La cuisine est plongée dans la pénombre. Julien Dray attrape la bouteille de St Emilion qui traîne sur la table et remplit un verre à pied. Il s’assied, pensif. C’est clair, cette sale affaire met un vilain coup à sa carrière politique. Ça sent le roussi.
Il boit une gorgée de St Emilion et lève la tête. Sur le mur, un escargot progresse lentement, laissant derrière lui une trainée de bave.
Quelle trace va-t-il laisser dans l’histoire de la Vème République ? Mais oui, voilà la vraie question. Le moment est solennel, un bilan s’impose.
Fondateur de SOS Racisme ! Beaucoup aimeraient avoir ce genre de ligne dans le CV. Quant aux grincheux qui insinuent qu’il s’est servi de l’association comme tremplin politique et machine de guerre pour combattre le PCF… pfff… Concilier efficacité politique et défense de l’antiracisme, où est le mal ?
Un homme politique proche du peuple ! Emu, Julien Dray se remémore cette belle phrase qu’il avait livrée en 2002 au Figaro « Je suis la gauche, la vraie. Je suis populaire, au sens où je vis avec le peuple, celui qui gagne 8 000 francs par mois, qui galère dans les transports en commun et qui vit dans des quartiers difficiles ». Ça, c’est bien dit. C’est le cœur qui parle. Le sens de la formule, en plus. D’un coup, Julien Dray s’étouffe d’indignation en pensant à cette stupide polémique à propos de sa collection de montres. Qu’est ce qu’ils s’imaginent ? Qu’il est millionnaire ?
Julien Dray avale une gorgée, puis se calme peu à peu. Il pense à Ségolène. Elle a perdu, mais il est certain d’avoir fait le bon choix. C’est sûr, il a misé sur le bon cheval. La discipline, la démocratie participative, le gagnant-gagnant… des thèmes sacrément porteurs.
A côté de ça, sa discrète ouverture vers le Nabot lui ménage une porte de sortie.
2012, oui… d’ici là, cette sale affaire se sera tassée…
Apaisé, Julien Dray pose le verre vide dans l’évier et retourne dans la chambre.