Impossible de parler du diabète gestationnel en passant sous silence la controverse qu'il suscite. Faut-il le dépister et le traiter? Pendant que certains doutent de l'existence de cette maladie, d'autres croient qu'il est important d'en faire un bon suivi.
D'après la vision classique, le diabète gestationnel ou diabète de grossesse se définit comme suit : un diabète qui apparaît durant la grossesse, habituellement pendant le deuxième ou le troisième trimestre. De 6 % à 8 % des femmes enceintes souffriraient d'un tel diabète.
Grossesse et métabolisme du glucose
Durant les deuxième et troisième trimestres de la grossesse, il est reconnu que les besoins en insuline de la femme enceinte sont deux à trois fois plus importants qu'en temps normal. Cela s'expliquerait par l'augmentation progressive, durant la grossesse, de la production d'hormones « anti-insulines » (par exemple, les hormones placentaires, le cortisol et les hormones de croissance), qui réduisent les effets de l'insuline sur l'organisme. Elles sont essentielles au bon déroulement d'une grossesse, donc à la santé du foetus et de la mère. Normalement, cette résistance à l'insuline stimule le pancréas à produire davantage d'insuline pour compenser. Les femmes qui ont une tendance occulte au diabète sont celles dont le pancréas ne peut produire ce surplus d'insuline. Chez elles, s'installe alors l'hyperglycémie.
Controverse sur le dépistage
Plusieurs spécialistes considèrent qu'il est important de dépister l'hyperglycémie durant la grossesse afin de prévenir les complications qui peuvent survenir chez la mère et l'enfant. La femme enceinte ayant reçu le diagnostic de diabète gestationnel est alors traitée à l'aide d'un régime alimentaire, et parfois, de l'insuline.
Ce point de vue ne fait toutefois pas l'unanimité. Bien qu'il y ait consensus sur l'existence d'anomalies du métabolisme du glucose chez certaines femmes enceintes, plusieurs intervenants en santé doutent de la pertinence de dépister et de traiter cet état.
En novembre 2002, à la suite d'une méta-analyse recensant les études parues entre 1990 et 2002, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada concluait qu'« il n'est pas possible de recommander une approche unique pour le dépistage du diabète gestationnel puisqu'il n'existe pas de résultats scientifiques démontrant l'effet favorable d'un programme de dépistage à grande échelle ». Étonnamment, le régime alimentaire et l'insulinothérapie ne préviendraient pas les complications du diabète gestationnel, tant chez la mère que chez l'enfant. Par conséquent, autant l'absence de dépistage que le dépistage systématique sont considérés comme acceptables. Toutefois, par précaution dans ce climat d'incertitude, on mentionne aussi qu'aucune preuve n'impose l'abandon du dépistage.
À l'Association canadienne du diabète, on recommande de faire le dépistage seulement chez les femmes à risque de diabète gestationnel (voir les sections Personnes à risque et Facteurs de risque), et ce entre les 24e et 28e semaines de grossesse. (En présence d'un risque élevé, le suivi commence dès la 16e semaine). Certains hôpitaux canadiens ont adopté le dépistage systématique, puisque les femmes non à risque de diabète gestationnel constituent une petite proportion, et que le test permet aussi de dépister le diabète de type 1 chez des femmes atteintes, mais qui l'ignorent encore. Au Québec, des maisons de naissance ont comme règle de simplement s'assurer de l'absence de diabète en début de grossesse (un diabète non déclaré), donc avant la 16e semaine.
Note. Si le foetus est en contact dès les premiers mois avec un milieu diabétique, des complications graves s'ensuivent (par exemple, un risque accru de malformations congénitales ou de mort). L'importance de déceler un diabète en début de grossesse (de type 1 ou de type 2, non déclaré) fait l'unanimité. Généralement, on ne déconseille pas aux femmes diabétiques d'avoir des enfants, mais elles doivent le faire sous un suivi médical rigoureux qui doit débuter avant la conception.
Le test de dépistage consiste en une mesure de glycémie capillaire. En cas d'hyperglycémie, on entreprendra un test d'hyperglycémie provoquée qui consiste à évaluer la glycémie sanguine une heure après avoir ingéré 50 g de glucose.
Après l'accouchement
Dans 90 % des cas, le diabète gestationnel disparaît dans les quelques semaines suivant l'accouchement. Toutefois, une proportion importante des femmes qui en sont atteintes développeront, quelques mois ou plusieurs années plus tard, un diabète de type 2 ou, beaucoup plus rarement, un diabète de type 1.
