interprétation fera jurisprudence puisque les forces armées israéliennes, d'abord clandestines, puis officielles, resteront toujours ouvertes aux femmes.
Courant 1915, Jabotinsky, Golomb et Trumpeldor parviennent à convaincre les Britanniques de mettre sur pied une unité militaire composée de Juifs réfugiés en Egypte. C'est ainsi que naît le corps des "muletiers de Sion", qui est rapidement engagé sur le front de Gallipoli. Cette unité logistique de quelques centaines de volontaires est rapatriée en Grande-Bretagne à l'issue de la défaite des Dardanelles, qui n'empêche pas les Britanniques, les Français et les Russes de s'entendre, en 1916, sur le partage de l'Empire ottoman une fois que celui-ci sera vaincu. A l'automne 1917, l'administration militaire ottomane démantèle un réseau d'espionnage juif en Palestine et instaure en représailles de nouvelles mesures de répression contre la communauté juive. Quelques semaines plus tard, le gouvernement britannique valide le projet sioniste d'établissement du Yishouv en Palestine avec la déclaration Balfour. Il est vrai que l'armée de Sa Majesté prévoit une vaste campagne militaire en Palestine pour exploiter la révolte arabe encadrée par Lawrence d'Arabie. Dans ce cadre, une collaboration active de la population juive s'avérerait très utile. La déclaration Balfour laisse toutefois subsister une ambiguïté de taille sur l'indépendance du foyer national juif. Enrôlant une partie des vétérans du corps des "muletiers de Sion", les Britanniques font également appel aux Juifs vivant en Grande-Bretagne et établissent une Légion juive formée de trois bataillons (38e, 39e et 40e Royal Fusiliers). Cette Légion est engagée dans la campagne de Palestine aux côtés du fameux général Allenby au début de l'année 1918. Seuls les deux premiers bataillons combattront effectivement l'occupant turc et participeront à la libération du Yishouv. La victoire de l'Entente, le 11 novembre 1918, marque cependant la fin de la Légion juive, qui est rapidement démobilisée sur place, donnant ainsi l'occasion à de nouveaux immigrants d'origine britannique d'y faire souche. Même si, pendant la Première Guerre mondiale, Londres a maintenu les combattants sionistes dans un rôle subalterne, ceux-ci ont acquis une expérience précieuse du feu et du maniement des armes.
Dans les mois qui suivent l'armistice, les Britanniques mettent en place une administration militaire chargée d'occuper la Palestine, le temps que son nouveau statut soit défini par les traités internationaux chargés d'établir le nouvel ordre mondial. Parallèlement, de nombreux Juifs fuient la guerre civile russe et immigrent en Palestine. Les membres exilés de l'Hashomer rentrent au pays, conscients de la nécessité de repenser complètement l'organisation de la défense du Yishouv. La Palestine compte alors 600.000 Arabes, 80.000 Juifs et 60.000 Druzes. Au sein de la population arabe très largement majoritaire, les esprits commencent à s'échauffer. Le discours nationaliste véhiculé par les Jeunes-Turcs fait des émules, et nombreux sont ceux qui pointent du doigt les inégalités entre les populations arabes et juives, lesquelles disposent en outre de la manne financière de l'Organisation sioniste mondiale. Frustrations et jalousies se développent entre anciens voisins. Les premiers affrontements entre communautés juive et arabe surviennent à l'automne 1919, en marge de la grande révolte druze et arabe qui secoue alors le Proche-Orient. L'Hashomer tente de reprendre la main, mais sa direction se heurte à une contradiction : comment accroître les effectifs tout en maintenant le caractère élitiste de l'organisation ? Les escarmouches se poursuivent de manière sporadique pendant plusieurs mois. Le 1er mars 1920, Joseph Trumpeldor est tué lors de l'attaque du village agricole de Tel Haï par une bande arabe. Sa perte est d'autant plus durement ressentie par ses pairs que Trumpeldor jouissait du statut de héros conféré par son passé glorieux dans l'armée russe, notamment lors du siège de Port Arthur de 1905 où il perdit un bras. L'Hashomer est rapidement dissoute et la Haganah (littéralement "Défense") est créée sur ses cendres en juin 1920.
