Là on entre dans un étroit couloir, construit entre le mur de l’immeuble et une palissade en bois brut de 1.9 mètres de haut (titre : 190 X 90 X 4973 (2008) ). C’est un peu oppressant, on se sent à l’étroit, heureusement que le plafond de la galerie est haut, qu’on peut respirer. Un coup d’oeil par dessus la palissade ne révèle qu’un espace vide. Pour peu qu’on soit un peu claustrophobe, on commence à sentir le niveau d’anxiété monter. On n’a pas le choix, on doit avancer, longer les murs, aller jusqu’au bout; où cela nous mènera-t-il ?
Nulle part. On a tourné tout autour de la salle du sous-sol et on se retrouve près du point de départ, devant une vidéo du ciel, de la cime des arbres, des oiseaux qui volètent. Elle est projetée au sol sur un écran granuleux, qui se révélera être du sel fin. Le titre ne nous dit toujours rien : ‘170 X 126 X 10 /T. Turn (2004)’. La frustration monte, on ne parvient pas à saisir, à relier ces éléments, et pourtant on ressent bien leur force brute, on pressent qu’il y a quelque chose de fort, de violent là-derrière.
Il aurait fallu entrer par l’autre porte, voir d’abord la quatrième pièce de l’exposition, un petit écran tourné vers l’extérieur où se déroule en boucle un film de 3 secondes : un homme en uniforme répétant en boucle les mots “Primitiv, ja !”. Cet homme se nomme Franz Suchomel, il fut SS-Unterscharführer (sergent) au camp de concentration de Treblinka, et ces deux mots sont extraits de son interview par Claude Lanzmann (qui lui promit l’anonymat) dans Shoah (”Auschwitz était une usine, mais Treblinka, à côté, était primitif, oui, primitif, mais efficace comme chaîne de production de la mort”).
Alors, avec l’aide du communiqué de presse, tout prend sa place. La première structure est la maquette, réduite à 2,5m, d’un petit zoo pour la distraction des gardes allemands et ukrainiens de Treblinka. Il y avait des renards en bas et des colombes en haut; cohabitaient-ils en paix ? Et que fait donc le vin là ? Je ne sais.
L’artiste polonais Miroslaw Balka est clairement obsédé par la mémoire, par l’impossibilité d’oublier, par l’histoire de ce qui advint dans son pays, par le déplacement, par l’extermination. L’exposition (jusqu’au 7 février) est titrée Nothere, qui peut se lire ‘No there’ (il n’y a pas de là-bas) ou ‘Not here’ (pas ici). Un peu tiré par les cheveux, se dit-on, surtout en lisant comment Balka, qui vit près de Treblinka, a trouvé les plans du zoo, d’après sa trace sur une photo aérienne alliée.
Lire ici et ici.
Photo 1 provenant du scan d’un journal. Vous trouverez davantage de photos sur le site de la galerie.