Nous vivons ensemble…
Nous sommes ensemble, nous nous entendons bien.
Nous vivons dans le même appartement.
Nos besoins sont les mêmes, nos plaisirs aussi…
Nous aimons bien le quartier, il y a de l’animation. Les jeunes nous ressemblent, leurs regards sont les mêmes que les nôtres…
Même si nous nous tenons la main, nous n’oublions jamais que ce qui nous relie, c’est avant tout la vie.
Ce n’est pas de l’amour. C’est plutôt la peur d’être seul, la peur de devoir affronter les yeux si fixes des voisins.
C’est un peu comme si nous avions chacun notre animal domestique, notre compagnon quotidien…Celui qui nous aide à traverser la rue, le temps.
Quelquefois nous nous disputons, mais ça ne va jamais très loin. Nous nous faisons notre cinéma mais ce que nous préférons, c’est regarder la télévision, surtout les films remplis d’amour.
Lui et moi, nous vivons ensemble sans nous aimer, sans nous accrocher. Lui et moi ça dure depuis un bout de temps et nous avons appris à ne plus croire aux contes de fées.
Chaque matin lorsque je m’éveille, je l’embrasse sur la joue. C’est une façon comme une autre de bien commencer la journée. Il ouvre les yeux, me prend la main et me caresse la joue.
C’est un moment vraiment tendre, ça nous fait croire un peu plus à cette musique qui compose nos deux vies.
Ensuite nous déjeunons, nous nous douchons, nous nous habillons et nous fonçons tête baissée dans les tracas des travailleurs. C’est épuisant, nous nous disons que nous avons de la chance, que le chômage n’est pas pour nous.
Chaque jour nous rappelle que cette vie pleine de promesses n’est rien qu’une habitude. Il suffit de savoir la prendre.
Malgré tout, malgré les discours et l’accumulation des jours, je sais bien au fond de moi, qu’un matin ou peut-être un soir, il partira.
Il brisera ce cocon trop douillet. Cela se passera sans parole, sans larme. Quoi de plus normal, puis qu’entre nous ce n’est pas de l’amour.
Juste une histoire un peu moins morose à inscrire dans le livre de ma vie.
Je sais aussi que je sentirai dans mon cœur, au plus profond de mon être, là où il n’y a que des vérités, des manques, du vide, cette douleur de l’absence.
Peut-être pas la sienne, mais celle de l’ami, de l’amant aussi.
Et puis ses sourires me manqueront, sa voix aussi.
Je ne verrais plus ses gestes, je ne sentirai plus ses caresses, il ne sera plus auprès de moi.
Nous aurons juste user du temps…
Nous vivons ensemble (tous droits réservés: Elisabeth Robert)