La logique de cette nouvelle organisation confiée à Joseph Hecht, un vétéran de 28 ans de la Légion juive, est radicalement différente. La Haganah constitue certes une organisation clandestine, mais elle abandonne l'élitisme de l'Hashomer et vise le recrutement le plus large possible. Elle s'inscrit dans la logique des milices clandestines populaires qui font alors florès dans de nombreuses régions du monde. Son comité directeur regroupe cinq personnes, dont Lévi Eshkol (qui deviendra plus tard Premier ministre d'Israël) et Eliyahou Golomb qui en dirige l'antenne stratégique située à Tel Aviv. Quelques semaines plus tard, la création de la centrale syndicale de l'Histadrout, enregistrée officiellement en tant que fédération de syndicats de travailleurs, donne à la communauté juive l'ébauche d'un premier gouvernement clandestin. David Ben Gourion, un journaliste juif polonais installé en Palestine depuis 1906, y joue un rôle clé. De son vrai nom David Gryn, il effectue des études de droit à Istanbul et se destine à une carrière politique au sein de l'Empire ottoman. Ses plans sont contrariés par la Première Guerre mondiale et il est contraint de s'exiler aux Etats-Unis le temps du conflit, avant de revenir en Palestine en 1918 après s'être enrôlé dans la Légion juive. Socialiste et marxiste convaincu, il milite activement au sein du mouvement sioniste et en gravit très rapidement les échelons, devenant l'interlocuteur privilégié des Britanniques. Il est l'un des premiers à préconiser l'établissement d'un Etat-nation sur la terre d'Eretz Israel. Intellectuel profondément humaniste doté d'un véritable esprit pionnier, Ben Gourion (littéralement "le Fils du Lion") sait faire preuve d'autorité et de courage politique si besoin est. Il démontre en outre de véritables qualités de stratège, analysant de manière très juste les rapports de forces et n'utilisant l'option militaire qu'en tout dernier recours. Il s'impose comme l'un des pères fondateurs du nouvel Etat juif en dirigeant le Yishouv dans la clandestinité pendant plus d'un quart de siècle, via l'Histadrout. Pendant plus de vingt-cinq ans, cette organisation servira en effet de paravent aux multiples activités de la Haganah. Cette dernière s'implante ainsi discrètement sur l'ensemble du territoire. Elle s'appuie sur un petit noyau de vétérans ayant connu l'expérience de l'Hashomer, qui fédèrent une armée secrète de volontaires qu'il va falloir entraîner, équiper et mobiliser rapidement là où cela s'avérera nécessaire.
En 1921, la Haganah fait ses premières armes en s'opposant à plusieurs reprises à de violentes émeutes arabes parties de Jaffa et menaçant la ville nouvelle de Tel Aviv. Au même moment, des émissaires juifs se rendent en Europe pour y acheter des armes légères qui seront ensuite soigneusement cachées. Les Britanniques sont chaque fois pris de cours par les éruptions de violence et ils prennent conscience de l'urgence d'accélérer la résolution de la question du statut de la Palestine. Le 24 avril 1922, la Société des Nations (SDN) nouvellement créée confie à Londres un mandat l'autorisant à gérer la Palestine au nom de la communauté internationale. Le gouvernement britannique en profite pour séparer la Transjordanie de la Palestine et la confier à la dynastie hachémite, honorant ainsi les engagements pris en 1916 par Lawrence d'Arabie. Herbert Samuel, premier haut-commissaire britannique, arrive dans la foulée en Palestine et lance un vaste programme de développement des infrastructures. Les Britanniques entament la construction d'un important réseau routier, érigent de nombreux bâtiments d'intérêt général et mettent en place des aérodromes et des installations portuaires. Ils installent le téléphone et facilitent l'émergence d'un parc de véhicules automobiles. Le haut-commissaire entretient d'excellentes relations avec le Yishouv, d'autant plus aisément qu'il est lui-même de confession juive. Il favorise l'immigration, qui atteint un taux record à la fin des années 1920, renforçant par là même les frustrations de la population arabe qui voit son influence diminuer (3).
Au mois d'août 1929, une partie de la population arabe se soulève une nouvelle fois, remettant en cause le droit des Juifs d'aller prier au pied du Mur des Lamentations. Au-delà de ce prétexte, les Arabes cherchent à attirer l'attention des autorités britanniques, mais aussi de la SDN, sur leur sort qu'ils estiment injuste et sur l'influence grandissante d'une population juive en perpétuelle expansion démographique. Hadj Amine el-Husseïni, le grand mufti de Jérusalem, prend la tête de la révolte. Grâce au téléphone, l'insurrection se développe rapidement. La faible garnison britannique est dépassée par les évènements, obligeant la Haganah à assurer seule la défense du Yishouv pendant les quatre premiers jours de l'insurrection. Celle-ci ne fait toutefois pas preuve d'une grande efficacité. De violents affrontements intercommunautaires se déroulent à Hébron, contraignant la population juive à quitter la ville. Les Britanniques envoient de toute urgence en renfort un bataillon de Royal Marines basé à Malte. Sa présence est suffisamment dissuasive pour ramener le calme, mais le bilan des émeutes est lourd : 133 Juifs ont été tués, contre 116 Arabes.
