Malaga, Espagne, 1er janvier 2009
Proverbe chinois: « Quand un chien aboie, dix mille chiens en font une réalité. »
Ce dicton que j’aime beaucoup est le corollaire animalier du principe central de la presse d’opinion et des organes de propagande: « La vérité est le mensonge le mieux répandu ».
Comment s’établit la vérité? Comment se construit la pensée? Pourquoi est ce qu’on nous ressert toujours les mêmes salades? Pourquoi est ce qu’on ne comprend jamais rien aux explications qu’on nous donne pour analyser la situation économique, alors que les justifications des guerres sont toujours très simples? Le monde est il trop complexe pour être compris?
Les journaux se remplissent depuis quelques jours de photos montrant Gaza et les manifestations de soutien aux Palestiniens à travers le monde. Les journalistes stars des médias occidentaux se donnent beaucoup de mal pour faire un constat équilibré d’une situation qui ne l’est absolument pas. Le compteur à assassinat de l’état sioniste frôle les 400 (juste pour les 4 derniers jours) tandis que les dirigeants du monde civilisé (donc apparemment inerte face au massacre) se perdent en déclarations d’intention plus hypocrites les unes que les autres. En gros, le message est « Il faut que le Hamas cesse d’envoyer des roquettes. Il faudrait qu’Israël arrêté de faire trop couler le sang (oui, parce qu’à force ça commence à être un tout petit peu embarrassant, les gens commencent à poser des questions…). Ce serait beau si un jour ils faisaient tous la paix… ».
Richard, l’ami qui nous reçoit chez lui en Andalousie pour quelques jours me demande:
« Comment ça se fait que tous les journalistes en France font comme si le combat était équilibré alors qu’on fait face à un génocide lent du peuple palestinien? Nous, en Espagne, on n’a pas trop de pressions ni d’accusations d’antisémitisme dès qu’on critique la politique d’Israël, du coup la situation est assez claire et les médias font leur boulot en montrant les atrocités du gouvernement israélien… »
Comment désapprouver? Pour peu qu’on regarde les choses comme elles sont, il y a un peuple victime d’une occupation illégale (reconnue par les instances internationales) et un peuple de colons qui impose sa volonté à la force du canon et de la propagande.
On essaie de nous faire croire, en remplaçant les mots « résistants » par « terroristes islamistes » que les attaques militaires sont des réponses à des attaques palestiniennes sauvages et que quelques roquettes et cailloux font jeu égal avec l’arsenal militaire sioniste fourni et/ou financé par le grand frère américain. Mon goût des chiffres m’invite froidement à proposer un comptage des victimes des deux côtés, pour bien fixer dans les têtes et dans les mémoires qui est l’agresseur et qui est l’agressé.
Le Hamas, pourtant élu démocratiquement par les Palestiniens, ne semble pas convenir. Il ne veulent accepter ni argent ni capitulation. Exterminons-les. Et leur peuple avec eux. La démocratie est le meilleur modèle de société, tant qu’elle produit les résultats et la soumission docile qu’on attend d’elle.
La loi du plus fort, dans tout ce qu’elle a de plus abject, s’applique dans une indifférence générale payée en sang ou en dollars. En Egypte, on a apparemment préféré les dollars quand, par une poignée de main à l’automne 1978, Anouar El Sadate a brillamment placé son pays en deuxième dans la liste des « amis des Américains » receveurs de ce que j’appelle, selon l’humeur, la prime du silence ou le prix du sang… des Palestiniens.
Ailleurs? Circulez y rien à voir. On nous sert un tableau qui semble opposer deux forces comme deux civilisations, dont l’une porte les habits de l’état légitime et l’autre le masque de force rebelle malfaisante:
Dún côté: l’état juif (et non sioniste), portant volontairement dans son image la mémoire de l’holocauste pour que personne n’ose le critiquer, car tout le monde se sent coupable de l’injustice qui a été faite aux Juifs (en tant que peuple et en tant que croyants) lors du génocide durant la seconde guerre mondiale. Le peuple Juif, « victime pour toujours », demande tout simplement le « droit à la sécurité » dans une région où tout le monde semble avoir une dent contre eux (on se demande vraiment pourquoi…). Leur politique étrangère? Volontariste est responsable, avec parfois quelques « dommages collatéraux » (assassinats, famine organisée, exterminations, etc…)
De l’autre: les islamistes Palestiniens et Libanais (oui, encore eux…), qu’ils soient du Hamas ou du Hezbollah, peu importe tant qu’ils s’opposent en ayant recours aux roquettes, aux jets de pierres et aux attentats suicide. Ils sont des « terroristes », pas des résistants. Ils s’attaquent à des « civils », pas à des colons. Leur combat n’est pas légitime, il est une cause de désordre et d’insécurité dans une région en recherche de stabilité. Déshumanisés, sauvages, fâchés, portant une haine irrationnelle des Juifs. Leurs femmes et leurs enfants ne méritent pas plus d’égards qu’eux et ils sont dépeints dans les médias comme élevés, dès le berceau, dans la violence et l’antisémitisme.
