La fibromyalgie (« fibro » pour les tendons, « myo » pour les muscles; « algie » pour la douleur), ou spasmophilie, est un syndrome caractérisé par des douleurs musculaires chroniques et un sommeil non réparateur. L'existence de ce syndrome est reconnue depuis 1992 par l'Organisation mondiale de la Santé. Les statistiques révèlent que, dans les pays industrialisés, la fibromyalgie touche de 2 % à 6 % de la population. Au Canada, 900 000 personnes en sont atteintes.
La fibromyalgie empêche souvent la personne qui en souffre de vaquer à ses occupations quotidiennes. Les symptômes se renforçant les uns les autres, cela crée un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.
Encore mal connue, la fibromyalgie a suscité certaines polémiques dans le milieu scientifique, ses causes et ses symptômes n'étant pas toujours clairement déterminés. Les médecins la considéraient au départ comme une maladie d'origine psychique. Aujourd'hui, en plus d'un profil psychologique particulier (états dépressifs, pessimisme, catastrophisme), on pointe du doigt des facteurs physiologiques (perturbations métaboliques, hormonales, etc.) et un contexte de vie qui prédisposerait à la fibromyalgie (stress, alimentation, sédentarité).
Diagnostic
Ses symptômes nombreux et sa ressemblance ou sa cohabitation avec d'autres maladies ou syndromes (syndrome de fatigue chronique, syndrome de l'intestin irritable, migraine, etc.) complexifient le diagnostic de fibromyalgie.
Voici les deux critères établis par l'American College of Rheumatology, retenus et approuvés par un comité international :
- la présence d'une douleur diffuse pendant plus de trois mois;
- une sensation de douleur sur au moins 11 des 18 points caractéristiques de la maladie, lorsqu'on y exerce une pression d'au plus 4 kg par cm2 (voir schéma).
Note. Certaines formes graves de fibromyalgie causent des douleurs partout sur le corps, et pas seulement aux muscles.
Causes
Bien que la fibromyalgie engendre des douleurs musculaires chroniques, son origine ne serait pas dans les muscles. La cause exacte du syndrome n'est pas encore connue. Selon les connaissances actuelles, le problème se situerait dans le système limbique, une région du cerveau qui joue un rôle dans les émotions, la mémoire et l'apprentissage.
L'explication du Dr Pierre Arsenault
On croit que le système nerveux sympathique des personnes atteintes de fibromyalgie est constamment en état d'hyperactivité. Cependant, lorsqu'un stress survient, au lieu d'augmenter la cadence comme c'est le cas normalement, il a plutôt tendance à stagner, et ne peut donc répondre à la demande. C'est alors que surviendraient de l'hypotension, une fatigue physique et un mauvais ajustement du rythme cardiaque (déjà accéléré). Un peu comme un cheval qui, à force de galoper, serait à bout de force et incapable de fournir les efforts supplémentaires qu'on lui demanderait. L'intolérance au stress que vivent plusieurs personnes fibromyalgiques pourrait s'expliquer de cette façon. On observe chez ces personnes que les taux de certains neurotransmetteurs, comme la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline, sont déréglés.
D'autres pistes explorées
- Un trouble métabolique de la substance P, qui augmenterait la sensibilité à la douleur et dont l'association avec le stress, l'anxiété et la dépression est aussi connue.
- Un manque chronique de sommeil réparateur. Il se peut que le mauvais sommeil ne soit pas seulement un symptôme, mais aussi une cause de la fibromyalgie.
Symptômes
Les symptômes diffèrent d'une personne à l'autre. De plus, le climat, le moment de la journée, le niveau de stress et d'activité physique sont des facteurs qui influencent la gravité des symptômes et leur variabilité dans le temps.
- Des douleurs musculaires diffuses qui persistent souvent des mois et qui s'accompagnent de raideurs, et certains endroits précis du corps douloureux au toucher (voir le schéma).
Dans les situations les plus extrêmes, le toucher cause des douleurs sur tout le corps. - Un sommeil non réparateur et des raideurs au lever.
- Une fatigue persistante (toute la journée).
- Des maux de tête ou de fortes migraines, possiblement causés par des tensions musculaires au cou et aux épaules, et par un dérèglement des voies naturelles de contrôle de la douleur.
