En vérité, la brume est plutôt dans mon esprit, car je vais vous faire un aveu, je ne comprends pas grand-chose à ce conflit. Oh, je sais bien qu’un blogueur, de surcroît politique, est censé avoir un avis sur tout. Eh bien ce n’est pas mon cas.
Il faut dire que les affirmations péremptoires des uns et des autres – à ce sujet lire les commentaires plus ou moins odieux déposés à la suite de certains billets des blogues de la TdG ici ou là – les approximations de la presse, les déclarations des grands de ce monde, les prises de positions tranchées et inexpliquées, les débats contradictoires entre partisans de l’une ou l’autre cause, les anathèmes et les provocations ne sont pas faits pour éclaircir la situation, ni pour l’améliorer.
Dans tout ce paysage embrumé, une seule chose me semble évidente, la photo ci-contre, qui a fait la une du 24 Heures de lundi, résume bien, mais dramatiquement, la situation. On y lit tout : l’effroi, la peur, l’incrédulité, le désespoir …
Cette image me parle. Elle me dit que ces trois-là - au fait ils pourraient tout aussi bien être israéliens - ne sont pas près de dormir tranquilles, ni de vivre paisiblement. Elle me dit que si c’est ça l’opération «plomb durci», cela n’a aucun sens. Elle me dit aussi que si ressasser des millénaires d’histoire permet juste d’en arriver là, il vaudrait peut-être mieux brûler les livres d’histoire.
Pour le reste, je constate surtout que celles et ceux qui s’expriment ici en Suisse, et même dans l’ensemble du monde occidental, oscillent entre les appels à la haine de l’Islam et des Musulmans et à l’encensement du Judaïsme et des Juifs ou l’inverse. On parle de riposte justifiée à une agression inadmissible, dans les deux camps. On disserte à l’infini sur la montée de l’intégrisme musulman ou sur le néo-colonialisme occidental, c’est selon. On y dilue soigneusement les conflits politiques dans des conflits religieux.
Bref, on y jette soigneusement un beau gros écran de fumée qui, voilant le tout, permet à chacun d’avoir son opinion et de la partager avec lui-même et ceux qui sont du même avis. Et pendant ce temps, ça continue. Une roquette, dix missiles et obus, ou l’inverse, et ainsi de suite.
Dans tout ce brouillard, quelques voix, plumes ou claviers sortent de l’ordinaire. Le texte qui m’a décidé à écrire ce billet est l’une des lettres échangées entre Pascal Janovjak, jeune écrivain slovaco-franco-suisse, établi à Ramallah depuis trois ans, et Jean-Louis Kuffer. Une lettre dans laquelle on apprend que la part de la religion n’est pas si évidente que cela dans ce conflit.
Dans le registre plus analytique, dirons-nous, on lira cet excellent billet de Pierre Chantelois qui explique le rôle sulfureux des Etats-Unis dans ce conflit et nous rappelle deux données non négligeables : le taux de chômage à Gaza atteint 49 % et la moitié des habitants n’a de l’eau qu’une fois par semaine et pas toujours potable.
Il y a aussi cet écrit d’Alain Gresch qui nous rappelle l’une des raisons les plus importantes de l’échec du cessez-le-feu qui n’aura duré que six mois : le fait que, malgré l’accord qui prévoyait la levée du blocus et un engagement de l’Egypte d’ouvrir le passage de Rafah, seuls quelques points de passage ont été rouverts.
Dans un article de Hassane Zerrouky, un professeur de l’Université de Gaza affirme que l’opération militaire israélienne ne peut que renforcer le Hamas et de se poser la question : «C’est peut-être le but de cette nouvelle guerre?». Une question légitime quand on apprend qu’il n’y a que 30 % de la population qui est favorable au Hamas.
Quant à elle, Ayesha Saldanha, nous rapporte des nouvelles transmises par des personnes sur place, à Gaza, dans un article au titre choc mais qui en dit long : «Gaza : Ici, c’est le 11 septembre toutes les heures».
Que dire de ces élections qui sont agendées pour février en Israël? On peut se demander légitimement s’il n’y aurait pas un rapport de cause à effet entre la reprise des hostilités et celles-ci. C’est en tout cas ce qu’estime le correspondant du Guardian à Jérusalem qui affirme en substance que la droite ultra-nationaliste gagne des soutiens à l’approche d’une confrontation majeure. On comprend du même coup pourquoi notre droite nationaliste à nous, ici en Suisse, est plus que favorable à l’opération israélienne.
Entre blocus, pauvreté, chômage, terrorisme – au fait qui a le plus peur ? – moyens disproportionnés, accords non respectés, religion, nationalisme et élection, la vérité est bien difficile à débusquer.
Je laisserai donc le mot de la fin à Céleste qui rapporte une citation d’Etty Hillesum, jeune femme juive hollandaise, morte à Auschwitz en 1943 :
Cela ne signifie pas qu’on baisse pavillon devant certaines idéologies, on est constamment indigné devant certains faits, on cherche à comprendre, mais rien n’est pire que cette haine globale, indifférenciée. C’est une maladie de l’âme. La haine n’est pas dans ma nature. Si j’en venais (par la grâce de cette époque) à éprouver une véritable haine, j’en serais blessée dans mon âme et je devrais tâcher de guérir au plus vite.
La haine … un sentiment qu’on ne lit pas, pas encore, dans les yeux de l’enfant de la photo de Eyad Baba. Mais un sentiment que d’aucuns s’emploient à cultiver avec le plus grand soin.
- Crédit photographique : © Eyad Baba.