Laissons de côté le traitement médiatique du « problème palestinien » pour l’instant et notons cinq faits qu’il est utile de porter à la connaissance et à l’esprit de tous:
1) une terre est occupée, elle s’appelle Palestine. Sur cette terre, il y a des colons et, de l’autre côté des barbelés, de l’autre côté du mur, il y a des résistants: les Palestiniens.
2) les Palestiniens ont été expulsés de leur terre, privés de leurs droits, assassinés, maintenus dans la famine, déportés, frappés, torturés, enfermés, humiliés, parfois exterminés. Leur sort est ignoré, souvent oublié du reste du monde, mais il n’en n’est pas moins réel et sanglant.
3) les Palestiniens ne sont pas nazis. Ils ne sont pas Allemands. Ils n’ont aucune responsabilité dans la Shoah mais il semble qu’on veuille leur en faire payer le prix.
4) les Palestiniens, les Musulmans et, de manière plus générale, tous ceux pour qui le mot Justice veut encore dire quelque chose ne capituleront pas. Ils ne céderont pas. Ils ne disparaîtront pas, ni derrière un mur de béton, ni derrière un mur de silence. Ils n’abandonneront pas, tant que ce qui a été arraché par la force n’aura pas été rendu et que la paix n’aura pas été établie sur la reconnaissance de la Vérité de l’histoire et pas sur la propagande qu’on nous inflige aux quatre coins de nos téléviseurs et sur chaque page de nos journaux occidentaux. Ils possèdent quelque chose que ni les fusils, ni les chars ne peuvent abattre et que la mort ne peut pas leur prendre: leur honneur et leur dignité, qui grandissent chaque jour ou ils se lèvent pour dire NON à l’oppression.
5) dans l’histoire, le sort réservé aux oppresseurs et aux colons n’a jamais été glorieux. Ils finissent renvoyés au mieux, pendus ou exterminés dans les cas les plus violents. Il peut être utile, quand on prévoit de coloniser et de nier ses droits à un peuple, de garder une telle considération à l’esprit. Les Juifs, s’ils pensent que l’état sioniste les représente légitimement, pour avoir vécu leurs jours noirs de l’histoire humaine, devraient le savoir mieux que quiconque.
Quel avenir les sionistes préparent ils pour leurs enfants, sur une terre où ils sèment les grains de la vengeance et du ressentiment? Quelle paix pourra-t-il y a voir avec ceux dont on a assassinés la mère, l’enfant, l’époux? Faut il être aveugle pour se persuader qu’un mur et quelques canons stopperons la colère de 60 ans d’injustice…
La vérité, du fond du coeur d’un croyant, c’est que les Musulmans ne sont pas antisémites. Mais ils ont horreur de l’injustice. Nous Musulmans respectons les Juifs et partageons, au fond, tant avec eux, des éléments de notre foi monothéiste à la place de la maman, du foyer, de la famille dans nos vies. Nous réalisons aussi que les Arabes, les noirs et tout ceux qui ne correspondaient pas au modèle ethnique approuvé par le Führer n’étaient pas loin derrière sur la liste d’extermination des Nazis et que des hommes et des femmes, parce que Juifs, ont payé de leur sang et du sang de leurs enfants la survie de beaucoup d’entre nous. Faut il pour autant se taire pour toujours quand l’état sioniste clame qu’il mène une politique coloniale sanglante au nom de la souffrance passée des Juifs? Il y a un monde entre dire que « je n’aime pas les Juifs » et dire que « je trouve abjecte la politique et les fondations du gouvernement israélien ». La même différence qu’il y a entre critiquer les Musulmans et dénoncer les insuffisances de l’Arabie Saoudite ou les méfaits de la dictature égyptienne. Quand il s’agit d’injustice, il ne faut pas avoir l’indignation sélective, ni la crainte du pouvoir de nuisance des oppresseurs. Tout ceux qui essaient, par tous les moyens, de faire l’amalgame entre antisémites et détracteurs d’Israël sont bien loin d’être indépendants. Travaillent ils vraiment pour la sécurité et le bonheur des personnes de confession juive? Utiliser le souvenir de la Shoah pour justifier la politique injuste d’Israël, c’est insulter la mémoire de ceux qui sont morts pour ce qu’ils étaient, comme meurent chaque jour des Palestiniens. Et maintenant, qui cause du tord aux Juifs, si non ceux qui instrumentalisent la mémoire collective de leur souffrance pour justifier le génocide d’un autre peuple, en profitant de l’immobilisme le plus absolu du reste du monde, figé par la culpabilité collective que ressentent les Européens à l’évocation de l’holocauste.
