Il est né à Paris le 17 août 1920 d'une mère arménienne persane et d'un père polonais. Pendant sa période scolaire, il fréquente l'Ecole Alsacienne. A la crise de l'adolescence, il quittera cette institution pour intégrer, sur les conseils de son père, une école d'architecture. Il est en effet le dernier représentant d'une famille d'architectes et son père espérait le voir un jour reprendre le cabinet familial.
En 1937, il découvre le jazz. Il fréquente le Swing Club de Paris, situé à la piscine de l'Etoile, rue de Tilsit, et il y rencontre quelques unes des étoiles montantes du jazz français : Alix Combelle, Dany Polo et Stéphane Grappelli. Ses sorties parisiennes de cette époque le conduisent à faire la connaissance d'autres musiciens tels Django et Joseph Reinhardt, les frères Salvador, Aimé Barelli, André Ekyan et bien d'autres. Dans les clubs qu'il fréquentait se produisaient également les musiciens noirs américains de passage à Paris. Les couples pouvaient danser et on y entendait les derniers microsillons réalisés aux États-Unis.
En 1938, Guy Rinaldo lui demande de réaliser une affiche pour le Swing Club de Paris. C'est certainement sa première commande. A la déclaration de guerre, Sacha devance l'appel malgré les réticences parentales. Il est incorporé dans le 5e régiment de Génie de Versailles basé à Satory.
Prisonnier de guerre il est retenu en captivité à Kassel d'où il tentera de s'évader par deux fois, ce qui lui valut d'effectuer plusieurs séjours en camp disciplinaire. Au cours de sa captivité il réussira à plusieurs reprises à échapper à la surveillance des gardiens pour aller écouter des musiciens hollandais qui, bravant la police allemande, jouaient du jazz dans un café du vieux quartier français. Il apprendra à connaître et à écouter les autres, la dérision et les petites joies. De cette période douloureuse il sortira mûri et assagi.
A son retour de captivité, sur les conseils d'un ami, Lucien Fontanarosa, il entre à l'Ecole des Beaux Arts dans l'atelier du graveur Lemagny. Pendant deux années il apprend en copiant les antiques les bases du dessin. Il fréquente également l'Académie de la Grande Chaumière pour se former au dessin du nu. Il s'adonne ensuite entre 1948 et 1951 avec Pierre Merlin à la gravure dans l'atelier de Edouard Goerg.
Sacha Chimkevitch apprendra seul la gouache et l'aquarelle. Il n'abordera la peinture à l'huile que très épisodiquement.
Il prit conscience qu'il pouvait vivre de son art lorsque, en 1948, il vendit quelques aquarelles qu'il avait mises en dépôt dans le magasin de disques de Jef Gilson. Cependant, pendant une partie de sa carrière les marchands lui firent le reproche de ne pas être assez commercial. Le succès rencontré depuis plusieurs dizaines années par chacune de ses nombreuses expositions constitue une reconnaissance par le public de la valeur de l'art de Sacha Chimkevitch.
Il expose ses œuvres, très régulièrement, à partir de 1951: à Paris dans des lieux publics, Musée d'Art Moderne, Maison de la chimie, Musée Roybeet Consuelo Fould, mais aussi dans diverses galeries et des clubs de jazz. Il expose également à Caen et sa région où il puise son inspiration pour ses paysages de plage, de ports et ses rues animées. Il est demandé également à diverses reprises à l'étranger, notamment aux États-Unis, à Washington (1963), à Baltimore (1975), à La Nouvelle Orléans (1985), puis à New York (1989), en Écosse à Aberdeen (1971-1972), en Allemagne à Oldenburg (1982) puis à Hanovre (1987)...
Il obtient plusieurs commandes de l'Etat français pour des aquarelles, des cartes de vœux (notamment pour Georges Pompidou). Il réalise des panneaux décoratifs pour les bureaux de Manille et de Hong Kong de la compagnie Air France. Son activité le conduit à illustrer des poèmes de Guillaume Apollinaire (1978) et "Les fleurs du mal" de Charles Baudelaire (1979) pour les éditions de luxe de La Nouvelle Librairie de France. La ville de Paris lui achète des tableaux. Il travaille également à des fins publicitaires en 1967 pour Sud Aviation et en 1972 pour l'Aérospatiale et la SFENA. Plusieurs de ses lithographies sont éditées aux États-Unis et au Japon. Sur le thème du jazz, il réalise de nombreuses affiches ainsi que des pochettes de C.D. de jazz.
