Environnement: Jeux Olympiques de Beijing et la qualité de l’air
Pascal Lapointe – Agence Science-Presse Dossier Environnement
On a fait grand cas, juste avant l’ouverture des Jeux Olympiques, de la qualité de l’air douteuse au-dessus de Beijing. Peut-être faudrait-il rappeler que le problème est tellement gros qu’une bonne partie de l’amélioration a eu lieu… entre 1998 et 2001.
Ont-ils attendu à la dernière minute? Non, certains programmes pour améliorer l’air de Beijing sont en marche depuis une décennie. Mais la barre était très haute:
- des centrales au charbon en ville et à des centaines de kilomètres à la ronde ;
- une population qui croît de 11 à 16 millions d’habitants en sept ans;
- un million et demi à trois millions d’automobiles;
- des montagnes à l’ouest et au nord pour emprisonner le smog.
Les données chinoises sur la qualité de l’air sont-elles fiables?
Les autorités chinoises disent: en 2008, les concentrations de dioxyde de soufre sont de 60 % plus basses qu’en 1998 et celles de dioxyde d’azote, plus basses de 11 %. C’est vrai, sauf que, selon Science, le gros de ces progrès a été accompli entre 1998 et 2001, lorsque des centaines de centrales au charbon ont été fermées.
Depuis, ce n’est pas que les autorités chinoises se sont traînées les pieds. Ce sont plutôt les 16 millions d’habitants, les 3 millions d’autos et la croissance économique… Selon la Banque mondiale, sur les 20 villes dont l’air est le plus pollué, 16 sont en Chine, et Beijing est l’une d’elles.
Et le smog de Los Angeles?
On se concentre sur la Chine, mais on oublie qu’il n’y a pas très longtemps que la conscience environnementale fait son oeuvre: la qualité de l’air n’était pas terrible à Londres en 1948, à Tokyo en 1964 et à Mexico en 1968. En 1984, le marathon à Los Angeles a dû être transporté le long de la côte, pour éviter le smog du centre-ville.
« Jusqu’aux années 1980, les organisateurs olympiques ne prêtaient pas beaucoup attention à l’environnement », défend Liu Wenqing, directeur de l’organisme chinois chargé de surveiller les mesures de la qualité de l’air à Beijing.
Et que se passera-t-il quand les journalistes seront partis?
Que restera-t-il à Beijing après les Jeux Olympiques?
Les mesures radicales des derniers mois — un million d’automobiles en moins dans les rues (!), fermeture temporaire de centaines d’usines dans la ville et les environs — ont donc eu un effet bénéfique, pour les Jeux olympiques. Mais sitôt ceux-ci terminés, business as usual pour les poumons des habitants de Beijing.
Quoique, peut-être pas tout à fait. Point positif: les autorités municipales ont imposé en 2007 à 19 industries de réduire leurs émissions de 30 % en prévision des Olympiques. En mars 2008, de nouvelles normes pour les automobiles sont entrées en vigueur, imposant une réduction des concentrations de particules de moins de 10 microns (un millième de millimètre) à 330 millions de tonnes (27 % de moins que l’an dernier). Ce qui a entraîné des investissements dans des technologies et dans des recherches sur la qualité de l’air, qui auront un impact durable.
Mais en attendant, les millions d’automobiles vont reprendre leurs droits et les centrales au charbon vont redémarrer. Or, traditionnellement, la qualité de l’air tend à empirer chaque automne, alors que l’air stagne au-dessus de la région. La situation ne s’améliore qu’au début de l’hiver, lorsque les vents froids de Mongolie balaient tout ça.
Santé et qualité de l’air
Selon l’Académie chinoise des sciences, 411 000 décès, en 2003, seraient attribuables à la mauvaise qualité de l’air. Selon une étude publiée en juin par l’Académie chinoise de recherche en sciences environnementales, les niveaux d’ozone et de particules polluantes mesurés entre les 7 août et 30 octobre 2007 étaient beaucoup plus élevés que ce que rapportent les chiffres « officiels » du Bureau de protection de l’environnement de Beijing.
Selon la Far Eastern Economic Review (un mensuel d’origine britannique publié à Hong Kong), il n’y aurait eu que 57 « jours de ciel bleu » à Beijing l’an dernier. Cette notion s’appuie sur l’Index de la qualité de l’air, qui place les niveaux de pollution sur une échelle allant de 0 à 500 : en bas de 100, vous avez un « jour ciel bleu ».