Afghanistan, regards croisés
Désirs d’avenir…
Depuis bientôt trente ans et l’invasion soviétique, l’Afghanistan, pays maudit, n’en finit plus de nous faire cligner des yeux, entre les rares éclairs des feux de l’actualité et les trop longues éclipses de la misère et de l’obscurantisme. Véronique de Viguerie et Marie Bourreau, deux jeunes et talentueuses journalistes, sont allées cueillir sur le vif les « regards croisés » des femmes et des enfants, des combattants talibans ou gouvernementaux, des jeunes et des vieux : de toux ceux qui font le visage d’un peuple.
Elles n’ont pas trente années au compteur, mais déjà un étourdissant palmarès à leur actif. Véronique de Viguerie, l’œil, couvre l’arrivée du contingent britannique en 2002 et se fait fort de ne pas en rester là. C’est aux côtés de Marie Bourreau, la plume, qu’elle rempile pour un second voyage au cœur de la mosaïque afghane. Les deux femmes vont écumer plaines et montagnes, cités et campements nomades, en quête de ces regards chargés d’histoire, pour signer cet ouvrage magnifique qui sait aller au-delà des idées reçues tenaces dont la complexe réalité de l’Afghanistan fait encore trop souvent les frais. Point d’angélisme néo-colonial, pas plus d’indulgence pour les vaines querelles ethniques ou de bienveillance à l’égard d’un pouvoir branlant, la concision des textes n’exclut pas la justesse. Les images se montrent suffisamment éloquentes pour que les brèves chroniques qui les accompagnent comme autant de tranches de vie, servent mieux leur propos que des légendes besogneuses.
© Véronique de Viguerie
« Afghanistan, regards croisés » se découpent en quatre grands chapitres. Le premier se consacre aux bruissements des grandes villes, de Kaboul à Jalalabad en passant par Mazar-e-Sharif et Kandahar. « Hors les murs », le second volet, explore les frimas du Ghor et les montagnes pelées du Panjshir. La troisième partie rend compte des blessures qui marquent le corps des Afghans, et trop souvent des enfants, tel ce garçonnet, les jambes arrachées par une mine, et qui lève au ciel des yeux à jamais privés d’insouciance. « La vie continue », pourtant, comme le clame un quatrième chapitre bien éloigné du pathos attendu. Ici, ce sont les sourires des petites filles, à nouveau admises à l’école, qui l’emportent, ou bien encore la pause convenue de DJ Besho, le premier rappeur afghan ! Le recueil de Véronique de Viguerie et Marie Bourreau rappelle ainsi, au fil de ces portraits saisissants, que si les burqa sont loin d’avoir disparu, les femmes s’efforcent aujourd’hui de dépasser les canons misogynes de leur société ; que si drogue et corruption ont encore de beaux jours devant elles, la musique est désormais permise. Laissons le mot de la fin aux auteurs : « Cet ouvrage est le témoignage de notre Afghanistan. Un pays où les Talibans, en particulier dans le Sud Pachtoune, regagnent de l’influence, et où le terrorisme se radicalise (…). Mais un pays où l’espoir existe. »
© Véronique de Viguerie
Ujisato
Aghanistan, regards croisés
Véronique de Viguerie et Marie Bourreau
Hachette, 2006
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