Magazine France
Je m'associe à l'initiative des LHC Libertas et Lomig pour vous faire part de la création d'un groupe Facebook visant à regrouper tous les blogueurs libéraux présents sur le principal réseau social. Premier problème, commun à toutes les instances internationales : celui de la langue de travail. Par convention, le groupe a été nommé et présenté en anglais, même si, pour l'heure, tous ses membres sont français. À la grande surprise, sans doute, de mon principal contradicteur - et néanmoins ami - sur les questions linguistiques, je ne suis pas opposé à l'utilisation de l'anglais dans un cadre international, attendu qu'il est devenu la lingua franca des échanges internationaux, à plus forte raison sur la Toile. J'espère simplement qu'à mesure que des locuteurs d'autres langues que l'anglais et le français s'inscriront, la présentation du groupe leur sera offerte dans leur langue, du moins pour les principales langues internationales (castillan, portugais, arabe, russe, chinois, japonais, allemand, etc.). Mais ma réticence initiale à rejoindre ce groupe n'était pas là : elle était plutôt liée au fait de rejoindre un groupe « libertarian », même si je sais que sa traduction française est « libéral », et non « libertarien ».
Bien que je sois à l'évidence plus libéral que l'immense majorité de mes compatriotes, notamment blogueurs, je ne me définis pas, du moins pas seulement, comme « libéral », sachant tout ce que le libéralisme implique de remise en cause de certaines de mes convictions. Il me semble notamment que la notion de frontière, manifestement incompatible avec le libéralisme, est essentielle à la sauvegarde d'un certain modèle de civilisation que j'ai tenté de définir récemment.
Surtout, c'est le fait que je sois venu à reculons vers le libéralisme qui explique ma relative défiance à l'égard de ma propre démarche. Contrairement à mes amis libéraux, je ne fais pas de la liberté individuelle la mesure de toute chose. Elle n'est pour moi qu'un moyen vers la prospérité économique, mère de la puissance et du progrès.
En d'autres termes, c'est parce que le libéralisme est la meilleure voie - sinon la seule - vers le rayonnement et la suprématie que je me suis peu à peu rallié à l'idée selon laquelle le bien de tous dépend de la poursuite de ses intérêts individuels par chacun, comme l'avait bien théorisé Adam Smith dans La Richesse des Nations.
Allons plus loin : le libéralisme « utilitariste » qui est le mien est aussi une bonne manière d'envisager la sortie de l'État-«Providence», qui inhibe les réactions naturelles de survie, aussi bien au niveau de l'individu que de la société dans son ensemble. Abolir la contrainte de cet État castrateur et liberticide ouvrirait la voie à une résurgence démographique, nécessaire dans une Europe vieillissante et socialisée.
Une libéralisation radicale des structures actuelles de l'État-«Providence» permettrait également de s'attaquer aux deux bastions traditionnels de la gauche, l'Éducation nationale et la Presse. En remplaçant le monopole éducatif de la première par l'instauration d'un « chèque éducation », et en supprimant toute forme d'aide publique à la seconde, il serait possible à la société civile, jusqu'à présent étouffée par une fiscalité confiscatrice, de s'autonomiser et de remettre la France - et d'autres pays confrontés au même problème d'un État obèse - sur les bons rails. L'influence néfaste des deux corporations susmentionnées sur les mentalités serait, ce faisant, abolie. Mais si le libéralisme est la condition première de cette révolution des mentalités, il n'y suffira pas. Il faudra également que les nouvelles forces qui émergeront dans ce nouveau contexte mettent au cœur de leur projet non la seule liberté, mais un idéal de civilisation.
C'est ce que le cuistre Sarkozy avait prétendu faire voici un an, reprenant à son compte le concept de « politique de civilisation » forgé par Edgar Morin. Au contraire de ce dernier, il faudra prouver que cet idéal n'est pas incompatible avec le libéralisme: c'est ce qui explique mon « compagnonnage » avec lui.
Roman Bernard
Criticus est membre du Réseau LHC.