Sacha Chimkevitch travaille rarement d'après nature. Il observe longuement et il restitue, parfois plusieurs semaines plus tard, en solitaire, dans son atelier, ses souvenirs et ses impressions. Il n'utilise que rarement la photographie mais il possède une solide mémoire visuelle pour pouvoir transposer dans ses œuvres des attitudes, des mouvements, une ambiance. Tel un chef d'orchestre il organise ses souvenirs, compose son groupe de musiciens et met en avant ses solistes. L'artiste travaille dans une ambiance musicale grâce à son importante collection de disques de jazz. Cette musique l'influence pour le choix des couleurs, le son de Charlie Parker provoque le bleu ou l'orangé, celui de Jackie McLean un jaune acidulé.
Les préférences musicales dans le domaine du jazz de Sacha Chimkevitch vont aux musiciens bebop. C'est très logiquement que E.P.M. la chargé de l'illustration des C.D. et du coffret dédié à ces musiciens. Il a réalisé quelques rares portraits de grandes figures du jazz : Charlie Parker pour Chan, Duke Ellington pour Guiter et ses rééditions et celui d'Erroll Garner, l'un de ses pianistes favoris. Claude Combaz dira de lui : "Son œuvre est une chronique du jazz, on y rencontre tous les musiciens de Duke Ellington à Charlie Mingus et beaucoup furent ses amis. Les musiciens de jazz disent de lui qu'il est comme eux, qu'il sait les comprendre et qu'il a "le feeling dans ses œuvres".
Cet artiste est considéré comme le peintre le plus authentique dans le domaine du jazz. Les musiciens, les organisateurs et les éditeurs du monde entier le sollicitent pour qu'il réalise les pochettes de disques, les affiches et expose ses œuvres. Ses amis musiciens lui ont dédié plusieurs de leurs œuvres. Claude Tissendier a composé "Chez Sacha" et Pierre-Yves Sorin "Sacha blues".
Ce peintre imaginatif se plaît en terre de jazz. Cependant il aime aborder d'autres thèmes : la femme et la mer notamment. Très tôt il fréquente les artistes normands et participe à de nombreuses expositions. Il séjourne régulièrement dans son atelier de Franceville.
Tout est slave chez lui. Il vit sans se soucier du lendemain. Il aime la bonne chère, fume sans retenue. Il accueille dans son atelier parisien, chaque semaine, ses amis jazzmen. Il répond toujours favorablement aux différentes sollicitations, s'engageant ainsi, à plus de 80 ans, dans de multiples projets. Mais il vous rassure de suite, de sa voix grave et douce avec un trait d'humour, si vous vous inquiétez.
En 1999 il fait don de son fonds d'atelier, des œuvres offertes par ses amis et de sa très importante collection de disques de jazz au musée P. Dubois-A. Boucher de Nogent-sur-Seine. Ce musée lui a consacré une exposition rétrospective en 2001 et les journées du patrimoine en 2006.
Disparu en Avril 2006, il a fait don de son fonds d'atelier, comportant plusieurs milliers d'œuvres, au musée Paul-Dubois-Alfred Boucher de Nogent-sur-Seine, qui présente une sélection de ces œuvres dans ses salles.
J'ai eu l'occasion dans ma tendre enfance de connaître cet artiste à travers une succession d'expositions réalisées proche de chez moi. C'est en retrouvant un texte que j'avais écrit (en date du 4 Mars 1995) et le flyers d'une d'entre elles que j'ai souhaité vous le faire découvrir.
Alors, je me souviens: "C'est un homme d'une cinquantaine d'année (voire peut-être plus), sans doute à la retraite, je ne sais pas trop... Il utilise pour "ustensiles" (évidemment à cette époque là, je n'employais pas les termes exacts, lol) non pas un pinceau comme TOFFOLI (il faisait également parti de cette expo dite collective)mais une pâte que l'on appelle "PASTEL" (ouaou quelle découverte pour moi alors! mdrr) Sa technique du pastel (donc) se fait par combinaison de couleurs et de formes. Il a choisit pour thème les instruments de musique, plus précisément le JAZZ. Ici, les tableaux de CHIMKEVITCH ont un air vif et expressif par ces couleurs atmosphériques. Il m'avait expliqué qu'il ne travaillait alors... qu'avec ses doigts. Il étale le pastel en l'endroit même où il souhaite poser sa couleur qui lui donne d'ailleurs un effet de "gouache" bizarrement! Il utilise le "jet", toujours pour déposer ce pastel afin de rendre au dessin un effet moins monotomne. Comme par des petites touches - sensation microscopiques de grains- et minitieusement, il joue admirablement avec ses personnages qu'il met en scène: ils s'entrecroisent, se rejoignent reliés par des rayons de lumières.... comme un flash, comme un projecteur ... " (écrit le 4 mars 1995, Mya Klips)
Aujourd'hui, je pense que parfois ma manière de réaliser mes propres oeuvres est influencée par cette 1ère expérience dans cette galerie d'art qui avait exposée à l'époque TOFFOLI, CHIMKEVITCH et BOURRON. 1ère expérience dans l'univers de l'art et des galeries (Cf. "Danseuse orientale")