Renvoi aux 22 vous propose en cette fin d'année
une rétrospective critique de l'exercice écoulé, avec un bilan
parfaitement subjectif et non exhaustif de l'année rugbystique
2008, bref une forme d'inventaire dans le pré vert de l'ovalie
hexagonale.
Toulouse et le Pays de Galles équipes de l'année 2008
Sans
conteste, deux équipes méritent ce qualificatif : au plan national,
le Stade Toulousain, sacré champion de France en juin dernier,
après une finale somptueuse face à Clermont, couronnant une saison
remarquable. L'échec des rouge-et-noir en finale de la H Cup, pour
regrettable qu'il fut, n'entache en rien le parcours brillant des
hommes de Guy Novès. Cette équipe du Stade s'est nettement détachée
du lot des prétendants dans les dernières semaines du championnat.
Son succès en finale face à l'ASM (voir ci-dessous) a ravis les
amateurs
Au plan international, c'est le Pays de Galles qui reçoit de Renvoi aux 22 le titre d'équipe de l'année 2008. Les Diables rouges ne forment sans doute pas la meilleure sélection nationale, puisqu'ils ne sont pas parvenu à vaincre les All Blacks en novembre dernier. Mais ils pratiquent l'un des jeux les plus enthousismants qui soit, qui plus est efficace comme en témoigne le grand chelem lors du tournoi 2008. Ce n'est pas non plus un hasard si l'ailier de poche Shane Williams a été sacré joueur de l'année par l'IRB.
Heureux qui, comme Fred, a fait un beau voyage...
...puis est retourné plein d'usage et raison vivre parmi ses parents le reste de son âge.
Le retour du fils prodige Toulousain est sans doute l'un des événements les plus attendus de cette fin d'année. Frédéric Michalak, auréolé d'un titre en Currie Cup avec les Sharks de Durban, a donc remis son maillot rouge-et-noir (augmenté d'une taille compte tenu de la musculature prise par l'ouvreur Toulousain pendant son séjour Sud-Africain) sous le regard curieux de tous les amateurs de rugby français. Les débuts ne sont pas aussi tonitruant qu'attendus. Les échecs de Frédéric Michalak dans l'exercice des coups de pieds ont provoqué des sifflets déplacés et incompréhensibles : fallait-il s'attendre à ce que quelques mois passés dans la franchise Sud-Africaine transforment le Toulousain en un buteur infaillible ? Evidemment non. En revanche, on a pu constater des progrès dans la gestion du jeu, au pied notamment, et en défense, qui constituait déjà un point fort de l'artiste. On souhaite le revoir en bleu, même si les sélectionneurs ont fait d'autres choix pendant son absence.
Equipe de France : entre promesses et interrogations
Après l'échec de la Coupe du monde 2007, on n'attendait pas de miracle de la part du nouveau trio de sélectionneurs nommé par le président Lapasset. Néanmoins, le discours ambitieux et, disons-le, excitant de Marc Lièvremont, Emile N'Tamack et Didier Retières rassurait tous ceux qui désespéraient de voir le XV de France pratiquer un jeu conquérant qui ne soit pas fondé sur la seule occupation du terrain au pied et une défense barbelée. Après un tournoi et deux tournées, force est de constater que cette équipe de France est encore en construction. De belles promesses sont nées du Tournoi 2008, mais également des inquiétudes sur la solidité du pack. De la tournée d'été, anecdotique, et de celle d'hiver on retiendra les hésitations du jeu tricolore, trop unidimentionnel pour être vraiment performant. La victoire tendait les bras aux Français contre l'Australie. Elle leur a pourtant échappé. Et ce n'est pas le succès face aux Pumas qui effacera la déception d'avoir raté une belle occasion d'épingler un "sudiste" majeur au tableau de chasse du XV de France.