Sachant çà, comment se fait il que les médias (Français dans notre cas) continuent à nous servir la même soupe infâme? Seraient ils mal informés? Seraient ils incapable de voir les événements qui se produisent sous leurs yeux comme les voient le reste du monde (hors US, Grande Bretagne, Australie et autres « $ympathi$ant$ totalement dé$intére$$é$ d’I$raël »)? Ont ils vu (ou su voir) en Israël le peuple humaniste que l’enfant Palestinien, de son oeil éborgné par un éclat d’obus, n’a jamais pu même entrevoir?
A quel point un journaliste est-il libre? Est-il déjà libre de lui même et de ses idées préconçues au moment ou il écrit les premiers mots de son article?
Et d’ailleurs, suis-je libre de moi-même à l’instant où j’écris ces lignes ou suis je naturellement enclin à soutenir les Palestiniens puisque je suis Musulman, Arabe, d’origine égyptienne?
C’est pour éviter d’avoir à répondre à ce genre de questions qu’il est important de se baser sur des éléments objectifs et centraux (ce dernier adjectif est crucial, car comme nous le verrons plus tard insha Allah, il est aisé, une fois convaincu d’une idée, de trouver dans des faits périphériques des éléments venant grossir un « faisceau de preuves » - sachant que cent morceaux de preuves, même bien imbriqués, n’ont jamais fait une preuve). Les faits, déroulés de manière chronologique et causale, accompagnés de chiffres choisis directement en rapport avec les faits (nombre de morts et dégâts en cas de guerre, taux de réussite et/ou de survie en cas d’étude d’un médicament, etc…) permettent de réduire une subjectivité qui est toujours présente, quoi qu’on en dise.
De manière générale, quand on survole les explications d’un phénomène qu’on cherche à comprendre, il paraît requis que l’explication finalement sélectionnée soit compréhensible. Notez au passage qu’il est assez prétentieux de se dire (souvent inconsciemment) que pour qu’une explication soit recevable, elle doit plaire à mon jugement, ou du moins comprise par lui. La réciproque est plus parlante: « si je ne comprends pas une idée, alors elle est probablement fausse ». On appelle ça le « bon sens ». Quand quelqu’un lance « Ca tombe sous le sens!! » ou « Ca paraît normal!! », il veut en général dire: « Je pense que cette idée est vraie car elle vient confirmer une idée que j’avais déjà. ».
Le processus de recherche de la Vérité est donc bien souvent un processus de recherche de la confirmation. Cette démarche exclut la possibilité d’une explication trop complexe. Or, si on se remémore un événement simple et (si possible) conflictuel de notre vie impliquant plusieurs personnes, en essayant de se mettre successivement à la place de chacun des protagonistes, on se rend bien compte que « ce n’est pas si simple » et qu’il y a plusieurs points de vues, plusieurs explications et plusieurs solutions possibles. Il existe donc, dans le cas général, des explications complexes à des événements apparemment simples et il serait une erreur de les exclure parce que notre compréhension est trop limitée pour les prendre en compte.
Premier principe: On trouve en général des explications trop simples aux phénomènes qu’on essaie (prétendument) de comprendre parce qu’on cherche, par orgueil et par confort, une confirmation de nos idées plutôt que leur remise en cause. Plus cette confirmation est élaborée, plus on pense que l’idée est solide.