- Un syndrome de l'intestin irritable : diarrhée, constipation et douleurs abdominales.
- Des états dépressifs ou d'anxiété (chez environ le tiers des personnes fibromyalgiques).
- Des difficultés de concentration.
- Une augmentation de l'acuité des sens, soit une sensibilité accrue aux odeurs, à la lumière, au bruit et aux changements de température (en plus de la sensibilité au toucher).
- Un engourdissement et des fourmillements aux mains et aux pieds.
- Des menstruations douloureuses.
- Un syndrome de la vessie irritable.
Personnes à risque
- Les femmes. La fibromyalgie touche environ quatre fois plus de femmes que d'hommes1. Les chercheurs croient que les hormones sexuelles influencent l'apparition de cette maladie, mais ils ne savent pas encore de quelle manière précisément. Il semble que la testostérone rendrait les hommes plus résistants à la douleur.
- Les personnes âgées de plus de 50 ans. Paradoxalement, chez les femmes, la maladie est surtout présente entre 40 et 60 ans, et généralement aux environs de la ménopause. Puisqu'à la ménopause le taux d'hormones sexuelles diminue, on aurait pu croire que les femmes seraient alors davantage protégées contre la douleur. Or, l'inverse se produit.
- Les personnes dont un membre de la famille a souffert de fibromyalgie ou de dépression.
- Les personnes qui ont des troubles du sommeil en raison de spasmes musculaires nocturnes ou du syndrome des jambes sans repos.
- Les personnes qui ont vécu des expériences traumatisantes (un choc physique ou émotionnel), comme un accident, une chute, un abus sexuel, une intervention chirurgicale ou un accouchement difficile.
- Les personnes qui ont été atteintes d'une infection virale importante, comme la maladie de Lyme ou le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
Facteurs de risque
- Le manque ou l'excès d'activités physiques.
- La tendance à avoir des pensées catastrophistes, c'est-à-dire à se concentrer sur tout ce que la douleur apporte de négatif dans sa vie.
Peut-on prévenir?
La cause de la fibromyalgie n'ayant pas été formellement identifiée, aucune manière de la prévenir n'est reconnue.
Mentionnons seulement qu’il est recommandé de ne pas accumuler de surpoids car celui-ci accentue les douleurs aux articulations et aux muscles.
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Traitements médicaux
Parce qu'on connaît encore peu les origines de la fibromyalgie, les traitements médicaux offerts aux malades reposent davantage sur l'expérience clinique ainsi que sur les connaissances en neurophysiologie de la douleur. La multidisciplinarité est de mise, et des traitements conçus pour soigner d'autres maladies comme la dépression et l'insomnie sont de plus en plus utilisés.
Médicaments
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), par exemple l'ibuprofène (comme Advil® ou Motrin®), le naproxène et l'acétaminophène (Tylenol®) permettent parfois d'atténuer les douleurs et les raideurs musculaires. Leur efficacité varie d'une personne à l'autre. Ils sont surtout utiles lorsque la fibromyalgie apparaît chez une personne atteinte d’une maladie inflammatoire, comme la polyarthrite rhumatoïde. L'aspirine (un autre AINS) serait rarement utile.
Attention. À long terme, l'usage de médicaments de type AINS peut causer des effets indésirables sérieux : douleurs et saignements à l'estomac, ulcères d'estomac, dommages aux reins et hypertension.
Les antidépresseurs, comme les tricycliques ou les inhibiteurs de recapture de la sérotonine, prescrits à faible dose, augmentent la quantité de sérotonine dans le cerveau. De faibles taux de sérotonine seraient liés non seulement à la dépression, mais aussi aux migraines, aux maux digestifs et à l'anxiété, qui font partie des symptômes de la fibromyalgie. De plus, certains antidépresseurs ont des effets antidouleur spécifiques. Par conséquent, ils sont régulièrement utilisés même en absence de dépression. À titre d’exemple, mentionnons l’amitryptiline (Élavil®), utilisé comme antidouleur et pour approfondir le sommeil. Il semble que les antidépresseurs constituent le meilleur traitement à long terme contre les douleurs musculaires de la fibromyalgie. Toutefois, tous n'y trouvent pas un soulagement.
