France - L'université motive-t-elle ses étudiants ? Pour tenter de répondre à cette question des chercheurs du laboratoire de psychologie sociale et cognitive (CNRS/Université Blaise Pascal de Clermont–Ferrand), des universités Pierre Mendès France de Grenoble et de Lausanne ont mené plusieurs études. Les résultats, qui viennent d'être publiés dans le Journal of personality and social psychology, montrent que les étudiants obéissent à une double motivation parfois ambivalente : celle d'apprendre, affichée aisément et sans complexes, mais aussi celle, moins clairement mise en avant, d'être meilleur que les autres.
Quelles sont les motivations des étudiants d'université ? Beaucoup d'auteurs font la distinction entre les buts de maîtrise (le désir d'apprendre ou de progresser) et les buts de performance (le désir de se montrer plus performant que les autres, d'être meilleur).
La plupart des enseignants répètent aux étudiants que ce qui importe est d'apprendre et non de chercher la compétition. Pourtant avoir de bonnes notes et être bien classé reste une préoccupation majeure pour une très grande majorité d'étudiants. Comment ceci peut-il s'expliquer ? Certains travaux soulignent que l'université remplit en réalité une double fonction : former ses étudiants mais aussi les sélectionner et les « trier » en fonction de leurs performances, de manière à déterminer quelle place chacun occupera plus tard dans la société. Si dans les discours, la fonction formative de l'université est plus facilement mise en avant, son fonctionnement implique que pour réussir, il faut apprendre mais aussi réussir mieux que les autres.
Ici, les chercheurs ont émis l'hypothèse que ces deux buts seraient encouragés à l'université, mais pour différentes raisons. Ils ont demandé à des étudiants de répondre à un questionnaire (habituellement utilisé pour mesurer les motivations des étudiants) en adoptant différentes stratégies d'auto-présentation.
Résultat : lorsque les étudiants ont pour consigne d'essayer de se montrer sympathiques aux yeux de leurs enseignants, ils se disent particulièrement motivés par la maîtrise. En revanche, lorsqu'ils ont pour consigne d'essayer de se montrer compétents aux yeux de leurs professeurs, ils reconnaissent être animés par des buts de maîtrise mais également de performance.
Dans deux autres études, les chercheurs ont demandé à des étudiants de juger un prétendu autre étudiant, présenté comme quelqu'un adoptant soit fortement, soit faiblement, des buts de maîtrise et de performance. Ils devaient estimer dans quelle mesure ce dernier avait des chances de se faire apprécier de ses enseignants et de réussir son cursus universitaire.
Il s'est avéré que les cibles adoptant fortement des buts de maîtrise ont été jugées comme ayant de fortes chances d'être appréciées mais également de réussir. Par contre, celles adoptant fortement des buts de performance sont jugées comme ayant moins de chances d'être appréciées par les enseignants mais ayant plus de chances de réussir leur cursus universitaire que les cibles adoptant faiblement ce type de buts.
Même si les étudiants savent qu'il n'est pas bien vu par leurs professeurs d'adopter une attitude compétitive, chercher à être meilleur que les autres reste inéluctablement perçu comme un indicateur de réussite à l'université. Ces résultats expliquent pourquoi, en dépit de leur discours, les enseignants ont tant de difficultés à décourager les étudiants à adopter des buts de performance.
Ils permettent également de mieux comprendre certains comportements associés à la compétition comme l'utilisation de stratégies d'études superficielles (par exemple apprendre par cœur sans réelle volonté de retenir), la pratique de la triche, un faible intérêt ou une réaction défensive face à des difficultés ou à des désaccords.
L'étude montre ainsi que si l'on veut encourager les étudiants à ne pas rechercher la performance, il est très important de s'interroger sur le fonctionnement des structures éducatives, et en particulier sur leur fonction de sélection qui contribue à encourager les comportements compétitifs néfastes.