Curieux objet que ce « Bestiaire Universel. »Son auteur, le célèbre professeur Revillod, scientifique de renommée mondiale, digne émule de Pline l'ancien, de Linné, Buffon et Cuvier, se propose, avec cet ouvrage, de recenser et décrire pas moins de 4096 espèces animales vivantes. Une telle liste pourrait sembler au premier abord assez rédhibitoire mais notre éminent zoologiste a formé le projet d'offrir au lecteur le moyen de « s'instruire en se distrayant et vice-versa. »
L'ouvrage se présente sous la forme d'un carnet à spirales de format à l'italienne et dont la couverture, la typographie et les illustrations intérieures nous ramènent au XIXe siècle .
On y trouvera bien sûr les portraits de nombreux animaux connus de tous comme le tigre, l'éléphant, le kiwi, le chameau, le casoar, le coelacanthe, etc...
Chaque gravure d'animal est faite de trois volets : un pour la tête de l'animal, un pour le corps, et le dernier pour son arrière-train. En regard de chaque illustration se trouve un descriptif de l'animal en question. Ainsi, l'éléphant est un « Pachyderme honorable à l'allure majestueuse des jungles indiennes ».
Mais si je tourne quelques volets en gardant la tête de l'éléphant, en lui appliquant le corps du kiwi et la queue de la corneille noire, j'obtiens alors un animal au nom improbable d' « éwinoire » qui est un « Pachyderme honorable aux ailes atrophiées, à l'occasion charognard »
Je mélange encore une fois et j'obtiens un animal qui a la tête d'une corneille, le corps d'un kangourou et l'arrière-train d'un rhinoceros, ce qui me donne un « Corkangouros : Corvidé tapageur aux mouvements agiles, d'un caractère renfrogné. »
Voilà, c'est donc ça le « Bestiaire Universel », un livre dont le procédé est vieux comme le monde et qui permet des associations assez surréalistes. Je n'ai pu m'empêcher, en le feuilletant de repenser à mon enfance, quand une grande marque de yaourts avait utilisé ce même procédé, cette fois-ci avec des personnages humains. Il suffisait de poser les uns sur les autres trois de ces pots de yaourt en carton paraffiné (un pour la tête, un pour le corps et un pour les jambes) pour créer des personnages aux morphologies et aux costumes étonnants. Hé oui ! Il fut une époque (pas si lointaine finalement) où les enfants pouvaient jouer pendant des heures avec des pots de yaourt vides.
De la même manière, on peut donc s'amuser de longs moments à reconstituer les 4096 espèces animales différentes que peuvent nous offrir ce petit livre, et même de découvrir la plus énigmatique de celles-ci puisqu'elle ne porte pas de nom. Ce livre, édité chez « Autrement » est l'oeuvre de deux auteurs mexicains : Miguel Murugarren pour les textes et Javier Sáez Castán pour les illustrations. Le tout est délicieusement kitsch avec cet aspect XIXe siècle que donnent les gravures hachurées en noir et blanc, gravures qui ne sont pas sans rappeler l'oeuvre de J.J.Grandville.
Même l ' « Achevé d'imprimer » en dernière page mérite un peu d'attention, étant rédigé comme suit :
« Brillamment achevé d'imprimer en juin 2008 sur les presses d'un grand imprimeur de la République populaire de Chine. Impression en quadrichromie sur un élégant papier offset, reliure spirale très pratique avec une couverture cartonnée et protégée d'un subtil pelliculage mat. Tirage à de nombreux exemplaires, soigneusement empaquetés par cartons de vingt volumes et acheminés par bateau sur europalettes jusqu'en France. »
Bref, ce « Bestiaire Universel » dont paraît ici le premier opus est un objet qui offrira de longues heures d'amusements aux petits et aux plus grands.
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