Mais pour l'essentiel, le regard de Ronis est proche de celui de Doisneau. C'est un regard sans condescendance sur les gens de leur époque, et l'époque en question couvre pour ainsi dire le XXè siècle. Les photos prises juste après la Guerre sont parmi les plus belles : on y voit des gens simples, souvent pauvres mais dignes.
Willy Ronis choisit dans ce volume une centaine de ses photos et les accompagne chacune d'un texte qui commence par Ce jour-là et prend des airs de Je me souviens. Moi, je me souviens d'un spectacle de danse de Raimund Hoghe, Another dream, où le chorégraphe et improbable danseur au corps difforme arpentait la scène en scandant ce thème : Je me souviens....
Le travail de Willy Ronis dans les intérieurs du Vaucluse ressemble à l'épuration esthétique d'un Georges de La Tour ou d'un Johannes Vermeer en peinture : haro sur la lumière et place aux matières, aux objets intemporels, aux silhouettes. Je pense en particulier au "Nu provençal", pourtant absent de ce volume. Même en noir et blanc on perçoit la couleur et le toucher des murs beiges, bruns ; des ocres de Roussillon aux rideaux déchirés qu'on trouve encore aujourd'hui lorsqu'on se perd à Gordes, à quelques pas d'un luxueux hôtel suspendu à flanc de montagne.
Willy Ronis a photographié Paris comme Doisneau, mais il a photographié le Sud probablement comme personne. Ses femmes sont superbes, depuis les "Marchandes de frites" jusqu'à "L'habillage des Beaucairoises" en passant par celles qu'on n'aperçoit qu'à peine, pendues au cou d'un permissionnaire ou cachées derrière la nudité de leur dix-huit ans.
190 pages, coll. Folio
Willy Ronis sur Wikipedia
Quelques photos de Willy Ronis
La Quinzaine photo du Blog à Lire