n°10 ex-aequo : Dans la ville de Sylvia (Jose Luis Guerrin) / Quatre nuits avec Anna (Jerzy Skolimowski)Parce que ces deux films jumeaux (un été et un hiver ; un soleil et une lune de l’obsession amoureuse) sont avant tout de grands moments de pure mise en scène (certes, parfois aussi, un peu que ça, ce qui en fait quelque part leur limite et les empêche de transcender le « numéro d’auteur »).
n°9 : Home (Ursula Meier)Parce qu’il n’y a pas besoin de filmer des scènes de danses pour réussir un film chorégraphié.
n°8 : Hunger (Steve Mc Queen)Parce que la colère y devient palpable : on peut la saisir de ses mains, la ressentir comme un instinct.
n°7 : Le silence de Lorna (Luc et Jean-Pierre Dardenne)Parce que quand le naturalisme dévie vers l’onirisme, la fable devient conte et le mélo de la plus belle eau.
n°6 : Lake Tahoe(Fernando Eimbcke)Parce que son formalisme du segment filmé n’empêche finalement pas le film de respirer. Et parce que son orchestration des premiers et des seconds plans révèle aussi l’emboîtement de sentiments paradoxaux et initiatiques.
n° 5 : Woman on the beach (Hong Sang-Soo)Parce que le film pourrait (devrait ?) s’appeler three lovers…
n°4 : Valse avec Bashir (Ari Folman)Parce que sur des visages qui hésitent et sur une parole qui n’arrive pas à sortir, il faut dessiner les images qui manquent.
n°3 : A bord du Darjeeling limited (Wes Anderson)Parce que Wes Anderson vaut mieux que l'infâmante appellation de cinéma playmobil... Parce que ce que partage une famille, c'est un certain déraillement de son imaginaire et de ses découvertes.
n°2 : Two lovers (James Gray)Parce qu’il est déjà numéro 1 sur toutes les autres listes... Et aussi parce que c'est aujourd'hui, le 31 décembre 2008 que s'est envolé un avion entre New York et Los Angeles avec deux passagers manquants : Michelle et Leonard.
Et sur le trône du numéro 1 :
En avant jeunesse (Pedro Costa)
Parce qu’une fois prise les précautions d’usage pour s'y préparer(oui, c'est vrai, c'est bien le film le plus lent, le plus lugubre voire désespéré de l’année), dire que cela a été la plus puissante rencontre avec un cinéaste cette année. Bien davantage qu’un cinéaste d’ailleurs : un poète, un historien du temps présent, un peintre et un chamane. Au-delà de la ronde crépusculaire, au-delà de l'hybridation du documentaire et du cinéma plastique, la naissance sous nos yeux d'une allégorie concrète qui prend l'histoire immédiate à bras le corps pour se situer pourtant immédiatement au-delà des styles et du temps : dans le poème aussi bien que dans l'archive, dans le document comme dans l'incantation. Et puis un oeil qui traque, dans ces horizons bouchés, les infimes résidus de lueur pour les faire jaillir, tel un chimiste, en intenses précipités filmés où chaque plan, quand bien même soumis à la fixité absolue et à la lenteur radicale, révèle pourtant une incroyable dimension incantatoire.
TROIS FILMS VIRTUOSES MAIS...
Conte de Noël (Arnaud Desplechin), There will be blood (Paul Thomas Anderson), No country for old men(les frères Coen)
Finalement, je ne sais plus trop quoi penser de ces trois-là. De l'ambition et de l'indéniable virtuosité, c'est sûr, mais quelque chose qui finit par ne plus me toucher là-dedans (infiniment moins que les onze films cités au-dessus, même si certains ne sont pas exempts de maladresse). Mais précisément, quand bien même plusieurs de leurs moments me plaisent énormément, je pense avoir un problème de proximité avec ces trois films quand même hantés par une vision du cinéma purement rhétorique, presque de l'art pour l'art.
DEUX FACES-A-FACES
Celui entre Bobby Sands et le prêtre dans Hunger et le pile-ou-face entre Anton Chigurh et l’épicier (le seul qui s’en tire indemne) dans No country for old men.
TROIS PRIX D’INTERPRETATION
Meilleure performance d’acteur qui finit malheureusement par aspirer le film : Daniel « ne m’appelez plus jamais le meilleur acteur du monde, même si je fais tout pour » Day Lewis dans There will be blood.
