Paris disparu, le célèbre chapelier Delion du passage Jouffroy

Par Bernard Vassor

Par Bernard Vassor

15, 17, 19, 21, 23, passage Jouffroy, maison Delion et Caron. ....... Dès l'ouverture du passage Jouffroy en 1847, le chapelier Delionconnaissait une grande renommée. Dès cette époque, la marque Delion s'était imposée au goût des hommes élégants. La spécialité de la maison était le chapeau de soie, dont la fabrication dans l'usine d'Yvetot occupait un personnel considérable. Les sous-sols de la galerie, portent encore l'empreinte du grand chapelier, des décors de mosaïques rappellent la raison sociale de l'établissement, avec son nom et les numéros occupés par le magasin.  Trois restaurants pour touristes venus visiter Paris, y avaient leur siège la première année de la formation du passage : "Le Dîner de Paris", le "Dîner du Rocher" et le "Dîner Jouffroy" . Le passage Jouffroy était si couru par la foule, disait Alfred Delveau, était si importante, "qu'il faut sérieusement et résolument jouer des coudes pour arriver à se faire jour à travers les allants et venants, qui vont par banc épais comme les harengs dans le détroit de la Manche. Les gens pressés aiment mieux faire une détour que de s'aventurer dans ce tunnel de verre, où l'on risque à chaque instant d'écraser les pieds de ses voisins ou d'avoir les côtes enfoncées par eux. Et notez je vous prie que je ne parle pas des jours de pluie ! Ces jours-là, le passage est tout à fait impraticable : quand on croit avancer, on recule, et tel qui avait mis une demi-heure pour arriver au milieu de la galerie, et qui s'applaudissait d'avoir fait tant de chemin, se trouve au bout d'une autre demi-heure, refoulé par les flots jusqu'au boulevard, par lequel il était entré" Dès 1847, ce fut le terrain de chasse privilégié des lorettes, qui y trouvaient là un gibier facile. Pourquoi tant de monde poursuit Delvau ? : "Je l'ignore, et ceux qui vont se promener là tous les jours l'ignorent aussi comme moi. C'est un lieu de rendez-vous et de promenade; on s'y attend, on s'y promène sans s'inquiéter du reste (..) les boulevardières, du moins une notable partie des boulevardières, ont l'habitude de traverser ce passage en descendant des hauteurs cuthéréennes de Breda-Street*, et, dame ! elles sont si provocantes en leur toilette de combat, ces chercheuses d'inconnus, qu'il n'est pas étonnant qu'on se presse un peu sur leurs traces pour les admirer du plus près possible et échanger avec elles des oeillades qui valent des cartes de visite." Vue intérieure donnant sur le passage Jouffroy. ....... Les magasins étant devenus trop petits, monsieur Delion eut l'excellente idée d'ouvrir une succursale au 24 boulevard des capucines. ....... Une partie du magasin, était réservé à une sorte de musée, montrant les merveilles des progrès de conception depuis la création de la maison, grâce à Messieurs Caron et Delion. Nous apercevons sur la première photographie, en haut,  l'entrée du "Petit Casino", l'ancien "Estaminet Lyrique" qui abrita le premier grand théâtre d'ombres en 1850. Avant le percement du passage Jouffroy, l'immeuble fut habité par Rossini, qui payait 900 francs de loyer annuel en 1826. L'immeuble fut démoli en 1835, et se trouvait à l'emplacement de l'Hôtel Ronceray. *Breda-Street : nom donné au quartier Breda, du nom portée par la rue qui est aujourd'hui la rue Henry Monnier.