X 1992 et 1993 de Jean Bollack

Par Florence Trocmé

X 1992 (2007)
En un sens toute œuvre est une actualisation, celle qui a été écrite par l'auteur aussi bien que celle qu'on lit nouvellement. Le procédé est comparable. L'acte créateur s'est situé à mi-chemin entre des représentations déjà fixées, connues et admises et un nouvel ensemble qui se constitue sur ce fond. C'est une forme de compromis dans la reprise, entre l'ancien et le nouveau. Le renouvellement est incessant. Le lecteur peut de son côté se laisser porter par le flux, mais il peut arbitrairement fixer un moment et s'en tenir à l'actualisation initiale, celle qu'il prend pour telle. Il se situe volontairement dans l'orbite de l'objet et non plus dans le champ innombrable des utilisations possibles.
Dans mon cas, je suis en plus soutenu par la recherche d'un sens déterminé ; elle permet de fixer les autres actualisations dans le domaine de l’incompréhension. Le sens a été éliminé au cours d'une succession de réadaptations.

X 1993
La littérature est un objet de la culture, incertain plus qu'un autre. Elle se distingue en devenant une matière d'enseignement, à quoi elle ne se prête que partiellement. Elle peut difficilement être enseignée pour elle-même, pour ce qu'elle est, sauf pour les apprentis-écrivains, pour sa propre reproduction. Sinon on en justifie l'existence autrement, en déclarant, par exemple, qu'elle développe l'imagination. Or elle peut difficilement se légitimer par une finalité externe de ce genre. « Pourquoi lit-on ?». La question reste posée. Principalement pour pouvoir en parler quand déjà on en parle, serait-ce dans une classe de collège ; c'est sa puissance d'intégration culturelle. Sinon le plaisir est lié à la personne, qui se retranche ; elle entre en communion avec l'autre, qui écrit. Lisant, le lecteur percera plus facilement jusqu'au sens. À la fin, il accèdera même à la science que suppose sa découverte.

©Jean Bollack

Contribution de Tristan Hordé