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Le plus beau des cadeaux…

Publié le 24 décembre 2008 par Lawrence Desrosiers
La grille de la fournaise était le rendez-vous des quatre enfants dès l’aube. Maman se levait très tôt pour s’occuper du chauffage, préparer le petit déjeuner et ce dont on avait besoin pour l’école. Elle était seule à s’occuper des enfants, parce que papa travaillait sur le nord. C’était l’expression du temps. Dans mon imaginaire d’enfant, je le croyais au pays des esquimaux, des ours polaires, des traineaux à chiens, des igloos.
J’allais à l’école D’Amours, en bas de la côte St-Rédempteur. Il y avait deux façons de s’y rendre. Soit par la rue Thibault, un peu avant l’hôpital, nous n’avions qu’à nous laisser glisser dans la grande côte pour arriver aussitôt dans la cour de l’école, le corps comme des bonhommes de neige. L’autre façon, plus orthodoxe, était d’emprunter l’avenue St-Rédempteur puis l’avenue D’Amours.
Pour gagner sa vie, mon père a presque toujours travaillé sur la Côte-Nord. Il a même couché dans une tente au coin du boulevard Pierre Ouellet et de la route 138. Dans ce temps-là, il n’y avait presque rien, c’était le tout début de la ville de Baie-Comeau. Il a travaillé aussi à Goose Bay, une ville du Labrador où il y avait une base militaire américaine. Papa n’avait pas peur de l’ouvrage, il était vaillant et courageux.
Nous avons passé plusieurs Noël sans notre père; il devait rester sur la Côte-Nord pour travailler et les moyens de transport du temps n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Comme lien maritime, il y avait le Matane, un petit caboteur, qui transportait les hommes, du matériel et des chevaux; comme transport aérien, je me souviens de Matane Air Services, une petite compagnie aérienne qui appartenait à Elspeth Russell et Gerry Burnett.
Lorsque papa venait pour la période des Fêtes, il était presque impossible pour moi de me concentrer en classe. J’étais à la fois excité et inquiet. L’excitation était évidemment liée à son arrivée, mais l’inquiétude venait des imprévus majeurs, comme les intempéries, qui auraient pu provoquer son absence.
Je me souviens d’un début d’après-midi d’avant les Fêtes, alors que je me rendais à l’école, l’avion de Matane Air Services traverse le ciel à l’ouest de la ville; papa arrive. Tout excité, je suis parti les talons aux fesses vers l’école, pas de temps à perdre, il faut que le temps passe vite, comme un film en accéléré. Incapable d’écouter la maîtresse ni même de la regarder, je regarde dehors, alors que mon cerveau élabore toute sorte de scénario. Mon père portera-t-il une barbe? Restera-t-il longtemps?
Aussitôt la cloche sonnée, le temps de ramasser mes effets scolaires, de m’habiller, vivement au pas de course vers la maison. Arrivé chez-nous, il est là, dans la berçante. Je sens son odeur. Ça rit, ça parle fort dans le salon. Le bonheur est de retour. Les enfants s’agglutinent autour de lui, essayant de se faire une place pour le coller dans la berçante, comme des boules de Noël vivantes auprès d’un sapin si rassurant.
Je venais de recevoir le plus beau des cadeaux.
Lo x

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