Tirant les leçons de ce demi-échec, la Haganah se renforce et se dote d'un nouveau chef, Saül Avigour, un vétéran de 32 ans, qui doit s'accommoder d'une politique britannique nettement moins conciliante. Bien conscients de l'intérêt stratégique de la Palestine, qui leur permet de défendre plus facilement le canal de Suez mais aussi de relier par voie terrestre l'Irak à l'Egypte, les Britanniques renforcent leurs garnisons et tolèrent de plus en plus difficilement la présence de milices armées, qu'elles soient juives ou arabes. Pour surmonter ces difficultés, les dirigeants de la Haganah organisent de nombreux stages de formation en France, en Belgique, dans les pays Baltes, mais aussi dans l'Italie fasciste. Mussolini n'hésite pas en effet à soutenir leurs activités, qui servent sa stratégie d'affaiblissement des Britanniques en Méditerranée. Des stages de formation navale sont ainsi organisés à La Spezia au profit de cadres de la Haganah (5). En 1933, l'installation du régime nazi en Allemagne suscite une nouvelle vague d'immigration très importante en direction de la Palestine (plus de 50.000 personnes par an). Deux ans plus tard, David Ben Gourion prend la direction conjointe de l'Histadrout et de la Haganah, Eliyahou Golomb demeurant le stratège de l'organisation militaire. Ben Gourion cumule désormais les pouvoirs politique et militaire. L'année suivante sera décisive pour l'évolution de l'organisation.
Au mois d'avril 1936, Hadj Amine el-Husseïni déclenche une nouvelle révolte arabe d'une ampleur inconnue jusqu'alors, qui débute par des émeutes à Jaffa et par une grève générale qui va durer six mois. Parallèlement, Faouzi alKaouji, un officier irakien d'origine syrienne, s'installe dans les villages arabes de Samarie à la tête d'une bande de 200 combattants irréguliers recrutés sur place, mais aussi en Irak, au Liban et en Syrie. De là, il harcèle à la fois les kibboutzim juifs et les convois britanniques, n'hésitant pas à s'en prendre à l'oléoduc transportant le pétrole des champs pétrolifères d'Irak jusqu'au port d'Haïfa. La situation devient très vite confuse. C'est d'ailleurs à cet épisode qu'Hergé fait référence dans son célèbre album Tintin au pays de l'Or noir. La Grande-Bretagne envoie 20.000 hommes sur place pour mater l'insurrection, sans grand succès. Mais, à l'inverse de ce qui s'était passé en 1929, la Haganah, elle, réagit de manière efficace. Face à la menace commune, les autorités britanniques se rapprochent des dirigeants du Yishouv pour leur proposer de créer une force de police supplétive, la Jewish Settlement Police, chargée d'épauler la police britannique. Débordée, celle-ci ne parvient plus à assurer la totalité de ses missions. 3.000 Juifs sont ainsi enrôlés dans cette force supplétive qui va rapidement constituer un vivier de talents pour la Haganah. Tout comme les Special Night Squads mis en place à la même époque par Orde Wingate : ce jeune officier britannique, fervent sioniste chrétien, entraîne plus ou moins en marge de sa propre hiérarchie 75 combattants juifs regroupés dans deux sections commandos qui multiplient les raids nocturnes contre les irréguliers arabes. De jeunes recrues y feront leurs premières armes. C'est le cas de Moshé Dayan et d'Yigal Allon, deux sabras promis à un brillant avenir.
L'expérience des Special Night Squads ne dure que quelques mois et Orde Wingate se voit contraint de les dissoudre. Les autorités britanniques craignent en effet que les succès rencontrés par ces troupes commandos ne les rendent rapidement incontrôlables. Sur le terrain, la situation militaire s'enlise, contraignant la puissance mandataire à imaginer une solution politique censée concilier les promesses contenues dans la déclaration Balfour avec les droits des Populations arabes locales. En juillet 1937, l'administration britannique publie un premier plan de partage de la Palestine, tel qu'envisagé par la Commission Peel, qui est rejeté par l'ensemble des parties. Dans la foulée et profitant de la radicalisation du climat politique, Vladimir Jabotinsky crée une organisation militaire dissidente de la Haganah : l'Irgoun Tzvai Leoumi (littéralement "Organisation militaire nationale"), mieux connue sous le nom d'Irgoun. Il s'agit d'une organisation ultra-nationaliste prônant le combat à outrance contre les Arabes, mais aussi contre la puissance mandataire britannique. Afin de reprendre l'initiative, David Ben Gourion crée les FOSH (littéralement "Compagnies de campagne") et en confie le commandement à l'un de ses meilleurs officiers, Ytzhak Sadeh, un aventurier d'origine russe âgé de 47 ans. Les FOSH regroupent rapidement plus de 300 combattants et permettent à la Haganah de lancer ses premières opérations réellement offensives. Au passage, David Ben Gourion réorganise l'institution en supprimant son comité de direction, en créant le poste de chef d'état-major et en instituant une structure calquée sur le modèle occidental, composée de plusieurs bureaux respectivement chargés des opérations, du renseignement, de la planification, de l'instruction et de la technique. Seuls manquent encore à l'appel, faute de moyens, les bureaux chargés du personnel et de la logistique. Côté matériel, la situation s'améliore. La Haganah dispose désormais de 6.000 fusils, de 600 mitrailleuses légères et pistolets-mitrailleurs, d'un million de cartouches et de 24.000 grenades. Elle compte sur un noyau de 2.000 combattants permanents et sur un vivier de 13.000 "réservistes" à temps partiel.