Aussi, on attend le prochain Tournoi avec une curiosité mâtinée d'appréhension. On ne souhaitait pas juger les sélectionneurs sur leurs premiers matches. Il sera plus difficile de se montrer indulgent au soir de la dernière rencontre du millésime 2009. Car la Coupe du Monde 2011 exige que le XV de France avance dans la sérénnité, appuyé sur des certitudes...
Au secours, Chabal revient !
On pensait l'icone barbue définitivement enterrée avec les derniers espoirs de titres mondial à l'automne dernier. Et les sélectionneurs tricolores n'avaient pas vraiment rassuré les fans de Caveman en ne le convoquant pas lors du Tournoi 2008. Le vent a tourné à l'occasion de la tournée d'été et, surtout, de celle d'automne. Le géant de Sale, rappelé au gré des blessures et des défections des uns et des autres, s'est affirmé en deuxième ligne, accomplissant contre l'Australie l'une de ses meilleures prestations sous le maillot bleu. A cet égard, on remarque que, dernièrement, Philippe Saint-André l'a fait jouer plusieurs fois au même poste dans son club de Sale alors que "Seabass" occupait traditionnellement le n°8 dans l'équipe. Même s'il s'agissait de remplacer des joueurs blessés, on ne jurerait pas que les performances de Sébastien Chabal en n°4 avec l'équipe de France n'ont pas influencé le manager de son club.
En tout les cas, il n'est pas totalement incongru d'imaginer que les sélectionneurs lui redonneront une nouvelle chance de briller à l'occasion du prochain Tournoi.
Les déceptions Toulon et Biarritz
Le RCT peut prétendre à la distinction de déception de l'année (suivie de près par le Biarritz Olympique). Malgré un budget important et des stars à la pelle, le RC Toulon est à la peine, pour ne pas dire à la traine, dans le Top14. Après une accession "directe" en Top14 (malgré des incidents de parcours en ProD2), Toulon semblait pouvoir postuler au maintien sans grande difficulté. Force est de constater qu'à mi-championnat, les hommes du président Boudjellal sont loin de leur objectif. Evidemment, rien n'est encore joué et il n'est pas dit que les joueurs de la Rade ne finissent pas par sortir des prestations enfin en accord avec leur standing. Mais on n'en est pas forcément convaincu. La spirale de l'insuccès est toujours difficile à contrarier.
Ce n'est pas le BO qui dira le contraire. Après une fin de saison 2007-2008 douloureuse, Biarritz pensait sans doute (et avec lui l'ensemble de ses supporters) repartir du bon pied en août dernier. Las, les résultats sont toujours aussi médiocres. Malgré des intentions et une bonne volonté indéniable, les joueurs Biarrots semblent incapables de retrouver l'efficacité qui faisait leur force il y a peu encore. Et ce ne sont pas les changements intervenus à la tête de l'équipe qui ont (au moins pour l'instant), changé quoi que ce soit. Biarritz va débuter 2009 à la dixième place du Top14. Les demi-finales ne sont plus, sauf miracle, à l'ordre du jour. Les dirigeants biarrots, et particulièrement Serge Blanco, redevenu président du club après Marcel Martin, vont avoir du pain sur la planche (de surf, cela va de soi) pour redonner des couleurs au club de la côte Basque.
Clermont, 9 de chute...
A ce stade, on ne peut plus parler de série noire, mais plutôt de malédiction. Comment l'ASM a-t-il pu laisser échapper le Brennus que tous lui promettaient au terme d'une saison 207-2008 impressionnante ?
Tout simplement en tombant contre un Stade Toulousain des grands soirs, faisant le coup du Biarritz 2006, en puisant dans une défaite en finale de H Cup (contre le Munster...comme le BO) des motifs de motivation plutôt que de découragement.
Au terme
d'une rencontre de très haut niveau, riche d'intensité et de jeu,
les hommes de Vern Cotter ont dû reconnaître la supériorité
Toulousaine. La détresse des supporters jaune-et-bleu faisait peine
à voir et contrastait avec la joie des fans du Stade Toulousain
fêtant le 17ème titre national de leur équipe
favorite.
