Surtout quand je lis dans la presse qu’elle est «sortie livide du cabinet de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy». Après deux jours d’une garde à vue sans doute aussi éprouvante pour elle que disproportionnée eu égard aux faits, dans la mesure où elle avait spontanément reconnu son erreur.
J’ai envie de crier sur l’air de Mai 68 : “Nous sommes tous des infirmières de S-V- P” !
Cela eût pu être moi ou n’importe laquelle de mes ex consœurs ou de tout médecin. Nous vivons constamment avec la peur au ventre, bien tapie mais toujours présente : éviter les erreurs ou la connerie fatale. Il existe certes des personnes du corps médical ou para-médical qui n’ont guère de conscience professionnelle mais je n’en ai pas trouvé beaucoup sur mon chemin.
Il n’était nullement rare que le soir avant de m’endormir je me repasse le film de la journée – examen de conscience ? – et me réveille en sursaut du demi-sommeil qui commençait à m’envahir : ais-je bien fait ceci ou cela, ais-je bien transmis telle info à l’équipe de nuit ? Et je sautais sur le téléphone pour appeler la clinique… Ouf ! On me rassurait. Et d’autres collègues en faisaient autant. Nous en riions bien entendu le lendemain matin en prenant notre café… mais le rire évacue les angoisses et cette complicité forge l’esprit d’équipe qui est si important dans le milieu médical.
Ce n’est nullement par hasard si dans mon premier article j’invoquais la bonne organisation du service comme un des moyens d’éviter les erreurs autant que faire ce peu… Et c’est sans aucune surprise que j’ai appris le soir même que le flacon incriminé n’était pas à la place où il devait être.
J’avais précisément en vue (au vrai sens du terme, c’est à dire en visualisant) l’aménagement et le bon ordre d’une armoire à pharmacie ou des rayons d’une pièce affectée à cet usage. L’ordre et le rangement rationnel et pratique. N’y rien changer d’important sans que tout le monde en soit informé… directement ou par les «cahiers de transmission», écrit en gros. Ou une affiche bien en vue.
Déjà pour le confort du travail et le temps passé à la préparation des plateaux de médicaments pour le lendemain. Eviter de perdre du temps précieux quand on en manque toujours. J’ai déjà eu l’occasion de souligner combien l’habitude est précieuse : nous tendons la main vers le bon endroit quasi les yeux fermés.
C’est encore plus vrai quand nous devons agir en urgence ! Si tel médicament ou matériel n’est pas à sa place cela peut avoir des conséquences dramatiques quand les minutes voire les secondes sont précieuses.
Je suis rien moins que désordonnée dans la vie courante… la maison un vrai bordel en ce moment ! je ne risque pas de prendre des photos pour vous en faire la démonstration : bien trop honte la meuf ! j’ai beau chaque jour me lever en me promettant d’y remédier séance tenante mais c’est plus fort que moi, je m’attelle à l’ordinateur et travaille sans relâche au détriment de la maison… Sans nul doute l’effet de la dépression : aboulie et procrastination, conjugués à une foule de circonstances, ajoutés à une tendance profonde : aussi loin que je remonte dans ma mémoire j’ai toujours été bordélique !
Sinon et paradoxalement, j’ai toujours été particuliè-rement à cheval sur le plan du rangement dans ma vie d’infirmière. Même pendant les 6 années passées dans l’infirmerie d’une usine où j’ai fait souventes fois la guerre aux secouristes qui me remplaçaient hors de mes heures de travail pour qu’ils remissent tout exactement au même endroit. Plus d’un m’aura sans doute trouvée particulièrement chiante !
C’est donc sans aucune surprise que le soir même, venant de boucler mon article, j’appris en parcourant la presse en ligne habituelle que le flacon n’était pas à sa place… Et qu’au surplus, les flacons et les étiquettes se ressemblaient beaucoup, seul les différenciaient l’intitulé fort abscons au demeurant.
Persistant à penser que le chlorure de magnésium n’est pas le produit si anodin que certains prétendent, puisque de notoriété médicale (le Vidal) il peut être létal dans certains cas, il me semble que les fabricants devraient le conditionner avec un bouchon de couleur différent et améliorer la qualité et l’intitulé des étiquettes, lesquelles étaient de la même couleur.
Encore une fois, notre œil est, avec nos mains l’outil essentiel de notre profession ; sans oublier bien évidemment l’intelligence, les connaissances et l’expérience.
Avoir l’œil - et le bon ! Le sens de l’observation est une qualité qui se développe quasi à notre insu. Savoir repérer à temps le moindre changement dans l’attitude d’un malade voire d’un bien portant présumé. Le moindre bruit suspect. Une absence ou une présence – matérielle comme humaine – incongrue.
Connaître et savoir interpréter les signes cliniques, en sachant que dans beaucoup de cas, les symptômes sont loin des «cas d’école» classiques décrits dans les manuels…
Je ne prétendrais jamais avoir été une «bonne» infirmière. J’avais des qualité et des défauts. J’essayais de développer les premiers et de lutter contre les seconds. J’ai connu tellement d’infirmières excellentes que j’aurais honte de me comparer à elles !
Mais j’aimais ce métier, souvent difficile et ingrat, tout autant que les malades, sans oublier mes collègues et j’ai toujours cherché à donner le meilleur de moi-même. L’entraide dans les moments difficiles – la plupart du temps une urgence forcément inopinée - fait partie de notre travail… j’en ai bénéficié quand ce fut nécessaire et je n’ai jamais refusé un coup de main.
Quand il m’arrivait de travailler exceptionnellement la nuit, je n’ai jamais quitté la clinique avant d’avoir noté les températures et fait les injections quotidiennes d’héparine ou de calciparine : autant de travail que mes collègues de jour n’auraient pas.
Parmi mes qualités, des connaissances théoriques et pratiques bien assises que j’essayais d’améliorer par des lectures, un sens aigu de l’urgence appuyé sur un bon diagnostic, fruit de la théorie, de l’expérience et du nécessaire «coup d’œil».
Tout en écrivant et lisant, il m’est revenu une foule d’anecdotes diverses sur quelques épisodes significatifs survenus dans mon travail et certains médecins et infirmières - bons ou mauvais - qui jalonnèrent mon parcours pendant 20 ans.
Ici, cela alourdirait inutilement mon propos, et je les utiliserai, sans doute dans une rubrique : “sous l’envers d’une blouse blanche” du titre d’un texte que j’écrivis en 1978 sur mon lit d’hôpital à Loches, alors que j’étais encore un bloc de souffrances et qui parut dans le revue “Du côté des femmes”, revue du MLF en novembre (?) 1978… Dès je l’aurais retrouvé ! Je sais qu’il est rangé dans un carton d’archives ou un dossier dans une des bibliothèques mais where ? Thath’ the question… Cela me motivera peut-être pour remédier à mon hyper bordel !
Et encore, ais-je depuis 2 ans jeté des tonnes d’archives diverses, surtout des articles de presse, qui enva-hissaient les 45 m² de l’appart’ et me valaient une guéguere perpetuelle. Je me demande encore aujour-d’hui quand tout reste plein à craquer : comment était-ce possible dans si peu d’espace ?