En apparence, c'est un nouvel épisode de la "fabuleuse histoire" des tensions géopolitiques liées au pétrole et au gaz. L'Ukraine ne paye pas à temps, l'Ukraine ne souhaite plus payer le prix demandé alors la Russie ferme le robinet, un léger sourire au lèvre.
Tout cela n'est qu'apparences car ce nouvel épisode tendu entre Kiev et Moscou n'est en réalité qu'une partie du stratagème géant échafaudé par les uns et contré par les autres dans la conquête du rêve d'une grande Russie de Poutine. L'histoire commune de deux pays se fissure soudainement en 2004 lorsque le peuple Ukrainien place à Kiev un gouvernement pro-occidental, au terme d'une révolution connue sous le nom de révolution Orange. L'ex enfant chérie de l'URSS se tourne alors vers les sirènes européennes et surtout vers la protection militaire de l'OTAN ce qui aura le don de révulser Moscou.
Il ne faut donc pas se le cacher, l'opération Russe de l'été dernier en Géorgie fut (entre autre) motivée par le désir d'ériger un exemple, comme pour montrer à l'Ukraine ce qui arrive aux républiques de l'Ex-URSS qui seraient tenté de se placer sous la houlette occidentale, d'accepter les projets de bouclier antimissiles US et surtout d'oublier trop vite le passé glorieux de l'ex puissance soviétique.
Cette puissance de feu et cette liberté d'action, Moscou les a acquise grâce à un pétrole et un gaz de plus en plus rares (et chers). Dans ce domaine, il faut dire que la Russie sait manoeuvrer à la perfection pour se doter du pouvoir nécessaire à ses désirs d'avenir. Eco89 diffuse d'ailleurs ce jour, un billet plutôt bien renseigné et expliqué sur la question. Inutile donc de disserter sur la chose.
Troisième chapitre du choc Ukraine - Russie. La question de Sebastopol est délicate pour ne pas dire prépondérante pour la stabilité de la région. Sebastopol est une ville ukrainienne située au Sud Ouest de la Crimée particulièrement intéressante de par sa configuration maritime qui autorise un port en eaux profondes. Pendant plusieurs décennies, cette ville fut l'objet de toute les convoitises et la cible de toutes les stratégies militaires. En 1948, Sebastopol est Russe. En 1954, elle bascule et devient Ukrainienne. Depuis un traité ratifié en 1997, Sebastopol héberge les navires de guerre Russes.
Traduisons. Une ville composée à 72% de Russes est Ukrainienne mais représente le port d'attache de la flotte Russe. La population est russophone et particulièrement attachée à ses racines Russes. Dans quelques années (2017), le bail qui permet aux Russes d'installer navires et sous marins dans le port de Sebastopol prendra fin. Dans quelques années donc, l'allumette se rapprochera inexorablement de la poudrière. L'Ukraine ne souhaitant pas abandonner Sebastopol aux Russes, geste qui serait considéré comme une faiblesse par un gouvernement pro-occidental. Les Russes ne pourront raisonnablement pas se séparer de Sebastopol tant la position se veut stratégique et prépondérante pour Moscou. La population de Sebastopol est profondément pro-Russe... mais possède des passeports Ukrainiens. Ces derniers n'accepteront sûrement pas que le pouvoir central de Kiev se permette de tourner le dos à la Russie. Sans compter que la ville de Crimée est l'objet de manipulations sournoises des deux camps pour s'accorder toujours plus de pouvoir avant 2017. Ainsi, Moscou finance des écoles, des universités et soutient plus ou moins officiellement les organisations ou associations pro Russes. L'Ukraine elle, compte sur le temps pour se défaire de l'étreinte Russe. Les écoles parlent Ukrainien et l'unité du pays est particulièrement enseignée dans cette région. Le temps et l'assimilation contre le ressenti profondément Russe... Que faire ? Où est la solution diplomatique ? Existe-elle seulement ?
Toutes ces questions sans réponses nouent le problème qui se présente devant Kiev. En face, la porte Occidentale, les protections Européenne et Américaine. Derrière, l'Histoire et le peuple, parfois férocement attaché à la Russie et Moscou qui pèse de tout son poids pour ralentir le rattachement de l'Ukraine au train Occidental.
Dans cette conception de choses, chaque mouvement politique, militaire ou commercial porte un sens beaucoup plus lourd qu'une "simple" note de gaz impayée. La Géorgie, le gaz, Sebastopol, le bouclier antimissiles, l'Otan et l'Europe... Et dans le contexte économique mondial actuel, difficile de ne pas penser une seconde à la guerre mondiale qui a suivi la dépression de 1929. Si l'Histoire devait se répèter, nul doute qu'il faudrait surveiller de très près les évènements en Crimée.
A voir: Le reportage de France 2
A lire: Le Figaro International