On se disait qu'après cette neuvième défaite en autant de finales, l'ASM Clermont Auvergne aurait bien du mal à retrouver la gnac nécessaire à une nouvelle tentative. A cet égard, le choix de ne pas bouleverser l'effectif pour la saison 2008-2009 semblait critiquable. Pourtant, après un départ difficile, Clermont semble avoir retrouvé ses moyens et pointe à la 5ème place du classement, à deux petits points de l'Aviron Bayonnais. Il est trop tôt pour mesurer pleinement les chances des Auvergnat de ramener enfin le bout de bois place de Jaude. Mais il y a fort à parier qu'ils se mêleront au sprint final.
Marius Tincu, Bosman du rugby européen ?
En condamnant à 18 semaines de suspension le talonneur Roumain de l'USAP, pour une "fourchette" sur le seul témoignage de sa prétendue victime, le pilier des Ospreys Paul James, l'ERC a peut-être commis une erreur lourde de conséquence.
L'USAP l'a joué fine pour éviter que la Ligue nationale n'étende la sanction au Top14, conformément au fameux principe de "non dissociation" des sanctions. On rappellera qu'en vertu de ce principe, un joueur suspendu après un match de coupe d'Europe l'est aussi pour toutes les autres compétitions, nationales comme internationales.
Au lieu de faire appel de la première décision de la LNR qui étendait la sanction de l'ERC au Top14, les dirigeants de l'USAP ont demandé l'arbitrage du tribunal sportif du CNOSF. Qui a rendu une décision favorable à la dissociation. Décision appliquée par la Ligue.
On se doute que l'International Rugby Board, qui chapeaute le petit monde du rugby international, n'est pas du tout satisfaite de cette situation. Elle a diligenté une enquête et pourrait bien prendre des sanctions à l'égard de la LNR voire de la Fédération Française de rugby. On attend avec impatience la suite des événements. Car les Perpignanais ont l'air prêts à aller très loin pour défendre leur joueur.
En tout les cas, cette affaire est la première qui mettent sérieusement à mal l'autorité des instances internationales du rugby. Qu'un club français en soit à l'origine n'est pas trop étonnant. Souhaitons que l'ovalie hexagonale n'en subissent pas les conséquences...
La
DNCAG s'invite dans les débats du Top14
On aurait
préféré que la DNACG n'ait pas son mot à dire dans la lutte pour le
maintien en Top14, mais les erreurs de gestion commises par Albi en
ont décidé autrement. Une rétrogradation sur tapis vert a frappé
une équipe qui n'a jamais été en position sportive de
relégables.
En cette fin d'année, c'est au tour de Montauban, irréprochable sur le plan sportif, de montrer des signes de fragilité financière. La faute, notamment, à l'instabilité de ses structures dirigeantes. On a visiblement préféré la gué-guerre des chefs à l'union sacrée derrière une équipe séduisante, qualifiée pour la "grande" Coupe d'Europe et qui a récemment battu Sale après avoir fait trembler le redoutable Munster chez lui.
Si le MTGXV ne parvenait pas à offrir les garanties demandées par la DNACG, il est probable que cette dernière serait conduite à prendre les mêmes sanctions que pour Albi.
Une deuxième rétrogradation "administrative" de rang ferait, avouons-le, mauvais effet dans le paysage du rugby professionnel Français (même si les clubs Anglais traversent également une mauvaise passe, en particulier Bristol et Newcastle).
Il se trouvera toujours des suporters pour regretter que la DNACG dispose d'un tel pouvoir et que la fameuse "vérité du terrain" soit obligée de céder devant celle du portefeuille. Mais ne nous trompons pas de cible : les premiers responsables de la rétrogradation sont les clubs, pas la DNACG. Une rétrogradation sur tapis vert est toujours regrettable, mais après tout, les règles financières sont connues de tous et il revient aux clubs de s'y conformer.