De son côté, l'armée britannique peine à contenir les insurgés arabes. En mars 1938, elle parvient néanmoins à mettre hors de combat plusieurs centaines de combattants arabes lors d'une bataille rangée qui se déroule à proximité de Jénine. Au même moment, l'administration britannique propose un deuxième plan de partage (Commission Woodhead), qui ne connaît pas davantage de succès que le précédent. La révolte arabe cesse cependant progressivement, au cours de l'été 1939, sous l'action conjuguée de trois facteurs. Tout d'abord, la communauté arabe de Palestine est économiquement exsangue. Ensuite, la tactique de ciblage de l'armée britannique et de la Haganah a porté ses fruits et la plupart des chefs de la révolte ont été physiquement éliminés. Hadj Amine el-Husseïni est l'un des rares à avoir échappé à cette stratégie d'élimination, trouvant finalement refuge dans l'Allemagne nazie. Enfin, quelques mois plus tôt, le gouvernement britannique a publié un Livre blanc limitant de manière drastique l'immigration juive en Palestine. Car ce sont plus de 500.000 Juifs qui vivent désormais sur place, à côté de 700.000 Arabes qui se demandent quel sera leur sort lorsque, l'immigration aidant, le poids démographique des Juifs dépassera le leur. Ce Livre blanc, s'il suscite l'hostilité des organisations juives et notamment de l'Irgoun, semble apaiser les esprits côté arabe. En même temps, la puissance mandataire ordonne le désarmement de toutes les milices. Une quarantaine de Juifs sont arrêtés les armes à la main, parmi lesquels Moshé Dayan, et sont condamnés à dix ans de prison. Jouant la carte du dialogue vis-à-vis des Britanniques, mais aussi pour faire taire des querelles intestines, David Ben Gourion dissout les FOSH et limite les activités visibles de la Haganah. Le gouvernement britannique, préoccupé par les nuages qui s'amoncellent dans les cieux européens, lui en sait gré.
Les événements s'accélèrent en avril 1941, lorsque le gouvernement irakien pro-allemand se révolte et que le gouvernement de Vichy, qui fait office de puissance mandataire sur le Levant et la Syrie, autorise le transfert d'avions allemands sur ces territoires. Les Britanniques réagissent en envahissant l'Irak (avril-mai) et poussent leur offensive en direction de Beyrouth et de Damas (juin-juillet). Des unités juives formées dans le cadre du Palmah participent à cette seconde campagne. Plusieurs de leurs combattants s'illustrent, tels Yigal Allon et Moshé Dayan. Ce dernier, grièvement blessé par un tireur d'élite ayant pris l'éclat de ses jumelles pour cible, perd son œil gauche à cette occasion et arborera désormais son célèbre bandeau noir.
La libération de ces territoires annonce toutefois pour les Juifs la création à terme de deux nouveaux Etats arabes indépendants : le Liban et la Syrie. Après avoir misé sur l'appui de la communauté juive, l'administration militaire britannique fait marche arrière après la défaite de l'Afrika Korps à El-Alamein, en novembre 1942. Les combattants juifs sont à nouveau contraints à la clandestinité. Cette période est néanmoins mise à profit par David Ben Gourion pour réorganiser son dispositif, tenter de calmer les ardeurs de la frange sioniste nationaliste et clarifier les attributions du Palmah et de la Haganah. En Europe, la flamme de la résistance juive connaît des heures dramatiques et glorieuses en avril-mai 1943 lors de l'insurrection du ghetto de Varsovie. La répression nazie est sanglante et les victimes se comptent par dizaines de milliers. A l'instar de Massada, cet épisode fera plus tard partie intégrante de la mémoire collective des combattants israéliens et inspirera leur esprit de sacrifice.
Fin 1944, alors que la victoire alliée se dessine, les Britanniques acceptent finalement la proposition de Ben Gourion de créer une Brigade juive indépendante (sur le modèle de la Légion juive de la Première Guerre mondiale). Cette unité, qui regroupe des volontaires juifs de toutes origines, est intégrée en février 1945 à la VIIIe Armée britannique qui combat sur le front italien. Au même moment, les armées soviétiques libèrent les camps de la mort nazis, renforçant d'autant la détermination des Juifs de Palestine d'asseoir durablement leurs capacités d'autodéfense. Le 22 mars, la Ligue arabe est créée au Caire par les représentants de l'Egypte, de l'Irak, de la Transjordanie, de la Syrie, du Liban, de l'Arabie Saoudite et du Yémen. La Palestine est désormais totalement encerclée par des Etats arabes indépendants.
Le 8 mai 1945, l'armistice vient mettre un terme à la guerre en Europe. Ces années de conflit ont considérablement affaibli les puissances coloniales européennes, tandis que la communauté juive de Palestine a, quant à elle, renforcé sa cohésion dans cette épreuve. Elle dispose d'une structure politique et d'une organisation militaire qui sont à la fois cohérentes et bien rodées, quoique clandestines, et d'un vivier de combattants aguerris ayant acquis l'expérience du feu sur les principaux fronts de la Deuxième Guerre mondiale (9). Pour David Ben Gourion, l'heure de l'indépendance a sonné.
