Mon ami sait. Je lui ai dit que j'irai peut-être en Espagne passer une semaine auprès d'une personne avec qui je chatte depuis plus d'un an.
Il a mal encaissé. Il m'a dit qu'une journée, ça pourrait passer. Mais une semaine avec un autre, il ne supporterai pas.
Il m'a demandé si je l'aimais. Je n'en sait rien, en fait. J'ai beaucoup d'affection pour lui, mais est-ce de l'amour? Quant à lui, je ne sais pas s'il sait vraiment ce que veut dire ce mot. Il a trouvé en moi le père qu'il n'a jamais connu, et dont il a besoin en ce moment.
Mais je ne me suis pas bien exprimé sous l'émotion. Mon ami n'a pas compris que ce garçon, qui n'est jamais sorti de sa Colombie, qui, depuis l'âge de 10 ans, travaille pour nourrir sa famille, a besoin d'une présence rassurante pour l'accompagner vers ce qu'il croit être le paradis. Il cherche son Eldorado, comme ses lointains ancêtres on cru le trouver en Amérique du Sud. Retour aux sources. Il croit que la vie est facile en Europe, qu'il pourra rapidement réaliser un de ses rêves: offrir une machine à laver à sa mère. Et puis, monter son entreprise (il est coiffeur), et acheter une maison à sa famille.
Plus le temps avance, plus il se rend compte que c'est peut-être un mauvais calcul. Que sa vie ne sera peut-être pas meilleure à Barcelone qu'à Bogota. Et qu'il y a beaucoup de risques. S'il se plante, il entraîne toute sa famille dans sa chute. Sa grand-mère, sa mère, et ses 5 frères et soeurs qui comptent sur lui.
Il a besoin de peu, est habitué à ne pas manger tous les jours depuis son plus jeune âge. Il arrivera toujours à envoyer de l'argent à sa famille. Mais peut-être pas plus que maintenant. Il doit partir, tout quitter, pour rejoindre une terre inconnue avec pour seul bagage une promesse d'embauche (verbale).
J'ai beaucoup d'affection pour lui, et je m'inquiète beaucoup pour lui.