Le DVD était resté à côté de mon bureau depuis août dernier lorsque je l’ai rapporté de Bucarest. Fix Alert s’annonçait comme un film expérimental. C’est sans doute pour cette raison qu’il est resté si longtemps à part. Ceci dit, il est vrai qu’il a fallu ces courtes vacances pour que j’accepte de distraire le temps de la lecture au profit du temps du regard cinématographique. J’ai fait une exception pour Agnès Varda à Paris. J’y reviendrai.
Le film est écrit, dirigé et joué par Florin Piersic Jr. On précise junior car il est lui-même le fils d’un acteur connu. Il a écrit et dirigé la même année (2005) Eminescu versus Eminem. Dorina Chiriac, elle-même actrice, a co-écrit les deux films. Elle a joué dans Amen, aux côtés de Ion Caramitru, le rôle de Berthe Gerstein, tandis que Piersic Jr a joué dans Youth without Youth de Francis Ford Coppola. Il prend aussi le rôle d’un cinéaste documentariste roumain à la recherche, à Paris, d’un écrivain roumain, dans le film de Benoît Peeters Le dernier plan : sur les pas de Constantin Dolinescu.
Il est toujours difficile de se retrouver ainsi au milieu du désert, sans repères, surtout quand on regarde l’écran d’un ordinateur, et non un grand écran, avec l’aide des revues de cinéma, dans le confort et la chaleur d’une société amicale. C’est certainement pourquoi j’ai voulu écrire ce parcours préliminaire. Il faudra que j’en demande plus dans quelques jours à mes amis roumains.
Ceci dit, si j’ai un peu plongé dans l’inconnu, c’est que ce cinéaste là n’a vraiment rien à voir avec ceux que l’on a découverts à Cannes, puis dans les salles grand public. Avec sa tête de gangster, il a encore un grand parcours à faire et les débuts sont prometteurs.
L’histoire est mafieuse, glauque, noire. Une sorte de société interstitielle qui peut s’apparenter à toutes celles qui peuplent les interstices des villes, entre immeubles délabrés et piscines de luxe. Il y est question de ventes d’armes, de drogue et d’enlèvement, de meurtres commandités et d’exécutions sommaires. Peu importe d’ailleurs le fil exact de l’histoire, les séries noires sont d’un autre monde. Un monde pour les amateurs. Un monde pour les arnaqueurs.
Piersic s’est certainement nourri de ces images en noir et blanc, en noir et crime qui font partie de toute culture cinématographique américaine. Mais ces images banales, il les chahute et les téléscope. Il n’est certainement pas resté non plus insensible aux mondes labyrinthiques de Peeters et Schuiten et à la fascination de Peeters lui-même pour l’univers d’Hergé et l’Art Nouveau Bruxellois.
Au détour d’une séance de maquillage et de démaquillage, Dorina Chiriac passe ainsi d’un tintin féminisé, un peu survolté, puis revient soudain vers Charlot, avant de jouer les vedettes sophistiquées, de pleurer pour de faux, ou de mourir pour de vrai.
Mais au-delà de toutes ces références, dont je me barde par sécurité, il court dans ce film un souffle court. A raz des visages, de travers, en angle, dans une vie toute en aspérités, une vie déglinguée, derrière un rideau de pluie.
Regardez si un festival du cinéma roumain vient près de chez vous…Des visages désespérés et grotesques vous attendent.
L’expérimentation est encore à l’ordre du jour en Roumanie.