Allaitement
Le diabète gestationnel ne constitue pas une contre-indication pour l'allaitement maternel. Au contraire, des études indiquent qu'il peut conférer une certaine protection contre le diabète chez la progéniture (voir notre fiche Diabète de type 1). En effet, les enfants des mères qui développent un diabète de grossesse sont déjà à risque puisque leur mère pourrait leur transmettre sa tendance génétique à la maladie, et aussi parce qu'ils croissent dans un milieu hyperglycémique.
Voici les conséquences possibles du diabète gestationnel, pour la mère comme pour l'enfant.
Conséquences possibles pour la mère
- des infections des voies urinaires.
- de l'hypertension artérielle et de l'enflure (plus fréquents en cas de diabète gestationnel).
- un accouchement prématuré.
- un accouchement par césarienne (à cause de la taille de l'enfant).
- un risque accru de souffrir de diabète de type 2.
Conséquences possibles pour l'enfant
- une hypoglycémie néonatale.
- une exagération de la jaunisse du nouveau-né.
- un déficit en calcium sanguin.
- un syndrome de détresse respiratoire.
- une macrosomie (développement exagéré de toutes les parties du corps).
- un risque accru de développer éventuellement un diabète, le plus souvent de type 2.
Symptômes
Tout comme pour les autres types de diabète, la femme enceinte atteinte de diabète gestationnel est généralement asymptomatique. Dans de rares cas, elle peut présenter les symptômes suivants :
- une fatigue inhabituelle pour une femme enceinte;
- des mictions abondantes;
- une soif intense.
Personnes à risque
- Les femmes d'origine hispanique (les Latino-Américaines), amérindienne, afro-américaine et celles du sud-est asiatique.
- Les femmes ayant plus de 25 ans.
- Les femmes ayant une prédisposition génétique au diabète (antécédents familiaux de diabète).
- Les femmes ayant eu l'un des problèmes suivants au cours d'une grossesse précédente : diabète gestationnel, hypertension, infection des voies urinaires, hydramnios (surplus de liquide amniotique).
- Les femmes ayant déjà eu un nouveau-né affligé d'une anomalie de naissance, une fausse couche, un bébé mort-né ou un bébé de plus de 4 kg (9 lb).
Facteurs de risque
L'obésité avant la grossesse constitue un facteur de risque important.
Prévention
En principe, il n'existe aucun moyen reconnu de prévenir le diabète gestationnel, mais on peut penser qu'une saine alimentation et le maintien d'un poids santé peuvent contribuer à en amoindrir les risques (la majorité des femmes qui souffrent de diabète durant leur grossesse ont un diabète de type 2). Pour en savoir plus, consulter la section Prévention de la fiche Diabète de type 2.
Prévention des complications pour la mère et le nouveau-né
- Contrôle de la glycémie. Selon les tenants du dépistage systématique du diabète gestationnel, en principe, ses complications peuvent être atténuées ou prévenues par un contrôle serré de la glycémie. Ce contrôle nécessite une alimentation adéquate, et parfois de l'insuline. Un lecteur de glycémie est indispensable pour vérifier et corriger au besoin la qualité du contrôle. Voir la fiche Diabète - vue d'ensemble pour plus d'information sur le suivi de la glycémie.
- Suppléments de multivitamines et minéraux. Durant la grossesse, les besoins en nutriments augmentent. Une synthèse scientifique rapporte que des carences pour les nutriments suivants ont été observées chez les femmes atteintes de diabète gestationnel : chrome, magnésium, potassium et vitamine B6 (pyridoxine). Ces pertes nutritionnelles sont attribuables à la glycosurie (présence anormale de glucose dans l'urine) associée au diabète, et elles pourraient accentuer la tendance à l'hyperglycémie puisque chacune de ces déficiences nuit à la production d'insuline. Cet exposé de synthèse avance qu'une supplémentation (en multivitamines) pourrait servir à prévenir ou à soigner le diabète gestationnel.
Prévention du diabète de type 2
Étant donné que plus de 50 % des femmes ayant été atteintes de diabète gestationnel risquent de souffrir un jour du diabète de type 2, celles-ci auront d'autant plus intérêt à observer de saines habitudes de vie pour prévenir son apparition. Il faudra en particulier faire le nécessaire pour éviter l'obésité, en mangeant sainement et en augmentant l'activité physique. Cela aidera aussi à prévenir l'hypertension et l'excès de cholestérol, deux maladies qui accompagnent souvent le diabète. Consulter la section Prévention de la fiche Diabète de type 2.
Bonne journée,
Marie-Claude
ref: Passeport.sante