DETACHEMENT
Vous voici un homme
uniforme
Vous voici une âme
déserte
un miroir impassible
Il m’arrive de m’éveiller
et de m’unir
et de posséder
Le rare bonheur qui en dérive
c’est tout doucement qu’il survient
Et quand il cesse de durer
c’est aussi insensiblement
qu’il s’est évanoui
Locvisa, 24 septembre 1916
Giuseppe Ungaretti, L’Allégresse, 1914-1919, traduction de Jean Lescure, dans Vie d’un homme, Poésie 1914-1970, préface de Philippe Jaccottet, Poésie/Gallimard, 1981.
NE CRIEZ PLUS
Cessez d’assassiner les morts
Ne criez plus, soyez sans cri,
Si vous voulez les ouïr encore,
Si rester en vie est votre envie.
Ils ont à eux l’imperceptible murmure
Ne font pas rumeur plus haute
Que la croissance de l’herbe
En liesse où ne passe nul homme.
Giuseppe Ungaretti, La Douleur, traduction d’Armand Robin pour ce poème, dans Vie d’un homme, op. cit., p. 234.
COULEUR D’OMBRE
I
De la couleur de l’ombre
Se peint le soir
Pour moi interminable
Loin de toi.
Œil, cœur, âme aiguillonnent
Le désir insistant
Qui veut que je t’appelle.
II
D’une couleur d’ombre se voilent
Âme, regard et cœur
Égarés dans le soir
D’une attente interminable.
III
Ombre, telle est la couleur
Du cœur, de l’âme, des yeux
Dans l’attente sans fin perdus.
IV
Âme, cœur et regard,
Des ombres dans la nuit avancée
Qui attendent.
Giuseppe Ungaretti, Derniers poèmes, traduction de Philippe Jaccottet, dans Vie d’un homme, op. cit., p. 318-319.
Contribution de Tristan Hordé