Le 1er octobre 1945, le gouvernement britannique oppose une fin de non-recevoir aux démarches des organisations sionistes visant à autoriser l'immigration massive des Juifs rescapés de la Shoah qui souhaitent se rendre en Palestine. David Ben Gourion, qui cumule désormais les fonctions de chef de la Histadrout et de la Haganah, de premier secrétaire du Mapaï (le parti de gauche ultra-majoritaire, ancêtre du parti travailliste) et de chef de la branche exécutive de l'Organisation sioniste mondiale, a beau déployer des trésors de diplomatie, rien n'y fait. Se fondant sur les conclusions du Livre blanc de 1939, la puissance mandataire refuse d'autoriser un afflux massif d'immigrants juifs qui ne manquerait pas, selon elle, de susciter une nouvelle révolte arabe. Avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Londres peine à contrôler l'ensemble des vastes territoires que le Royaume-Uni doit désormais administrer militairement, et se refuse à créer les conditions d'une nouvelle insurrection en Palestine. Au sein du Yishouv, les éléments sionistes les plus extrémistes saisissent ce prétexte pour relancer la lutte armée contre la puissance mandataire britannique. Ben Gourion, de son côté, comprend que s'il veut imposer à la communauté internationale l'idée d'un Etat juif totalement indépendant, il lui faut d'abord chasser les Britanniques de Palestine. Il accepte donc une alliance ponctuelle avec les groupes extrémistes, faisant clairement savoir à ceux-ci qu'il conserve la haute main sur les négociations politiques.
Ce regain d'activisme s'inscrit en fait en droite ligne des attentats qui ont repris en 1943, une fois passée la menace de l'occupation du Yishouv par l'Afrika Korps. Menahem Begin, un Juif polonais réfugié en Palestine, membre du Betar, succède alors à Vladimir Jabotinsky (10) à la tête de l'Irgoun, prônant le combat à outrance contre les Britanniques et les Arabes. Abraham Stem, un intellectuel fanatique sévissant à l'université de Jérusalem, fonde quant à lui un groupe dissident encore plus extrémiste pratiquant les opérations de représailles et les exécutions sommaires : le Lohamei Herout Israel — LEHI (littéralement "Les combattants pour la liberté d'Israël") —, plus connu sous le nom de "Groupe Stern". Se sentant menacées, les autorités britanniques pourchassent sans répit les dirigeants et les membres actifs de ces deux organisations, et parviennent à abattre Abraham Stern, aussitôt remplacé à la tête du LEHI par Ytzhak Shamir, un Juif d'origine polonaise, lui aussi ancien du Betar. Chacun de son côté, Begin et Shamir multiplient les opérations de harcèlement contre la puissance mandataire britannique. Le 6 novembre 1944, des membres du LEHI assassinent lord Moyne, le haut-commissaire en charge de la Palestine, suscitant la colère des Britanniques qui menacent Ben Gourion de stopper le processus de création de la Brigade juive.
Dans la nuit du 31 octobre 1945, la résistance juive lance une offensive de grande ampleur contre les lignes de communication britanniques en Palestine. Les voies de chemin de fer sont coupées en 153 points, de nombreuses installations ferroviaires endommagées, trois patrouilleurs utilisés par les Britanniques coulés et la raffinerie de pétrole d'Haïfa sabotée. Les pertes humaines sont minimes, mais les Britanniques comprennent qu'ils font désormais face à une révolte de grande ampleur. Londres envoie sur place d'importants renforts et décrète la loi martiale sur l'ensemble de la Palestine. Début 1946, l'état-major du Haut-Commissariat britannique dispose de trois puissantes divisions (1re et 3e d'infanterie, 6e parachutiste) et de plusieurs brigades indépendantes, mais aussi d'un important détachement de la Royal Air Force et d'un escadron de la Royal Navy qui lui permettent de surveiller plus étroitement l'ensemble du territoire, littoral compris. Au total, ce sont près de 100.000 hommes qui sont immobilisés en Palestine et ne sont donc pas disponibles ailleurs.
De son côté, David Ben Gourion tente d'unifier la résistance. Celle-ci dispose d'un important stock d'armes légères (11) et peut mobiliser en permanence près de 4.500 combattants. S'il parvient à placer le Palmah plus ou moins sous le contrôle de la Haganah (le Palmah servant de force de réaction rapide à la Haganah), il ne parvient pas à canaliser l'action de l'Irgoun et du LEHI. Ces deux groupes, qui comptent respectivement 700 et 150 combattants dans leurs rangs, poursuivent leur stratégie terroriste visant à décourager les Britanniques de se maintenir en Palestine.