Meilleure performance d’acteur qui fait un sort aux performances d’acteur : Robert Downey Jr dansTonnerre sous les tropiques (Ben Stiller).
Meilleure performance d’acteur qui fait de ce dernier le véritable co-auteur du film : Samir Guesmi dans Andalucia (Alain Gomis).
PRIX SPECTRAL DU JURY
Meilleur film fantôme de l'année : Quatre nuits d’un rêveur(Robert Bresson 1971), dont je ne peux m’empêcher de trouver des traces dans Quatre nuits avec Anna et Dans la ville de Sylvia (ce qui n’est sans doute pas un hasard) mais également dans Two lovers (via les Nuits Blanches de Dostoïevski).
ET PUIS TOUT UN TAS D'ACCESSITS :
Meilleurs bâtiments vu dans un film : La citadelle de Beaufort (Joseph Ceddar) et la Cité des Vele dans Gomorra (Matteo Garrone)
Meilleur bâtiment qu’on espère retrouver un jour dans un film : ce musée d’Alvaro Siza qui ferait vraiment un bel écrin pour une poursuite.
Plus belle ville filmée : la périphérie de Marseille dans Grand Littoral de Valérie Jouve (2003). Paraît que Khamsa de Karim Dridi est tourné au même endroit, mais en-dessous des échangeurs et des voies rapides…. mais comme je ne l’ai pas vu… J’attends donc les DVD pour faire un splendide comparatif dessus-dessous.
Sinon Suzhou dans Cry me a river, court-métrage de Jia Zhang Ke, vu seulement partiellement dans cette exposition qui proposait d'autres étonnantes vidéos notamment un travelling en téléphérique et funiculaire à Shongqing.
Meilleur début de film : La première scène de Darjeeling limited… et la puissance picturale, architecturale et spatiale des premiers plans de Dernier Maquis (Rabah Ameur-Zaïmeche) et d’En avant jeunesse.
Meilleure fin de film : tout de même celle de Conte de Noël…et les explosions à la fin de Beaufort…
Meilleures (ou pires) fausses bonnes idées (dit autrement meilleurs films dont la bande-annonce est nettement meilleure que le film) : Seuls two (Eric et Ramzy) et Soyez sympa rembobinez (Michel Gondry)
Meilleur sujet plus fort que le film raté : Coluche, l’histoire d’un mec (Antoine de Caunes)
Meilleur film qu’on aurait quand même rallongé un petit peu : My magic (Eric Khoo…)
Meilleur court-métrage rallongé en long : Capitaine Achab (Philippe Ramos)
Meilleur court-métrage vu cette année: Love you more de Sam Taylor-Wood (pour mémoire la chanson éponyme et BO du court)
Meilleure vidéo Youtube qui joue d'ailleurs sur les mêmes mécanismes de fixité, d'immobilité et d'esthétisme qu'En avant jeunesse, le meilleur film de l'année : celle-là, lugubre et funèbre de Sam Taylor Wood
Meilleure contribution improbable au gadget théorique de l'année, la "fiction Youtube" : Ben, la fiction "You tube", elle existait déjà, il y a 25 ans et avec mille fois moins de moyens, Eric Rohmer savait bien mieux filmer les soirées que dans Cloverfield.
Les nuits de la pleine lune (Eric Rohmer 1984)
Meilleur bonus DVD vu au cinéma : Les plages d’Agnès (Agnès Varda)
Meilleure émission de télé vue au cinéma : 20 minutes de bonheur (Oren Nataf et Isabelle Friedman)
Meilleur épisode de série vu au cinéma : Phénomènes (M. Night Shyamalan), en l'occurrence le chaînon manquant entre la série B et le pilote de série télé.
Meilleur film qu’on adorait à la télé mais qu’on n’est pas allé voir au cinéma parce que ça faisait trop peur : Sex and the city (Michael Patrick King)
Meilleur film pas vu en salle parce que c’est toujours complet, mais c’est pas grave, j’y retournerai demain : La vie moderne (Raymond Depardon)
Meilleur film pas vu en salle, mais c’est pas grave, il y en aura un nouveau du même auteur dans six mois : Mad detective (Johnnie To et Ka-Fai Wai)
Meilleur film pas vu en salle, mais c’est pas grave, il y en aura un nouveau du même auteur dans six jours et encore un suivant dans six mois : Christophe Colomb, l’énigme (Manoel de Oliveira)
Meilleurs films pas vus en salle, ce qui m’empêche de prendre part aux procès politiques de l’année : L’Echange(Clint Eastwood), grand film démocrate ou réac ? et Juno de Jason Reitman (l’enrobage de la comédie caramel ne servirait-il qu'à faire avaler une infâme pilule pro-life ?).