Le deuxième phénomène qui intervient dans la recherche de la Vérité est notre subjectivité. Impossible de s’en défaire, même si on essaie de se leurrer pour se donner une conscience de journaliste pseudo-indépentant. La seule façon de maintenir un semblant d’indépendance, c’est de couvrir des sujets pour lesquels on n’a aucune affinité ni aucun intérêt particulier (ce qui va rentrer en conflit tôt ou tard avec le premier principe, qui nous invite naturellement à nous pencher sur les sujets qu’on pense comprendre le mieux). La subjectivité, c’est quand certaines vérités nous semblent personnellement plus arrangeantes que d’autres. Quand on se retrouve au croisement de deux hypothèse possible et qu’on cherche désespérément la lueur qui nous encouragerait à prendre le chemin de droite. Si on voit une lueur à gauche, on se dit qu’elle n’est pas assez brillante et on attend…jusqu’à ce qu’apparaisse une lueur à droite. Plus on est subjectif, plus on attend cette lumière.
Second principe: être indépendant, c’est être indifférent dans notre quête de Vérité au risque d’aboutir à un résultat personnellement déplaisant, ou contraire à une croyance présente et ancrée en nous.
Ces deux premiers mécanismes questionnent nos intentions et notre probité dans les sphères conscientes de notre esprit. Plus insidieuses sont les déformations qui interviennent quand on essaie pourtant de bien faire, comme les fruits (parfois amers) d’une dynamique subconsciente. La façon dont se construisent les histoires dans notre imaginaire en est l’une des plus dangereuse. Notre esprit aime naturellement les histoires qui sonnent bien, où tout s’enchaîne de manière « logique », où les événements se succèdent parfaitement, les uns suivant les autres dans un rythme sans faille. Cette caractéristique profondément ancrée en nous transforme notre quête de vérité en recherche de causalité. Car c’est ce que notre esprit aime: trouver les causes d’un phénomène et en déduire des conséquences. Cette démarche a ses avaries. D’abord, la recherche de causalité force, dans l’explication des événements de la vie réelle, une rationalité qui n’existe pas toujours. Ensuite, et surtout, la quête de causalité transforme le « chercheur » en « trouveur », c’est à dire qu’au lieu d’être dans une position réceptive où il décrypte et traite des éléments d’information fruits de ses recherches, son intellect passe en position active et cherche les éléments qui vont venir, au fur et à mesure, corroborer une explication qui se construit au fil des morceaux de preuve qu’il a lui même choisi. En clair, on essaie de trouver dans une profusion d’informations celles qui vont venir élaborer et confirmer l’histoire « logique » qu’on essaie de raconter, qui devient ainsi de plus en plus « logique », nous poussant toujours plus à la développer et à l’étayer de nouvelles « preuves ». Les anglo-saxons, au moins, ne se font pas d’illusions sur le sujet: une article ou un reportage en cours de préparation s’appelle pour eux une « story ». Le mot est à prendre au sens propre.
Bon, d’accord, les journalistes sont des humains comme les autres, avec leur subjectivité, les défaillances et les limites de leurs idées sur la rationalité et sur l’information, mais est ce que ça met en cause pour autant leur travail?
Eh bien OUI, absolument. Quelqu’un qui prétend m’informer sur ce que j’ignore et qui finit par me servir une paraphrase de la pensée partisane d’un autre sur ce qu’il a compris d’une série de dépêches AFP et de quelques clichés, décorée du vernis de l’indépendance et de l’objectivité, mérite-t-il encore le titre de journaliste? Porte parole serait plus juste. Voire annonceur…
Mais bon…c’est vrai qu’on est parfois un peu durs avec les intermittents du spectacle de l’information. Eux aussi doivent manger, vendre leurs livre, payer leurs factures et les vacances à Courchevel. Eux aussi, comme leurs lecteurs et spectateurs, ont droit à leur moment de consommateur épanoui et de citoyen soumis au monde imaginaire qu’ils ont participé à construire. Ceux qui ont craché dans la soupe se sont vite retrouvés dans une branche régionale de France 3 où dans la rubrique « recherche d’emploi » de feu Paris Boum Boum… Mais place au progrès, plus besoin de censure quand on sait manier la carotte mieux que le bâton.