Les attaques à la bombe succèdent aux mitraillages et aux Opérations de sabotage. Le 17 juin 1946, le Palmah dynamite tous les ponts frontaliers, isolant la Palestine des Etats voisins pendant plusieurs jours. Les troupes britanniques ripostent et le bilan s'alourdit de part et d'autre12. Le 29 juin, elles lancent une vaste opération de ratissage sur l'ensemble du territoire (nom de code "Agatha"), fouillant systématiquement les colonies agricoles et les kibboutzim, confisquant plusieurs milliers d'armes et arrêtant 2.178 personnes, dont plusieurs dirigeants du Yishouv. La riposte ne se fait guère attendre : le 22 juillet, plusieurs membres de l'Irgoun s'introduisent dans l'hôtel King David de Jérusalem, qui abrite une partie de l'état-major britannique, et font exploser l'une des ailes du bâtiment. Begin revendique ouvertement l'attentat qui fait 91 morts, dont de nombreux civils. Ben Gourion condamne celui-ci et rompt son alliance avec les dirigeants de l'Irgoun et du LEHI.
Huit jours plus tard, les Britanniques ripostent lors de l'opération "Shark" menée par un impressionnant dispositif militaire. Pas moins de 16 bataillons d'infanterie, 3 bataillons de chars et plusieurs escadrilles de la RAF, renforcés de plusieurs milliers de policiers, quadrillent le territoire à la recherche de Menahem Begin et des cadres de l'Irgoun et du LEHI, dont les têtes ont été mises à prix. Pendant quatre jours, les forces de l'ordre investissent les villes accueillant une importante communauté juive, tout particulièrement Tel Aviv. Elles découvrent plusieurs caches d'armes et arrêtent 787 personnes, sans parvenir toutefois à arrêter les dirigeants recherchés. Plusieurs responsables britanniques sont assassinés en représailles. Les mitraillages aveugles se multiplient. Le conflit s'installe dans le cycle infernal des attentats et des représailles (13). Les autorités britanniques pendent plusieurs dizaines de prisonniers reconnus coupables d'attentats. La tension monte. La communauté juive fait bloc derrière ses "martyrs", tandis que l'opinion publique britannique se lasse d'un conflit qui devient d'autant plus impopulaire que les photographies des immigrants juifs entassés sur des navires brinquebalants s'étalent en première page des journaux londoniens. Ces immigrants clandestins, après avoir été arraisonnés par la Royal Navy, sont conduits dans des camps de réfugiés construits à la hâte sur l'île de Chypre. Ces images en rappellent d'autres, beaucoup plus atroces. Pour beaucoup, l'affaire de l'Exodus sera la goutte d'eau qui fera déborder le vase. Après un périple pitoyable, les 4.500 passagers de ce navire partis du sud de la France se verront finalement contraints de rebrousser chemin après que leur navire a été refoulé par les autorités britanniques. Rejetés de toutes parts, ils finiront leur périple dans le port de Hambourg.
En février 1947, face à l'enlisement de la situation sur le terrain et à la pression de l'opinion publique, le gouvernement britannique décide de saisir l'ONU du problème de la Palestine. Virtuellement, les Britanniques font le deuil de leur présence sur place et se contentent désormais d'administrer les affaires courantes. David Ben Gourion sait qu'il vient de remporter une manche capitale. Il lui faut maintenant convaincre la communauté internationale de soutenir l'existence d'un Etat juif indépendant, tout en contenant l'hostilité grandissante des pays arabes, si besoin par la force. Il active tout son réseau de contacts patiemment tissés pendant un quart de siècle. Le 29 novembre 1947, à l'issue d'intenses tractations diplomatiques et grâce aux pressions conjointes des Etats-Unis et de l'Union soviétique (14), l'Assemblée générale des Nations unies adopte le plan de partage de la Palestine (Résolution 181) préalablement défini par une commission d'experts internationaux. Ce plan de partage prévoit trois zones distinctes : un Etat juif comprenant la plaine côtière, la Galilée orientale et l'essentiel du désert du Néguev ; un Etat arabe incluant le reste de la Galilée, la Cisjordanie, la bande de Gaza et une petite partie du Néguev ; enfin, une zone internationale englobant les lieux saints et s'étendant sur Jérusalem et Bethléem. Ce plan de partage est accepté par l'Organisation sioniste mondiale, mais il est rejeté par les Etats arabes et par les responsables des communautés musulmanes de Palestine, qui considèrent qu'il est anormal que la population juive, qui ne représente que 36% de la population totale (650.000 Juifs, 1.135.000 Arabes et 15.000 Druzes), obtienne 55% du territoire. Le gouvernement britannique s'engage pour sa part à rapatrier la totalité de ses troupes avant le 15 mai 1948.
