Israël-Palestine, hélas !

Publié le 04 janvier 2009 par Argoul

Au sud-est, rien de nouveau : les éternelles chamailleries de bac à sable qui font, densité de population oblige, des centaines de morts en quelques jours. Et cela dure depuis 5000 ans… Que peut-on « faire », nous autres, face à ces haines inexpiables où les vendettas à la méditerranéenne courent sur sept générations ? – ‘Rien’ serait réaliste, ‘pas grand chose’ le plus optimiste. Impliqué dans aucune des origines en présence, ni juif, ni arabe, ni même descendant de colon d’Afrique du nord, avec même un père opposant à la guerre d’Algérie, je ne mets aucune passion « ethnique » dans la question. Je suis allé dans toute la région, en Israël, en Palestine et en Jordanie, j’ai aimé ces paysages chauds et riants lorsque l’eau est domestiquée, ces gens minces couleur de miel dont la nonchalance apparente cache des ferveurs rares. J’ai rêvé de l’éden biblique où des tribus pacifiées cohabitaient dans l’abondance des troupeaux, des fruits et des récoltes, sous l’égide d’un même Dieu en trois Livres. J’ai frémi, enfant, au mythe de l’adolescent David, berger noueux et rusé, presque nu hormis son pagne et sa fronde, face à l’obtus, gigantesque et brutal Philistin Goliath, sûr de sa force, et qui en est mort. J’ai aimé les récits de l’existence en kibboutz, dans ce socialisme boy scout d’une jeunesse pleine de feu et d’enthousiasme pour reconstruire un pays, au sortir de la guerre. J’étais sûr du bon droit, celui de la Bible où l’Eternel fait cohabiter juifs et non juifs sur la même terre, méfiant envers les empires totalitaires de Babylone ou d’Egypte ; celui de l’ONU qui avait créé l’Etat indépendant d’Israël en 1947.

Et puis il y a eu la guerre : les régimes arabes tous unis pour s’asseoir sur l’ONU et attaquer ensemble le nouvel Etat ; le miracle de la victoire israélienne avec si peu de moyens et un embargo sur les armes ; la rumination des rancœurs durant une génération, les régimes arabes se gardant bien d’intégrer la population palestinienne réfugiée et laissant pourrir le ressentiment dans des camps alentour à la limite de la misère ; le pétrole dans les sous-sols – ce don de Dieu à la région - aurait pu arranger la cause, surtout après sa hausse « politique » de 1973 - il n’en a rien été ; tout était prévu pour « la revanche » de 1967, puis la contre-revanche de 1973, pour « rayer Israël de la carte », faire sortir « cette épine coloniale occidentale en terre arabe », éradiquer ce peuple (à peine humain ?) d’infidèles selon Mahomet. La faute majeure d’Arafat est sans doute de n’avoir pas su conclure, après les accords d’Oslo, quand la région était au bord de la paix. En face, ce ne fut pas mieux : ayant senti en 1948 le vent du boulet, les Israéliens ont bâti une société de moines-guerriers, priant la nuit et combattant le jour, une société impitoyable due à la brutalisation de la guerre permanente et des attentats sporadiques ; il lui fallait conquérir des territoires pour sécuriser son périmètre défendable et avoir des gages à échanger contre la paix ; il lui fallait être intransigeant sur le statut de Jérusalem, siège du Temple, en oubliant politiquement la Basilique et la Mosquée ; il lui fallait s’ancrer aux Etats-Unis, pays du lobby juif le plus nombreux et le plus puissant, pour résister durant la guerre froide, puis pour garder cette avance technologique de la fronde contre la masse.

Tous ces enchaînements s’expliquent, et ils n’expliquent rien. Il n’est pas moral de laisser faire la guerre pour mille ans. Il n’est pas moral que des enfants meurent, pris au piège des haines adultes. Il n’est pas moral qu’un camp se revendique de l’ONU après avoir méprisé ouvertement ses décisions. Il n’est pas moral que le chantage aux victimes contribue à culpabiliser ceux qui font ce qu’ils peuvent, face aux irresponsables qui attisent le feu. Que feriez-vous si la rue de la Roquette était prise un jour sur deux sous les explosions venues de la banlieue ? Que feriez-vous si l’on vous parquait le long d’une côte, disons entre Biarritz et Bordeaux, avec blocus économique et interdiction de sortie, sous peine de bombardements ? Les Palestiniens se sont enfermés dans le ressentiment haineux ; les Israéliens vivent en ghetto moral, sûr de leur bon droit et du soutien de l’Amérique. David et Goliath est un mythe inversé : les fils de David sont grands et forts, leurs frondes sont les plus sophistiquées de la technologie ; les fils de Goliath, trop nombreux et mal nourris, vivent en bande et lancent des pierres ou des roquettes artisanales, cherchant la vengeance. Or ils sont obligés de par la géographie de vivre en voisins : comment faire ?

Aucun régime arabe autour n’est prêt à reconnaître la démocratie et le lent, patient, travail de recoudre les liens arrachés. L’exemple d’un état fédéral israélo-palestinien, ou de deux Etats démocratiques à leur porte leur donne des boutons par avance. Ils ont pour l’instant rencontrés l’adhésion des néo-cons de l’équipe Bush, où le dogmatisme venu de leur origine gauchiste renforce le cynisme des intérêts de leur aboutissement conservateur. Rien n’est pire que l’enfermement : sur soi, sur ses convictions, sur son groupe restreint. Tout ne va pas changer en un jour, certes, mais les Etats-Unis, comme Israël, sont des démocraties – donc capables d’une opinion qui évolue, ouverte sur l’avenir. L’espoir de voir les choses évoluer réside donc dans la nouvelle Amérique d’Obama. Il « suffirait » de reconnaître politiquement la démocratie palestinienne – donc le Hamas parmi les partis en lice – et de favoriser l’émergence d’institutions d’Etat. Le processus alors s’enclencherait, il durerait une génération ou deux, peut-être, mais mettrait fin à la haine pour mille ans. Après tout, les Allemands et les Français l’ont fait, les Japonais et les Américains, les Irlandais et les Anglais, les Noirs africains du sud et les Blancs du même pays…

Mais il ne suffit pas de claquer des doigts et de dire « je veux ».