Depuis le festival de Cannes, on entendait tout le monde s'extasier à l'idée de voir Le bon, la brute, le cinglé, troisième film de Kim Jee-woon. Parce que ça sentait le délire et l'hommage festif aux westerns spaghetti. C'était oublier un peu vite que KJW est un arnaqueur de première, qui a réussi à faire croire avec Deux soeurs et A bittersweet life qu'il était un des grands réalisateurs coréens actuels alors que ce sont juste deux machins boursouflés et ennuyeux (pour ne pas dire plus). Il y avait donc de quoi craindre que celui-là ne soit pas meilleur que les autres.
Heureusement, cette fois, le film est à peu près à hauteur de ses promesses. Le bon, la brute, le cinglé, c'est deux heures de divertissement pur et dur, caractérisé par une bonne humeur permanente et une véritable envie de rendre hommages à Sergio Leone & co. L'humour est très "coréen", c'est-à-dire composé à 60% de pipi caca, le reste étant fait de choses parfois plus fines. Mais l'ensemble est administré avec une telle énergie que même les gags les plus débiles passent plutôt bien. Le plus réussi là-dedans, c'est la course-poursuite qui met aux prises les trois héros cités dans le titre. Trois, c'est un bon chiffre, puisqu'on comprend vite que n'importe quel duel peut être perturbé par celui qui n'y participe pas. L'ensemble est d'autant plus imprévisible que le trio de personnages principaux est extrêmement bien croqué, et que chacun a sa folie propre. Le champion parmi les champions est évidemment le cinglé, interprété par l'inévitable Song Kang-ho (acteur fétiche de Bong Joon-ho), qui nous régale à chaque instant.
Malheureusement, comme lorsqu'un auteur est immergé dans son propre délire sans faire preuve du détachement nécessaire, Le bon, la brute, le cinglé s'enferme au bout d'un moment dans une routine où les rebondissements sont trop réguliers et où les pauses sont trop nombreuses. Il y a une demi-heure de trop dans ce film, qui aurait gagné à être plus concentré, resserré, agité. Même si la fin se fait plus rythmée et excitante, elle est assez révélatrice de la difficulté de KJW à se canaliser : il peine là encore à conclure, livrant une succession de fins pas désagréables, mais dont on se dit qu'elles auraient pu s'enchaîner pendant encore une demi-heure supplémentaire sans que cela choque personne. Mais notons avant tout les progrès du réalisateur, qui a enfin cessé de se prendre au sérieux et de se considérer comme le maître du cinéma de genre.
6/10