EDITORIAL RELATIO par Daniel RIOT « Arctique, ou comment le réchauffement climatique débouche sur un refroidissement des relations diplomatiques ». Le Monde consacre son édito à un sujet que Relatio suit de près depuis quelques semaines, parce que ces glaces (qui fondent) sont devenues des terres de rivalités et de conflits qui confirment que le nouvel ordre mondial promis ressemble à des ordres très anciens, ceux des grandes découvertes et des drapeaux plantés : « j’y suis, je possède »…
« L’année polaire internationale » est ainsi détournée de ses buts scientifiques. Et les enjeux mondiaux qui sont liés au sort de cette ex- « Terra incognita », jusqu’alors peu accessible en raison de la guerre froide et de sa froidure extrême. Qui n’a pas rêvé à ces explorations polaires qui, paraît-il, ont commencé avec Pythéas voilà 2 300 ans ? On ne rêve plus, on calcule. On prospecte. Et on se dispute…
« L’Arctique, écrit Le Monde, mériterait une réflexion collective au-delà des seuls pays riverains. Le moins que l'on puisse dire est que l'on n'en prend pas le chemin ». Hélas, c’est vrai. Pourtant cette « réflexion collective » s’impose, avec une question de bon sens : « Ne pourrions-nous pas faire de l’Arctique, une « terre ou plutôt un océan de la Terre », une zone de souveraineté internationale, un continent onusien ?
L'océan Arctique est aujourd'hui convoité par les cinq pays qui l'entourent : la Russie, le Canada, les Etats-Unis (via l'Alaska), la Norvège et le Danemark (via le Groenland).
Une semaine après que la Russie y eut déposé un drapeau par 4 200 mètres de fond, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a effectué une visite de trois jours dans le Grand Nord pour y réaffirmer la souveraineté canadienne sur une partie de ce territoire. Il a annoncé la création d'un port en eaux profondes et d'une installation militaire dans l'Extrême Nord canadien. Une manière de rappeler à Moscou mais aussi à Washington qu'Ottawa n'est pas un acteur de seconde zone. Logique puisque tous les prétendants propriétaires veulent y être « acteurs de première classe »
L’Union européenne aussi devrait avoir son mot à dire, même si la Norvège n’en fait pas partie et même si le Groenland (où Mme Merkel fait un voyage d’études pour se rendre compte sur le terrain de la fonte effective des glaces) bénéficie d’un statut spécial (si l’on peut dire) depuis 1982-84…
L'Arctique présente une série d’enjeux majeurs qui intéressent directement l'Union européenne: stratégiques, militaire, économiques, énergétiques, politique, climatologiques et environnementaux. Quelles stratégies au Pole Nord pour l’Union ? Ce n’est plus un thème de réflexion pour une cellule « prospective ». C’est une question d’actualité.
Daniel RIOT