Les anticonvulsivants - d’abord conçus pour traiter l’épilepsie - permettent de stabiliser les messages nerveux dans la moelle épinière; par exemple la gabapentine (Neurontin®), la prégabaline (Lyrica®) et le topiramate (Topamax®). Certains de ces anticonvulsivants améliorent la qualité du sommeil (surtout la gabapentine, et moindrement la prégabaline).
Des sédatifs sont parfois prescrits pour faciliter le sommeil, mais leur usage à long terme n'est généralement pas recommandé par les médecins (par exemple, l’Imavone®).
Des relaxants musculaires peuvent aussi aider à soulager la douleur. Le seul relaxant musculaire efficace pour la fibromyalgie est le Flexeril®. Son efficacité serait attribuable à une action spécifique de la molécule, non liée à son indication habituelle.
À noter
- Les corticostéroïdes (comme la prednisone) n'ont démontré aucune efficacité pour traiter la fibromyalgie.
- Les narcotiques, ou opioïdes, devraient être utilisés seulement en dernier recours, lorsque les autres traitements se sont avérés inefficaces. Leur emploi doit se faire sous surveillance étroite du médecin en raison du risque de dépendance.
Exercices aérobiques
L'exercice stimule l’organisme à produire des endorphines, des hormones qui procurent un bien-être et calme la douleur. Une synthèse d’études publiée en 2002 a conclu que la pratique d'exercices aérobiques supervisés réduit les symptômes de la fibromyalgie et améliore les capacités physiques. Les exercices d'étirement et de flexibilité amélioreraient aussi certains symptômes, mais les preuves à cet effet sont moins nombreuses. Seize études comportant au total 724 participants étaient incluses dans cette synthèse. Deux autres synthèses plus récentes, parues en 2005 et en 2006, parviennent à des conclusions similaires.
On ne doit pas craindre d’aggraver sa maladie en faisant de l’exercice, puisque la fibromyalgie n’est pas un problème d’origine musculair . D’ailleurs, il est connu qu’une mauvaise condition physique contribue à générer fatigue et anxiété. Il est toutefois important de débuter progressivement, avec un programme adapté à sa condition physique.
Les exercices d’aérobie pratiqués en piscine, préférablement en eau chaude, peuvent être un bon point de départ pour se remettre en action. Selon deux essais cliniques parus en 2006, les exercices d’aquaforme (marcher ou courir dans l’eau, par exemple) sont efficaces pour soulager la douleur causée par la fibromyalgie et améliorer le sentiment de bien-être8,9.
Voici quelques conseils prodigués par l'Association médicale canadienne afin de soulager les symptômes4 :
- limiter les périodes de stress, puisque les symptômes s'accentuent avec le stress;
- avoir un sommeil régulier;
- faire des étirements et des exercices aérobiques;
- appliquer des compresses chaudes sur les points douloureux;
- pratiquer de légers massages.
L'opinion de notre médecin
La fibromyalgie est une maladie complexe, encore méconnue. Dans ma pratique, je constate qu’un sommeil non réparateur fait partie intégrante du problème, et de nombreuses recherches arrivent également à cette conclusion. En effet, le mauvais sommeil est reconnu pour aggraver la douleur, la fatigue et les troubles cognitifs (de concentration et de mémoire, par exemple). D’ailleurs, les seuls médicaments qui ont une certaine efficacité contre la fibromyalgie agissent sur le cerveau en favorisant le sommeil profond. Une bonne hygiène du sommeil est donc primordiale. L’exercice physique modéré, l’alimentation et la gestion du stress peuvent y contribuer de façon importante.
Peu de gens guérissent de la fibromyalgie; mais c’est possible. Il n’y a cependant pas de recette. Il semble que parmi ceux qui en sont venus à bout, plusieurs ont vécu une transformation majeure au plan psychologique, souvent au cours d’une thérapie psychocorporelle ou grâce à une pratique spirituelle. L’effet est souvent un regard neuf sur la vie, une façon différente de vivre.
Dr Paul Lépine, M.D. D.O.
Bonne Journée,
Marie-Claude
ref: Passeport.sante