C’est pourtant bel et bien l’attitude qu’a adoptée la très respectable Société industrielle et commerciale de Lausanne pour infléchir le débat qui porte sur le tracé du futur tram qui reliera le Flon à la Blécherette.
Et ils n’y vont pas de main morte les bougres : le tram passera par Beaulieu ou il n’y aura pas de tram. Un point c’est tout. Les représentants de l’économie sont prêts, au cas où le tram s’aviserait de passer par le Tunnel et la Borde plutôt que par Beaulieu, à lancer un référendum cantonal quitte à faire capoter tout projet d’axe fort en direction de la Blécherette.
Pourquoi tiennent-ils tant à ce passage par Beaulieu ? Les raisons sont au nombre de deux : la première est d’alimenter par un moyen de transport prestigieux le site que l’on appelle familièrement Le Comptoir et la seconde est d’enfouir en sous-sol l’engin pour qu’il ne prenne pas la moindre place à la voiture.
On a beau leur préciser que le Conseil d’Etat est favorable à la variante Borde, que cela semble être aussi le cas du comité de pilotage du PALM et des tl, que le conseil communal de Lausanne s’est prononcé dans le même sens, rien n’y fait, les enfants gâtés s’entêtent.
On a beau leur expliquer que le choix de la variante Borde est basé sur des arguments solides : moindre coût, plus de possibilités de réaménagement des quartiers traversés, plus grand nombre d’habitants desservis, les enfants gâtés persistent.
On a beau leur faire remarquer que Beaulieu bénéficie déjà d’une ligne de bus directe depuis la gare, que le fait de devoir emprunter le m2 puis le tram pour se rendre à Beaulieu est une rupture de charge malvenue, les enfants gâtés trépignent de plus belle.
Mais au fond, quelle est la vraie raison des partisans de la solution Beaulieu. Elle est simple et on la trouve à la page 12 de la revue Economie lausannoise de décembre : «Le site [de Beaulieu] mérite mieux qu’un simple arrêt de bus.» Entendez le fleuron – fané – de l’économie lausannoise mérite mieux que le bus pour y convoyer ses clients. Il mérite un tram ! Quant aux pauvres des quartiers populaires, ils méritent de continuer à s’entasser dans des bus plus ou moins prisonniers de la circulation.
Et pour satisfaire son besoin de prestige – et de mobilité dure – l’économie lausannoise est prête à tout casser. Elle est prête à jeter à la ferraille un tram qu’elle demande pourtant à cor et à cri ! Quel égoïsme, quelle hargne, quel aveuglement.
Pour ma part, je ne vois qu’une solution pour me convaincre du bien-fondé d’une desserte par tram de Beaulieu : confier les grandes expositions à Palexpo, les congrès au Centre de l’EPFL, raser les halles vétustes, y construire du logement et pourquoi pas, le Musée des beaux-arts !