L'apparition des premiers avions utilisés par la communauté juive de Palestine date du milieu des années 1930, lorsque plusieurs membres éminents du Yishouv, grâce à des fonds privés augmentés d'importantes subventions de l'Organisation sioniste mondiale, mettent sur pied deux aéroclubs. Dès le déclenchement de la révolte arabe de 1936, les quelques avions de tourisme utilisés par ces aéroclubs permettent de surveiller l'activité des combattants arabes, les fameux feddayin. Rapidement, ces moyens insignifiants ne suffisent plus et la Haganah soutient la création d'une compagnie aérienne civile, nommée "Aviron", qui sert de paravent à ses activités. Cette compagnie acquiert rapidement cinq avions de transport léger qui vont ravitailler les kibboutzim isolés et permettre de ramener clandestinement d'Europe d'importantes quantités d'armes. Elle assure en outre la formation d'un certain nombre de techniciens qui pourront par la suite entretenir le parc aérien contrôlé par la Haganah. La Deuxième Guerre mondiale met en sommeil l'activité de la compagnie Aviron et de nombreux Juifs du Yishouv se portent volontaires pour servir dans la RAF. A la fin du conflit, ce sont près de 2.500 hommes et femmes qui ont acquis une expérience technique, au sein de la force aérienne britannique, en tant que mécaniciens, armuriers et contrôleurs aériens. Quelques-uns ont été formés comme pilotes de transport. Seule une poignée d'entre eux sont devenus pilotes de chasse, tels les lieutenants Modi Alon, Ezer Weizman et Dan Tolkowsky qui deviendront célèbres par la suite. De fin 1945 à novembre 1947, la puissance mandataire britannique surveille toutefois étroitement l'activité de la compagnie Aviron, qui doit limiter ses activités clandestines.
En décembre 1947, David Ben Gourion profite du désengagement des Britanniques pour créer le Sherout Avir (littéralement "Branche aérienne"). Ce service regroupe à la fois l'essentiel des moyens aériens éparpillés dans les aéroclubs et dans la compagnie Aviron, et l'ensemble du personnel déjà formé pour les mettre en œuvre. Les Britanniques ferment les yeux sur les activités du Sherout Avir. Cette branche aérienne de la Haganah est basée sur l'aérodrome de Lod et regroupe huit avions de transport et de liaison, dont la mission principale consiste à ravitailler les colonies agricoles et les kibboutzim isolés. Le Sherout Avir acquiert rapidement une vingtaine d'avions de transport supplémentaires et met en place trois escadrons responsable chacun d'une zone du Yishouv.
Anticipant un éventuel conflit avec les Etats voisins, l'état-major de la Haganah ressent le besoin de disposer d'avions de combat capables à la fois d'appuyer la progression des troupes au sol et d'intercepter d'éventuels raids aériens ennemis. Ben Gourion donne donc carte blanche au Rechesh (littéralement "Acquisition", un service créé au milieu des années 1920 pour acheter des armes à l'étranger) pour se procurer par tous les moyens des avions de chasse qui permettront de défendre le futur espace aérien israélien. La tâche n'est pas aisée car les principales puissances se sont entendues pour établir un embargo sur les ventes d'armes à destination du Proche-Orient. Plusieurs missions d'achat sont envoyées à travers le monde pour fouiller les surplus de la Deuxième Guerre mondiale. L'une de ces missions échoue aux Etats-Unis et au Mexique, mais une autre, plus chanceuse, parvient à convaincre le gouvernement tchécoslovaque de lui vendre une vingtaine de chasseurs Avia S-199, une version du fameux Messerschmitt 109 allemand construite sous licence par l'industrie aéronautique tchèque. Ce sont donc paradoxalement des avions de chasse qui ont fait les beaux jours de la Luftwaffe nazie qui vont assurer la défense du Yishouv ! Pour sa part, David Ben Gourion s'entend avec les gouvernements tchèque et italien pour établir secrètement à Alicia, près de Rome, un centre d'entraînement permettant de former sur Avia S-199 les quelques pilotes juifs suffisamment qualifiés pour voler sur ce type d'appareil. Il est également Convenu que les avions seront livrés, démontés, par voie aérienne dès la fin du mois de mai 1948. Le Rechesh parvient également à racheter quatre chasseurs bombardiers Beaufighter dans des surplus britanniques, montant pour l'occasion une compagnie paravent de tournage cinématographique censée utiliser ces avions pour des prises de vue aériennes ! Ces avions ne parviendront cependant à destination que six mois plus tard. Parallèlement, l'Agence juive se mobilise pour recruter dans le monde anglo-saxon des pilotes mercenaires prêts à combattre pour la cause juive.
