Editions Albin Michel
En librairie le 8 janvier
Je n’ai pas encore trouver de critique du dernier livre de Bernard Marris, professeur agrégé d’économie et, entre autre, chroniqueur à “Charlie Hebdo”. Gilles Dostaler , professeur d’économie canadien, co-signe le livre..
En attendant, une interview de Bernard Marris dans Libé du 03/01/09, à propos des actions d’autoréductions pratiquées par les précaires (pique-niquer dans un hyper, s’inviter au cinéma, occupations d’immeubles vides, etc : lire ici) .
«Un besoin de partage et de coopération»
Interview :Bernard Maris, professeur agrégé d’économie
Recueilli par CHRISTIAN LOSSON
Que disent les actions d’autoréductions sur la société et l’économie actuelle ?
Que dans une société de plus en plus atomisée et en partie désertée par le champ syndical, les plus précaires trinquent les premiers. Et qu’ils tentent de mener des actions légitimes de révolte même si elles sont à la limite de l’illégalité. Loin d’être anecdotique, ce type de mouvement, issu de la critique de la consommation et de la culture de solidarité de 1968, illustre le besoin d’aller vers plus de partage et de coopération.
On a plutôt le sentiment que c’est l’exception qui confirme la règle de l’individualisation…
Toute crise suscite deux mouvements antagonistes. Le désir de collectif, de gratuité, d’échange : une économie alternative. Ou le repli sur soi, identitaire, répressif : une économie de la seule compétitivité, basée sur ce que Sigmund Freud appelle le narcissisme des petites différences (que ce soit entre salariés, ou entre Etats, comme on le voit entre la France et l’Allemagne). Le contrat fordiste, basé sur la redistribution, a volé en éclats. La crise est un prétexte de plus pour licencier, assouplir le droit des affaires, donner encore plus de poids aux banquiers (qui cogèrent la société de refinancement mis en place par l’Etat), diminuer la transparence, rogner les crédits dévolus aux services publics.
Et la refondation du capitalisme annoncée à grands cris ?
Pour l’instant, c’est plutôt la consolidation d’un capital à sens unique, non ? Une manne qui va toujours en amont (les actionnaires), et jamais en aval (les salariés, les précaires). D’un côté, l’accumulation sans précédent d’argent dans le monde ; de l’autre, l’une des plus graves récessions historiques. D’un côté, l’injection de milliers de milliards de dollars pour sauver la finance ; de l’autre, le milliard de personnes qui souffre de la faim dans le monde. D’un côté, les parachutes dorés illustrant le règne de l’usure et de l’avarice ; de l’autre, les «réformes» qui sont autant de démantèlements des acquis sociaux. Il faut être aveugle ou machiavélique pour ne pas le voir…
L’autre économie, alternative et solidaire, est-elle un antidote à cette tendance ?
Plus que jamais, le système actuel véhicule une idée de conflit, de chômage, d’exclusion. Sigmund Freud parlait d’un monde marqué par la rareté, la concurrence, l’incertitude et l’angoisse. John Maynard Keynes, lui, estimait que la possession d’argent liquide apaise notre inquiétude. Et ceux qui n’en ont pas ? Ils sont, comme les adeptes symboliques des autoréductions, dans un instinct de survie, de vie et de partage face à un capitalisme qui véhicule des pulsions de mort. Dans De l’autosuffisance nationale, en 1933, John Maynard Keynes disait : «Le capitalisme décadent, il n’est pas intelligent, il n’est pas beau, il n’est pas juste, il n’est pas vertueux - et il ne livre pas la marchandise»…
La crise ne pousse-t-elle pas à revoir nos modes de consommations ?
Dans toute période de crise, et donc de défiance, la circulation de marchandises se développe en marge, hors circuit traditionnel : dans les entreprises où, faute d’avance et de cash, on multiplie les «papiers commerciaux» et les lettres de changes pour trouver d’autres canaux. Et dans de nouvelles formes d’organisations, avec la création de monnaie locale ou la multiplication actuelle des SEL, les systèmes d’échanges locaux.
(1) Avec l’historien Gilles Dostaler, éditions Albin Michel. En librairie le 8 janvier