Dan Carter, pigiste de luxe à l'USAP
C'est sans doute le transfert de l'année, davantage que celui de Jerry Collins à Toulon. Le jeune prodige Dan Carter, ouvreur des All Blacks, a rejoint début décembre le club de Perpignan. C'est un joli coup réussi par le président Paul Goze, mais les critiques sont nombreuses qui reprochent au Néo-Zélandais de venir à l'USAP essentiellement pour granir son compte en banque. En effet, après une arrivée en cours de saison, qui pose quelques questions en termes d'adaptation et d'intégration, Dan Carter ne jouera que quelques mois. Il reprendra en effet le chemin de sa terre natale sitôt la saison terminée. Sa venue était également censée permettre à l'USAP de franchir un pallier en H Cup et pas seulement en Top14. D'ailleurs la star avait motivé sa venue par la participation aux joutes Européennes. Malheureusement, il est fort possible que le parcours des Catalans en H Cup s'arrête à l'issue des matches de poules. Il restera le championnat Français et un Brennus après lequel Perpignan court depuis 1955.
Inutile de dire qu'en cas de succès de l'USAP au Stade de France le 6 juin prochain, il se trouvera sans doute peu d'observateurs pour critiquer le débarquement du prodige All Black sur la côte méditerranéenne il y a quelques semaines. A l'inverse, un échec pourrait créer des vagues...
Serge s'en va, Pierre-Yves arrive
C'est la fin d'une époque, celle des débuts de la Ligne professionnelle de rugby, que l'ancien arrière international de l'équipe de France a accompagné pendant dix ans. L'emblématique Serge Blanco a laissé sa place à Pierre-Yves Revol, président du Castres Olympique (décidément, l'olympique à le vent en poupe...du moins dans les couloirs de la Ligue à défaut des terrains).
C'est une nouvelle ère qui débute, avec de nombreuses incertitudes vis-à-vis de dossiers que le nouveau patron de la LNR devra prendre à bras le corps et, si possible, résoudre.
Il n'est pas certain que le talent de conciliateur dont le président Revol a la réputation, suffise à applanir les difficultés. D'autant qu'il lui faudra composer avec le président Camou, qui n'aura pas forcément le même point de vue que son collègue sur un certain nombre de questions...
2008, année olympique, sauf pour le rugby
On concluera cette revue de l'année écoulée en rappelant que les Jeux Olympiques d'été se sont encore tenus sans épreuve de rugby. La faute aux incartades Françaises lors de l'édition 1924 des Jeux ? On ne reviendra pas sur cet épisode fâcheux, mais plutôt sur les efforts accomplis par le Président Lapasset ("Chairman" de l'IRB) pour convaincre le CIO d'intégrer le rugby aux jeux de 2016. Pas dans sa forme à XV mais plutôt à VII, qui présente l'avantage de concerner un nombre important de sélections nationales et de pouvoir tenir dans un calendrier relativement réduit.
Le travail de lobbying se poursuivra en 2009, jusqu'en octobre. C'est à ce moment que la liste des épreuves des jeux 2016 sera arrêtée...
Cette année 2008, si vite écoulée, n'aura pas eu le même souffle que sa devancière, aidée par une coupe du Monde globalement réussie (on ne parle pas ici du parcours des bleus, vous l'aurez compris).
Mais qui sait si le travail débuté il y a 12 mois par Marc Lièvremont et ses compères n'aura pas de beaux fruits dans trois ans ?
La saison de H Cup 2008-2009 bien mal engagée, ne finira-t-elle pas par sacrer un Stade Toulousain revanchard ?
Le Top14 n'a pas, loin s'en faut, livré son verdict et la première moitié de la saison laisse augurer des confrontations intéressantes d'ici au 6 juin prochain.
Autant de
motifs pour garder de 2008 un bon souvenir et attendre avec
impatience le prochain millésime...