Entre-temps, l'état-major de la Haganah a pris conscience de la nécessité de se doter d'une structure capable d'encadrer l'activité navale de l'organisation. Il entérine l'existence du Palyam (littéralement "Compagnies d'assaut en mer"), créé par le Palmah en 1943 pour accueillir les immigrants juifs débarqués clandestinement sur les plages de Palestine. En décembre 1947, le Palyam est officiellement reconnu en tant que branche navale de la Haganah et son commandement est confié au colonel Nehman Shulman, un ancien officier américain récemment immigré en Palestine. Ce service compte dans ses rangs certains des 1.400 volontaires juifs qui ont rejoint la Royal Navy pendant la Deuxième Guerre mondiale, très peu ayant toutefois eu l'opportunité de servir à bord de navires de guerre. Il regroupe également une partie des marins formés en Italie au début des années 1930, mais aussi les 370 stagiaires qui ont suivi les "cours avancés de technique navale" dispensés par l'Institut Technion d'Haïfa entre 1945 et 1947. Ces cours, supervisés par des cadres de la Haganah, ont permis de former sommairement des officiers de marine et des équipages capables de mener un bâtiment et de procéder à des manœuvres simples. Le Palyam ne dispose d'aucun navire qui lui soit directement attaché, mais il contrôle la flottille de navires affrétés pour les missions de transport clandestines en direction de la Palestine. Il doit être de ce fait en mesure de constituer rapidement des équipages prêts à embarquer sur ces navires. Si la vocation première du Palyam consiste à transporter des armes et des immigrants, David Ben Gourion cherche rapidement à l'étendre. Il ordonne à l'un de ses plus proches collaborateurs de chercher à se procurer par tous les moyens quelques navires susceptibles d'être convertis en bâtiments de guerre. Celui-ci déniche un vénérable brise-glaces américain qui est ramené dans le port d'Haïfa et équipé de deux canons de 20 mm et de plusieurs mitrailleuses. Ce patrouilleur côtier improvisé, rebaptisé Eilat, se voit affublé d'un large numéro "16" destiné à faire croire aux Egyptiens que le Palyam dispose d'une quinzaine de navires. Le Rechesh déploie également ses efforts auprès du gouvernement canadien, qui s'engage à céder gracieusement au Yishouv deux frégates poussives de classe Flower, demandant à ce que celles-ci – rebaptisées à l'avance Haganah et Wedgwood – ne soient livrées qu'après le départ des troupes britanniques. Plusieurs vedettes rapides sont enfin achetées dans différents ports méditerranéens.
Début 1948, la Haganah constitue donc une force armée regroupant des moyens terrestres, aériens et navals, qui s'apprête à sortir de la clandestinité pour affronter de nouveaux adversaires : les feddayin palestiniens et les armées arabes tentés de remettre en cause le plan de partage avalisé par les Nations unies.
Pierre RAZOUX
In Tsahal, nouvelle histoire de l'armée israélienne
Notes :
1. Notamment les rabbins Alkalaï et Kalisher.
2. Pendant la conquête du pays de Canaan, Deborah, secondée par Barak et Ephraïm, remporta près du mont Tabor une victoire majeure contre le général cananéen Sisera. Jouant intelligemment de l'effet de surprise, du terrain et de la pluie, elle mit en déroute l'armée adverse et « humilia Yabîn, roi de Canaan, devant les Israélites » (Livre des Juges, 4 : 23).
3. La population juive de Palestine double entre 1922 et 1929.
4. Martin Van Creveld, Tsahal - Histoire critique de la force israélienne de défense, éditions du Rocher, 1998, p. 51.
5. Ibid., p. 65.
6. Le bilan de la révolte arabe de 1936-1939 est lourd. Selon l'édition Encyclopœdia Britannica de 1969, 3.576 personnes auraient été tuées (135 Britanniques, 329 Juifs et 3.112 Arabes) et 2.988 autres auraient été grièvement blessées (386 Britanniques, 827 Juifs et 1.775 Arabes) (volume XVII, p. 170).
7. Ce plan préventif, baptisé opération "Carmel" et élaboré conjointement par le professeur Jonathan Rattner et les services du haut-commissaire britannique, prévoyait le creusement de gigantesques fossés défensifs et la mise sur pied de 36 bataillons d'infanterie équipés d'armes antichars.
8. Certains volontaires juifs, hommes ou femmes, seront parachutés en Europe occupée en tant qu'agents de liaison. C'est le cas d'Hannah Senesh, qui sera engagée sur le théâtre d'opérations yougoslave en 1944 et finira exécutée par les nazis quelques mois plus tard.
9. Plus de 27.000 Juifs ont combattu dans les armées du Commonwealth et plusieurs dizaines de milliers d'autres ont servi sous l'uniforme des forces armées américaines.
10. Vladimir Jabotinsky décède aux Etats-Unis en 1940 des suites d'une longue maladie.
11. En novembre 1945, l'arsenal de la Haganah et du Palmah regroupe 10.500 fusils, 4.435 pistolets, 3.700 mitraillettes et fusils-mitrailleurs, plusieurs millions de cartouches et 300 mortiers légers. Günter Rothenberg, The Anatomy of the Israeli Army, Batsford, Londres, 1979, p. 37.
12. D'octobre 1945 à novembre 1947, les pertes militaires britanniques s'élèveront à 125 tués et 259 blessés graves, sans compter plus d'une centaine de civils britanniques tués dans des attentats. Les Juifs subissent deux fois plus de pertes pendant cette même période.
13. Les Britanniques font sauter l'hôtel Ben Yehuda dans lequel avaient trouvé refuge un certain nombre de membres de l'Irgoun, entraînant la mort de 48 Juifs et en blessant 200 autres.
14. A Washington, le gouvernement américain est influencé par le puissant lobby juif et par de nombreux mouvements chrétiens so