Sous la signature d’Alain Salles, Le Monde.fr révèle que Nicolas Sarkozy envisagerait de rendre public demain 7 janvier, lors de la rentrée solennelle de la cour de cassation, une réformer sensible de la procédure pénale. Les juges d’instruction seraient remplacés par des juges de l’instruction. La modification est faussement anodine. Sous prétexte de renforcer les droits de la défense la modification permettrait au pouvoir politique de maîtriser l’instruction des dossiers sensibles.
Comme le rappelle l’article du Monde.fr, le juge d’instruction est une institution dans le monde judiciaire. Il n’a pas vocation à s’occuper de tout. Il n’enquête que sur les faits pour lesquels il est saisi soit par le procureur, soit par une victime qui s’est constituée partie civile. A peine 5 % des affaires pénales mais généralement des dossiers très sensibles et très médiatiques. Parmi elles surtout, ce volant récurrent d’affaires politico-financières que tout pouvoir s’applique à maîtriser.
Le juge d’instruction est un homme qui fait peur. Aux citoyens anonymes comme aux puissants. Pas, par son éventuel jugement, il n’en prononce pas, mais par les pouvoirs d’enquête très élargis dont il dispose pourfaire “tout acte utile à la manifestation de la vérité”. Parmi ses pouvoirs coercitifs, tout justiciable a à l’esprit la détention provisoire redoutée par chacun quelque soit son rang social.
L’autre caractéristique de ce magistrat hors normes, c’est son indépendance. Bien que n’échappant pas aux pressions plus ou moins amicales, il ne peut en théorie recevoir d’ordre et jouit d’une liberté totale dans sa façon de mener les investigations. Les moyens de contrôles du code de procédure pénale sont modestes. Son dessaisissement est rarissime. Seule la Cour de Cassation est habilitée à le prononcer.
Autant d’éléments qui le font considérer depuis de nombreuses années comme “l’homme le plus puissant de France” avec toutefois un bémol d’importance, les inévitables dérapages. Car même magistrat, il n’en reste pas moins homme et par conséquent faillible. Dernières illustrations en date, les affaires d’Outreau et de de Filippis. A la suite de cette dernière, Nicolas Sarkozy a rappelé qu’il comptait sur les travaux de la commission confiée à Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de justice des communautés européennes, pour “définir une procédure pénale modernisée et plus respectueuse des droits et de la dignité des personnes“. Le rapport est attendu en juillet.
Nicolas Sarkozy empressé d’apporter une réponse à une opinion publique choquée souhaiterait donc supprimer le juge d’instruction pour confier l’ensemble des enquêtes judiciaires au parquet, sous le contrôle d’un magistrat du siège, appelé juge DE l’instruction.
Une fois de plus c’est la méthode utilisée par l’exécutif qui laisse dubitatif. Précipitation et réflexion peuvent-elles faire bon ménage ? Pourquoi ne pas attendre le pré-rapport de la Commission Léger qui traite de la question du juge d’instruction ? Il semblerait qu’une majorité des membres de la commission soit favorable à la suppression des juges d’instruction. Les reproches récurrents adressés aux “petits juges” portent sur le fait qu’ils seraient coupés de l’institution judiciaire et exerceraient un pouvoir trop solitaire. Mais, une fois les critiques recensées, quel système mettre à la place ?
Nicolas Sarkozy, ancien avocat, semble avoir fait le choix de donner une plus grande place aux droits de la défense. On ne peut que s’en féliciter. Reste la question de l’indépendance du parquet. Selon Le Monde.fr elle est considérée comme un préalable à la suppression du juge d’instruction, par le rapport de Mireille Delmas-Marty de 1990 et la commission Outreau.
Le Chef de l’Etat n’en veut pas. Depuis sa prise de fonction, sa ministre de la Justice, Rachida Dati, l’a non seulement rappelé mais exercé à travers une remise “aux ordres” du parquet.
L’équilibre des pouvoirs nécessite pourtant d’offrir des garanties à la justice pour qu’elle puisse faire son travail en toute indépendance. Une justice certes respectueuse des libertés individuelles mais aussi égale pour tous, sans que de hautes relations ne permettent d’étouffer des affaires de droit commun.