Les enjeux de la situation bloquée au Kosovo, une analyse de Jacques PILET

Publié le 10 août 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Au Kosovo, l'impasse est totale. Depuis plus d’un an, Serbes et Kosovars mènent un dialogue de sourds. L’Union européenne et les Nations Unies envisagent maintenant de proclamer l’indépendance de cette province de Serbie, de facto coupée d’elle, placée sous surveillance militaire et politique internationale. La Russie s’y oppose. Les Etats-Unis poussent à la roue.

C'EST LE MOT "INDEPENDANCE" QUI EST PIEGE... POUR UNE STRATEGIE NOUVELLE 

Ce sac de nœuds lasse l’opinion européenne. A tort: l’enjeu dépasse les Balkans. Il touche la Suisse comme toute l’Europe. Comment celle-ci intégrera-t-elle cette région traumatisée et divisée? En la morcelant avec la création de nouveaux Etats à la fois interdépendants et rivaux? En les admettant un à un dans l’Union? C’est la voie choisie jusqu’à aujourd’hui. Tout récemment, le Monténégro est devenu indépendant. Demain, la Croatie entrera dans l’Union. Mais personne n’ose imaginer, dans les prochaines années, l’adhésion d’un Etat kosovar: cette nation est livrée aux mafias, elle n’a aucune base démocratique et, en solitaire, son avenir économique est plus que douteux. Où s’arrêtera-t-on? La province hongroise de Serbie, la Voïvodine, va-t-elle revendiquer un jour un destin national propre ou un rattachement à la Hongrie?

On pourrait imaginer une autre stratégie. Les Européens pourraient inciter les Etats et entités issus de l’ex-Yougoslavie à construire entre eux une communauté régionale. Un réseau pacifié d’échanges économiques, humains, culturels. Une manière pratique de retrouver ensemble les règles du bon voisinage. Il y a déjà des pas dans ce sens. Entre Zagreb et Belgrade, il est à nouveau possible de voyager et de coopérer. L’ONU et l’UE font leur possible pour favoriser ce processus. Mais à l’échelle des Balkans, dans les profondeurs de la société, la réconciliation se fait encore trop lentement.

L’Union pourrait ainsi accueillir un jour des nouveaux membres qui se seraient initiés, entre eux, au jeu difficile du partage de la souveraineté.

Se fixer sur la question du statut national du Kosovo est un peu court. Enfermée dans cette logique, l’Union européenne risque de se voir débordée par les manœuvres géostratégiques des Etats-Unis et de la Russie. En accordant unilatéralement l’indépendance au Kosovo, la communauté internationale se mettrait dans de beaux draps. Les pro-Européens de Belgrade risqueraient d’être balayés par la colère nationaliste. La Russie, désavouée, mettrait de l’huile sur le feu. Et rien ne dit que ce cadeau suffirait à pousser les dirigeants de Pristina à respecter leurs minorités non-albanaises et à déclarer la guerre aux bandes criminelles qui tiennent le haut du pavé.

C’est le mot même d’indépendance qui est piégé. Il n’y aura jamais de réelle indépendance pour les Etats balkaniques: ceux-ci n’ont qu’une voie raisonnable devant eux, celle de l’interdépendance. A l’échelle de leur région, puis à celle de l’Union européenne.

Mais cela, bien d’autres ont de la peine à l’admettre. Il y a partout des gens pour qui le fin du fin de la politique se résume à agiter des bannières nationales. S’ils parviennent à imposer leur idéologie, ce sera pire encore que la fin du projet européen. Ce sera le début d’un nouveau chaos.

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