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Islande : pourquoi je me suis lamentablement planté, et pourquoi je ne suis pas seul. Le syndrome de Laffer

Publié le 30 décembre 2008 par Objectifliberte

La crise financière a rappelé à nombre de commentateurs économiques, à commencer par moi, que l'analyse des performances économiques d'une nation ne peut se faire qu'en en analysant les deux piliers: l'actif et le passif. Ce que sait tout chef d'entreprise, l'analyste économique tend à l'oublier dès qu'il raisonne au niveau des états.Grave erreur.

Trop d'économistes jugent les performances d'une nation uniquement aux indicateurs liés à l'actif accumulé par le pays et la façon dont il s'en sert: PIB, fiscalité, degré de liberté économique, etc... Mais ils négligent par là le passif du pays, c'est à dire la façon dont sont financés les points de croissance obtenus.

La crise récente nous ré-apprend cette vérité première, que les économistes autrichiens avaient pourtant mis en avant dès la fin du XIXème siècle: qu'il n'y a pas de progrès économique durable s'il est assis sur une montagne de dettes financée à des taux ne correspondant pas à la réalité du risque couru par les prêteurs. Les USA vont connaître une récession forte, que très peu d'économistes, même parmi les plus chevronnés, ont vu venir. Pourquoi ?

L'erreur commise a consisté à ne considérer que les produits de l'économie, et les conditions institutionnelles qui présidaient à la formation de ces produits. En revanche, a été largement sous-estimé le fait que bien des acteurs majeurs de la croissance que nous connaissions, par excès d'endettement, ne pouvaient poursuivre leur activité de façon durable.

Repensons à la vidéo que je soumettais à votre attention il y a quelques semaines, où Peter Schiff, qui décrivait à l'avance (en 2006) les ravages que causerait l'éclatement de la bulle de crédit qui lui paraissait plus que probable, se faisait malmener par divers contradicteurs, dont Art Laffer, ancien conseiller de Reagan, et célèbre pour ses fameuses courbes fiscales.

Laffer évoque tous les atouts à l'actif de la nation américaine pour affirmer que la situation ne peut pas devenir si mauvaise: une fiscalité raisonnable, une liberté économique indéniable, un commerce mondial plus libre que jamais...

Schiff évoque le "passif" de la nation américaine: un ratio d'endettement des agents économique trop élevé, favorisé par une politique monétaire laxiste qui n'a pas pris en compte la création de non-valeur constituée par la formation de la bulle immobilière. Schiff en déduit que bien des actifs en possession des américains sont surévalués. Et que le nécessaire réajustement sera douloureux.

J'ai moi même été plus d'une fois victime du syndrôme qui a touché Art Laffer lors de cette émission, cette cécité qui nous empêche de considérer que toutes les croissances ne se valent pas, et que celles fondées sur un niveau d'endettement général trop élevé ne sont pas durables.

Ainsi, il y a 18 mois, j'évoquais l'Islande en ces termes: "La renaissance de l'Islande, encore une réussite libérale". De quoi avoir l'air un peu stupide aujourd'hui, j'en conviens.

L'analyse dont je m'inspirais à l'époque était typiquement "lafferienne", basée sur l'analyse de l'évolution des produits de la nation Islandaise (PIB) et de son cadre institutionnel: fiscalité, liberté économique, insertion dans les échanges mondiaux... Mais tant les rédacteurs de l'étude citée (MM. Dan Mitchell et Hannes Gissurarson, pourtant de fort respectables économistes) que moi même avons négligé de vérifier que la croissance ainsi obtenue était issue de conditions de financement durables. Et a priori, la quasi totalité des dirigeants islandais ont fait de même, ainsi que 90% des économistes ayant pignon sur rue, au bas mot. Cette croissance était fondée sur l'accumulation de montagnes de dettes, qui ont emporté le système bancaire, et avec lui les économies des familles islandaises. Comme pour une entreprise, peu importe la valeur de votre actif, si votre passif est trop leveragé, c'est à dire si vos capitaux propres sont trop faibles en comparaison de vos dettes pour amortir le moindre choc conjoncturel, alors le moindre de ces incidents prend des allures de catastrophe. C'est ce qui a provoqué la chute de toutes les banques de l'île.

J'aurais évidemment pu supprimer subrepticement la note ou j'encensais le "miracle" Islandais, histoire d'effacer les traces de mon ineptie de l'époque (Août 2007). Mais mieux vaut tirer les leçons de ses erreurs: la politique monétaire et des règles institutionnelles et fiscales  inadaptées peuvent ruiner des années de progrès économique, si elles incitent les agents économiques à financer leur croissance par des structures de financement excessivement fondées sur la dette.

Cela ne remet pas en cause, selon moi, le volet positif des réformes menées en Islande: la situation de ce pays dans les années 80 n'était guère enviable, et malgré la crise actuelle, le pays devrait malgré tout trouver les moyens de s'en sortir, en conservant un niveau de vie plus élevé que ce qu'il était il y a 25 ans : on se sort d'autant mieux des crises que l'on n'en est pas empêché de le faire par une myriade de lois étatiques. Mais cela ne doit pas nous en faire oublier le côté négatif: la libéralisation de l'économie n'est pas une condition suffisante pour bâtir une société prospère de façon durable. Cette libéralisation doit se faire dans un cadre législatif, monétaire et fiscal qui favorise la saine accumulation de capital au détriment de la fuite dans l'endettement, quitte à ce que les chiffres de croissance obtenus soient un peu moins spectaculaires, mais sans risque d'éclatement de bulles de crédit. Libéraliser ne signifie pas que l'on puisse espérer s'enrichir par cavalerie financière.

J'ignore quelles sont les réponses apportées par les pouvoirs publics islandais à la crise actuelle, mais tant aux USA qu'en Europe, la leçon n'a pas été comprise: abaissement des taux des banques centrales à des niveaux très bas, sans rapport avec le risque de dévaluation que cela fait courir aux monnaies, et montage de plans de "relance" entièrement fondés sur l'aide au crédit et l'endettement record des états: on prétend soigner le mal par le mal, et il est hélas probable que les hypothétiques résultats en terme de rémission économique ne retombent comme un vulgaire soufflé islandais, lorsqu'un nouvel incident conjoncturel fera à nouveau trembler le système financier d'autres états. Lesquels tomberont les premiers, ça...
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