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Le siècle de Mantegna au Louvre

Publié le 05 janvier 2009 par Matt

De la vision (légèrement) déformante d'une exposition sur un artiste. L'exemple de la rétrospective Andrea Mantegna au Louvre.

Le Louvre organise une rétrospective Mantegna. Cette appellation un peu scolaire, un peu sèche, masque ce qui est en réalité l'exploit culturel de l'automne-hiver parisien. Présenter un panorama aussi complet que possible de l'oeuvre d'un géant dont les travaux majeurs sont soit si fragiles qu'ils ne voyagent guère, soit directement apposés sur les murs de palais qui ne voyagent pas non plus.
La question est la suivante : était-ce possible ? L'ensemble de la critique autorisée semble d'avis que oui, et l'exposition accomplit effectivement le tour de force promis, à quelques inévitables exceptions.
En effet, comme le rappelle Giovanni Agosti dans son très bel ouvrage "récit de Mantegna", l'art du peintre repose sur deux piliers : l'antique et l'illusion.
L'Antiquité est admirablement présente dans les oeuvres exposées à Paris. Une antiquité marmoréenne, âpre, virile, faite de figures aux allures de statues, plongées dans la gravité, aux rictus un peu durs, un peu figés. Ils s'adoucissent avec le temps, pas forcément pour le mieux d'ailleurs. Mais le travail sur l'illusion est autrement plus difficile à faire sentir, et l'on se demande parfois s'il n'a pas tout simplement été passé à l'as, alors qu'il s'agit évidemment d'un aspect capital. La confusion entre l'espace réel et l'espace peint est une vraie problématique de l'oeuvre de Mategna, et qui est en outre spécifique à toute l'écle de l'italie du Nord et du futur maniérisme. L'exposition parisienne n'a guère que quelques balustrades en trompe l'oeil ou marbres feints à proposer, ce que l'on peut comprendre, mais reste avare en commentaires sur cet aspect, ce que l'on cmprend moins.
Bien sûr, il faut (fallait) courir voir cette exposition, y admirer quelques chefs d'oeuvres, en particuleir le tryptique enfin réuni de la prédelle de San Svevo, les relations picturales avec Bellini (ah ! la douceur de Bellini !), avec l'école flamande et Roger Van der Weyden (ah ! le réalisme ! oh ! le pittoresque, les petits lapins joueurs, les fleurs des champs aux pieds des martyrs), le fabuleux cabinet d'Isabelle d'Este et surtout voir l'évolution d'un peintre qui sur près d'un siècle est passé du statut de "premier peintre du monde" à celui d'un vieux maître toujours respecté, mais dépassé par la mode de la manière moderne.
La douceur du modelé est bientôt préférée à la dignité des sujets et la netteté des lignes, les couleurs s'étalent en vapeurs plutôt qu'en surfaces. Corrège, Léonard de Vinci ou Giorgione jettent l'art de Mantegna un style vieillot. Tout cela crée le sentiment d'une douce mélancolie après la profonde admiration, et ce n'est pas le dernier tour de force de cette exposition de susciter des sentiments si intenses et contrastés.
Comme le souligne admirablement Philippe Dagen, la longue série des estampes rappelle que Mantegna fut le contemporain de Dürer et de Bosch. Sous l'apparat des allusions à l'antique, l'intensité des passions et des appétits n'est jamais loin. Les monstres, les énergies déchaînées percent sur la sévérité du premier contact. Cette vigueur, cette cruauté, matinée de douceur Bellinienne et de pittoresque Van der Weydien construisent au final de ce magnifique parcours l'image d'un Mantegna diablement complexe, dont on admirera l'illusionnisme in situ, dans la chambres des époux de Mantoue.

Mantegna, Musée du Louvre, jusque début janvier. Voir le mini-site de l'exposition


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