Le géant russe Gazprom contribuerait-il à l'intégration européenne des Balkans? C'est du moins l'hypothèse du président serbe Boris Tadic, de passage à Moscou, mercredi 24 décembre, pour y signer un "partenariat énergétique" entre les deux pays. Selon les termes de cet accord, Gazprom prendra le contrôle du monopole pétrolier serbe NIS, et le gazoduc South Stream, souhaité par la Russie pour expédier son gaz vers l'Europe, passera par le territoire serbe.
Car au-delà de l'acquisition d'actifs, ce "partenariat énergétique" permet surtout à Moscou de sécuriser une tranche supplémentaire de son grand projet de contournement des pays de transit. Les relations exécrables qu'entretient Moscou avec l'Ukraine, qui fait transiter 80% du gaz à destination de l'Europe, ainsi que les sautes d'humeur ponctuelles du partenaire de transit biélorusse, incitent la Russie à chercher depuis des années des voies de contournement.
"Arrangement politique" Gazprom, qui fournit 26% du gaz consommé en Europe et qui possède le quart des réserves mondiales, planche sur deux projets de contournement : Nord Stream, reliant directement la Russie et l'Allemagne par la mer Baltique ; et South Stream, entre le Caucase russe et les Balkans via la mer Noire, qui pourrait entrer en service dès 2013. Développé en partenariat entre Gazprom et l'italien ENI, le projet est estimé à plus de 10 milliards d'euros.
Mais à Belgrade, le "partenariat énergétique" ne fait pas que des heureux. Le ministre serbe de l'économie, Mladjan Dinkic, s'est retiré, en décembre, du comité chargé de mettre l'accord russo-serbe au point. M.Dinkic s'inquiète d'une entente où seule la vente de NIS a "un caractère contraignant" pour la Russie ; "la Serbie n'a pas de garantie d'obtenir un jour un gazoduc majeur", selon le ministre serbe. Par ailleurs, un cabinet d'audit a estimé à 2,2 milliards d'euros la valeur de NIS, un montant nettement supérieur à l'entente signée à Moscou.
Au-delà des querelles de chiffres, "il s'agit surtout d'un arrangement politique", estime le journal Kommersant. Avec cet accord, "c'est un véritable partenariat stratégique que la Serbie a choisi de mettre en place avec Moscou", selon le quotidien économique russe.
Source du texte : LE MONDE.FR