Naufrage de cinéaste autrefois aimé : Emir Kusturica pour ses deux tambouilles indignes de l’année.
Résurrection (relative) d’un cinéaste dont on n’attendait plus grand-chose : Ken Loach pour It’s a free world.
Meilleur (mini) come-back : la fort brève reformation virtuelle de ces génies...
Meilleurs films que tout le monde aime mais moi mouaif : Eldorado (Bouli Lanners) et La zona (Rodrigo Pla)
Meilleur film que (presque) tout le monde aime et moi, ça me gêne pas de l’aimer : Entre les murs (Laurent Cantet)
Meilleur film que personne n'aime sauf la critique, et comme, je suis pas critique, ben non, j'aime pas : La frontière de l'aube (Philippe Garrel)
Meilleur film que pas grand-monde n’aime, mais moi si : La guerre selon Charlie Wilson (Mike Nichols)
Film le plus surestimé de l'année : La belle personne (Christophe Honoré)
Film le plus sous-estimé de l'année : Margot va au mariage (Noah Baumbach), tellement sous-estimé que sa sortie prévue en mars 08 a été annulée… alors même que le casting compte Jack Black et Nicole Kidman. Vraiment dommage parce que même s’il est moins réussi que Les Berkman se séparent (2005), le précédent de son auteur, il y a là un ton tout à fait étonnant, tchekhovien contemporain et cruel.
Meilleur comparatif en images pour critiquer le film le plus surestimé de l'année : Il n'y a qu'à voir comment ce simple extrait de Mean girls - Lolita malgré moi (Mark Waters 2004) en dit tellement plus que La belle personne dans son entier sur la façon dont une cour de récré (en l'occurrence, c'est à la cantine, mais ça fait le même office) fonctionne sur le même modèle qu'une cour aristocratique dont il faut acquérir les codes et voir aussi surtout comment, au détour d'un simple plan...
Meilleur titre de film pour résumer la situation du cinéma français, ou plutôt l’ultimatum qu’il a adressé via le club des 13 : Soit je meurs, soit je vais mieux (Laurence Ferreira Barbosa).
Meilleure raison d'aller mieux pour le cinéma français : En 2009, en plus des nouveaux Téchiné, Resnais et Claire Denis, on verra les premiers longs de Sophie Letourneur, Riad Sattouf et Joann Sfar. Can't wait...
LE POINT SUR L’ACTUALITE…
Meilleure raison de changer le titre de ce blog : lever toute ambiguïté car il pourrait faire croire à une incitation au travail dominical.
Pire sale blague dont j'ai honte et que j’ai jamais osé mettre sur ce blog, mais là j’en profite pour la caser discrétos : Cette chanson que je fredonne à ma fille, à qui correspond-elle le mieux (sur le mode "ah tiens, il est toujours là, lui ?") : à l'un des deux rédacs chefs des Cahiers qui veut prendre la place de l'autre, à Raymond D. de l'équipe de France ou à Ségolène R. du PS ? Oui, à qui, vraiment ?
Meilleur rendez-vous manqué : Encore croisé Carax deux fois cette année (à Cannes et au métro Alexandre Dumas) et toujours autant la trouille de l’aborder… alors qu’il suffisait de lui dire merde.
ET LE MOT DE CONCLUSION DE NOS DEUX HEROS HEXAGONAUX DE L'ANNEE...
- Pas mal tes 20 millions, mais si tu me les laisses les placer, je t’en promets 4,9 milliards.
-Hein ? »… (Jérôme Kerviel à Dany Boon)…
BON, NON, UNE CONCLUSION PAREILLE, C'EST QUAND MEME PAS POSSIBLE, CONCLUONS PLUTOT AVEC UNE REJOUISSANCE A VENIR :
Meilleur film vu en 2008 et qui sera à coup sûr dans le top 2009 :
Ce cher mois d’août (Miguel Gomes) - Sortie le 1er avril 2009.
Plus j’y pense, plus j’y vois le manifeste du cinéma libre d’aujourd’hui, un cinéma qui ne pense pas qu’au cinéma, mais qui dit simplement que le cinéma, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que le cinéma.
Sur ce, donc, bonne vie, bonne année et bon cinéma.