L'intervention musclée des Israéliens risque fort de relancer le terrorisme si la communauté internationale ne parvient pas à y mettre un terme rapidement.
Les ministres arabes des Affaires étrangères, réunis au Caire le 31 décembre, n'ont pas réussi à adopter une position ferme vis-à-vis d'Israël. Cet échec confirme l'idée selon laquelle l'offensive contre le Hamas a été coordonnée et avalisée par certains pays arabes influents, notamment par l'Egypte et par l'Arabie Saoudite. Une armada d'avions crache du feu sur les civils palestiniens et noie leurs maisons sous les bombes, mais l'arsenal militaire israélien n'arrive pas à empêcher les tirs de roquettes à partir de la bande de Gaza. Ces tirs continuent et ont même redoublé en nombre et en portée, atteignant désormais Israël en profondeur. Les régimes arabes "modérés" les qualifient de "futiles", mais ils ont paralysé sept grandes villes israéliennes, dont Ashdod, Ashkelon et Beersheba, et ont obligé près de 1 million d'Israéliens à se réfugier dans les abris.
Les Israéliens, venus en colons des quatre coins du monde pour s'installer sur la terre volée aux Palestiniens, voient progressivement s'évanouir leur rêve de stabilité et de tranquillité. C'est la deuxième fois en deux ans qu'ils ont l'occasion de s'en rendre compte. En 2006, la façade nord du pays avait reçu un déluge de roquettes tirées par le Hezbollah chiite. Aujourd'hui, la façade sud est frappée par le versant sunnite de la résistance islamique. Quand Israël a lancé son offensive sur le Liban en 2006, le monde occidental était resté muet pendant quelques jours afin de laisser aux chars et avions le temps d'accomplir leur tâche et d'éradiquer la résistance. Les pays arabes "modérés" s'étaient joints à eux. Ils avaient désapprouvé la Résistance, lui avaient imputé la responsabilité de la guerre et s'étaient attendus à fêter rapidement la victoire israélienne. Aujourd'hui, en revanche, les capitales européennes s'empressent d'organiser des réunions et de présenter des initiatives de cessez-le-feu parce qu'ils comprennent, contrairement aux régimes arabes, que cette offensive contre Gaza n'aura pas plus de succès que celle contre le Hezbollah en 2006 et ne fera que renforcer le Hamas au détriment des forces modérés en Palestine et plus généralement dans le monde arabe.
Les dirigeants européens commencent à deviner que la poursuite de cette bévue militaire comporte des risques. Elle pourrait coûter cher à leurs propres citoyens et à leurs infrastructures vitales telles que les aéroports et les gares. Les attentats de Madrid en 2004 et de Londres en 2005 avaient été provoqués par l'occupation américaine de l'Irak. Aujourd'hui, les images d'enfants déchiquetés par les missiles dans une bande de Gaza martyrisée auront probablement un impact plus grand encore sur les islamistes en colère sur le continent européen et en Afrique du Nord, où l'on verra peut-être les cellules dormantes d'Al-Qaida se réveiller et de nouvelles organisations encore plus sanguinaires émerger.
L'Europe doit se distancier de cette offensive parce qu'elle paiera un prix élevé pour les calculs égoïstes de certains politiciens israéliens. En 1967, les Israéliens ont vaincu les armées de trois pays arabes en six jours grâce à leur aviation et avec un minimum d'intervention de leurs blindés. Aujourd'hui, ils reconnaissent que les bombardements aériens ne sont pas suffisants pour venir à bout du Hamas. Leurs raids ne tuent que des innocents. Les hommes de la Résistance à Gaza qui défendent leurs familles et leur honneur préparent peut-être un nouveau miracle. Leur détermination enflammera la rue arabe et suscitera des manifestations contre les forces de l'ordre des régimes arabes alignés sur l'Amérique et Israël. J'ai été en contact avec mes frères et sœurs de Gaza depuis le début de cette offensive afin de leur témoigner de ma solidarité et de m'informer sur la situation. La situation est affligeante. Il n'y a ni eau, ni électricité, ni gaz et à peine de quoi manger. "Où sont les tonnes d'aide que les pays arabes se vantent d'avoir envoyées ? On ne trouve même pas de farine au marché !" m'a demandé l'un de mes frères. Un de mes cousins là-bas m'a dit que le plus grand problème n'était pas le manque de nourriture, les coupures d'électricité, les vitres brisées par les bombardements ou le froid sévère qui s'installe dans les maisons de ceux qui ont la chance d'en avoir encore. Le plus grand problème, ce sont les enfants terrorisés par le vacarme des avions israéliens et des explosions de leurs bombes. Et un de mes neveux m'a dit une phrase qui résonne encore dans mes oreilles : "Mon cher oncle, nous mourrons debout en défendant notre honneur et notre dignité. Se faire tuer par les balles israéliennes ou par les éclats de leurs bombes est plus noble que de mourir de faim ou de maladie !"
Source du texte : COURRIER INTERNATIONAL / AL-QUDS AL-ARABI