Un journaliste, même talentueux, sait (quelquefois inconsciemment) qu’il doit produire la pensée et la vision qu’on attend de lui. S’il a compris le premier principe, il sait aussi que son public et, pour commencer, ses supérieurs, cherchent la confirmation de leurs intuitions et de leurs idées plutôt que leur remise en cause. Pourquoi alors mettre en péril une carrière si bien commencée alors que l’audimat commençait justement à décoller… Des fois, pour garder un peu d’amour propre, les journalistes font des petites critiques qui égratignent, de celles qui viennent conforter l’ordre établi plus qu’autre chose. Une autre technique consiste à exagérer et à dramatiser le « travail » accompli pour faire comme si on était courageux, impertinent ou détenteur d’un secret que le reste du monde ignore. Ainsi, « Mohamed Sifaoui se fait passer pour un méchant Musulman dans quelques mosquées de la capitale » se transforme en « Un journaliste infiltre les réseaux souterrains de recrutement d’Al Qaida ». « BHL en visite dans un 5 étoiles à Tbilissi dans son gilet treillis et sa belle chemise blanche » devient « Choses vues en Georgie » (prétendant montrer le vrai visage de la guerre des Russes sur le terrain), « quelques courtiers en bourse pour particuliers disent ce qu’ils pensent de la crise » est revu pour un titre plus accrocheur: « Dans le monde secret des traders, la crise financière vue de l’intérieur ».
Reste à comprendre pourquoi les explications fournies sont tantôt simples (voire simplistes) quand elle viennent justifier des guerres, tantôt complexes quand elles sont supposées clarifier les sujets économiques. Il paraît utile de noter que dans les deux cas, c’est notre confiance qu’on recherche. Pourtant, dans le cas de la guerre, on attend un soutien (même tacite) de notre part, tandis que dans le cas du problème économique, c’est notre inertie qui est recherchée.
Le discours simpliste, binaire, parfois victimaire, parfois diabolisant, vise à toucher nos émotions pour nous forcer à apporter notre soutien sans avoir besoin de chercher à comprendre le fond des choses. Il surfe en ce moment sur la vague islamophobe que connaît le monde et, qu’il s’agisse d’une explosion de gaz dans un pipeline, d’un incendie dans un hôpital, d’une fille violée dans une cité, d’un jeune de confession juive qui s’est fait agresser ou voler son scooter, on entend souvent revenir le même leitmotiv’: « les enquêteurs n’excluent pas la piste islamiste pour l’instant… ». Forcément, ça tue un peu l’ambiance.
Le discours complexe, crypté de jargon, des sujets économiques vise à nous anesthésier. Il est souvent couplé à un argument d’expertise (l’un de ces types portant un sous-titre sous sa cravate…) pour envoyer un message clair à la population: c’est trop compliqué pour vous, ça vous dépasse, laissez faire les professionnels pour votre propre bien, sinon ça sera pire.
Une clé pour comprendre l’économie: elle est la science des stimulations. Elle explique ce qui motive les gens, les décide à faire ce qu’ils font tous les jours, étudie les liens entre les hommes et les ressources, entre les hommes et les structures de la société qu’ils ont construit (et qui les a construits). La plupart de ses mécanismes sont simples et bien compréhensibles, mais font l’objet d’une complication volontaire de ceux qui ont un intérêt à exclure l’essentiel de la population de toute compréhension de ce qui leur arrive: les prétendus experts qui perdraient leur statut de savants capables de déchiffrer l’incompréhensible et les décideurs/gouvernants qui risqueraient de voir trop ouvertement (et trop souvent) leurs décisions critiquées et leurs choix remis en cause. Pour se convaincre de la possibilité de présenter de manière très simple les rouages de l’économie à chacun d’entre nous (du plus intelligent au plus bête, en descendant jusqu’à l’abruti fini), il suffit de se rappeler que quelqu’un a bien dû les expliquer un jour à Nicolas Sarkozy (on pourra objecter que les mesures mises en place depuis son élection ne laissent pas nécessairement supposer qu’il ait comprit).
Et La Vérité dans tout ça?
Elle est morte dans une flaque de sang. Quelqu’un a alors raconté un mensonge. Puis un autre y a cru et l’a repris. D’autres n’ont pas cru mais l’ont repris. D’autres ont analysé le mensonge et l’ont repris, jusqu’à ce que ceux qui n’y croyaient pas en doutent. Plus les gens en parlaient, plus ils y croyaient, ou plus ils disaient y croire, tant est si mal que tous le clamaient. Ceux qui étaient des menteurs n’avaient plus honte de dire qu’ils détenaient la vérité, jusqu’à ce qu’on traite La Vérité de mensonge, qu’on l’enterre au pays du silence, qu’on fasse taire tous ceux qui la disaient et qu’on les oublie à jamais. Un chien avait aboyé et dix mille autres en avaient fait une réalité. Dix mille autres en font un souvenir et dix mille autres en feront une histoire.