Bébé éprouvette et génétiquement modifié
Fécondation in vitro (FIV)
Danny Raymond, Agence Science-Presse
L’anniversaire du premier bébé-éprouvette marque une percée historique. À l’époque, la fécondation d’un embryon à l’extérieur du corps humain semblait aussi saugrenue qu’irréaliste. Dans le milieu scientifique, l’importance de l’événement serait comparable à l’envoi du premier homme sur la Lune. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour les couples infertiles!
Ce premier pas a commencé par la naissance de Louise Brown qui aura donné à la fécondation in vitro (FIV) un souffle insoupçonné. À un point tel qu’aujourd’hui, les progrès font miroiter des prodiges génétiques à notre portée: permettre la grossesse à 50 ans, prolonger l’espérance de vie des bébés à naître et, pourquoi pas, améliorer leur quotient intellectuel!
Science-fiction ou réalité?
Rassurez-vous: le bébé-éprouvette de l’avenir n’aura rien d’un cyborg. Si les percées en procréation assistée sont en apparence beaucoup moins spectaculaires, leur impact sur la vie des futurs bébés est impressionnant. À ce chapitre, l’Université McGill s’est démarquée en juin 2007, en en annonçant une première mondiale. Deux chercheurs ont donné naissance au premier bébé né d’un ovule arrivé à maturité et congelé en laboratoire. Les résultats ont été obtenus après avoir combiné deux techniques de procréation assistée : la maturation in vitro (MIV) et la cryoconservation (congélation). La nouvelle a fait le tour du monde.
Contrairement aux méthodes actuelles, le traitement par MIV ne requiert pas qu’une hormonothérapie soit administrée pour stimuler la production d’une grande quantité d’ovules matures en vue de leur prélèvement. Cette technique douce s’appuie sur des méthodes de procréation dites de cycle naturel et marque la tendance pour les prochaines années, soutient le Dr Jacques Kadoch, gynécologue-obstétricien à la clinique de fertilité OVO et professeur à l’Université de Montréal. Étonnamment, la technique nous ramène 30 ans en arrière. C’est la même technique qui a donné naissance à Louise Brown. Son avantage majeur permet surtout d’éviter l’hyperstimulation ovarienne, qui vise à produire le plus grand nombre possible d’embryons à féconder. De cette manière, on augmente les chances de réussite. Mais l’opération représente un cauchemar pour les couples, surtout les femmes, dont les impacts physiques, psychologiques et pécuniaires sont considérables.
Mère à 65 ans
La technique en est à ses premiers pas, admettent les spécialistes de l’Université McGill. Cependant, le potentiel est énorme. D’ici quelques années à peine, les femmes atteintes d’un cancer, d’une maladie ovarienne ou qui échouent aux techniques de procréation traditionnelles pourront dorénavant envisager la grossesse. Voilà pour les bonnes nouvelles.
Or, la technique présente aussi un effet pervers. Pour plusieurs femmes, l’idée d’envisager la grossesse à un âge plus avancé est séduisante. Surtout pour les professionnelles ou celles qui retournent aux études, explique le Dr Kadoch. Aux États unis seulement, les grossesses de femmes âgées de 40 et 44 ans ont explosé de 70 % de 1991 à 2001. Présentement, les femmes âgées dans la cinquantaine ou celles qui approchent la ménopause ne sont pas admissibles à la conception par FIV, précise le spécialiste. Les risques pour la santé de la mère et du bébé sont trop importants. Une étude de l’Université de la Californie du Sud à Los Angeles et les données du Centre médical de l’Université de Boston le confirment. Les grossesses par FIV passées la quarantaine exposent la mère à des risques élevés d’obésité, d’hypertension artérielle et de maladies chroniques (diabète de grossesse, la prééclampsie, entre autres).
Bébé génétiquement modifié
Les manipulations génétiques promettent l’arrivée prochaine de nouvelles approches révolutionnaires, prédit Dr Jacques Bissonnette, directeur de la clinique de fertilité OVO. À l’aide du dépistage préimplantatoire (DPI), par exemple, on est déjà capable d’identifier des embryons marqués par des tares génétiques comme l’anémie ou la Trisomie 21, souligne le spécialiste. « D’une manière encore plus poussée, on pourra créer des cellules souches au niveau embryonnaire capable de ralentir le vieillissement, de prévenir la maladie d’Alzheimer, le diabète ou même d’autres maladies dégénératives. »
Mais attention à l’eugénisme, prévient le docteur. Il n’est pas question de créer l’humain parfait. Pour lui, les percées génétiques réussiront d’abord à faire passer le taux de réussite des grossesses par FIV de 30 % à 100 %. Un point de vue partagé par le Dr François Desrosiers, directeur de laboratoire de FIV et dépistage à Procrea Cliniques. « Les découvertes en génétique visent essentiellement à sélectionner le meilleur embryon et ainsi éviter les complications liées aux grossesses multiples. En même temps, poursuit-il, les recherches nous permettent d’identifier plus rapidement les déficiences génétiques et les maladies héréditaires, comme la dystrophie musculaire ou des pathologies sanguines. »
Maman est une vache!
En janvier dernier, une équipe anglaise de l’Université de Newcastle a créé un embryon hybride mi-animal, mi-humain. Le clone qui répond du nom cybrid remplacera les cellules souches d’un embryon humain dans le traitement des maladies neurodégénératives, comme l’Alzheimer, la sclérose en plaques, etc. Aussi, les scientifiques misent sur leur potentiel à régénérer les tissus de la peau et d’autres types de cellules dans l’organisme. Les cybrids sont obtenus par la même technique de clonage à l’origine de Dolly la chèvre.
Bébé ordinateur?
L’éprouvette serait sur le point d’être remplacée par un microprocessus de la taille d’une puce électronique. Une équipe de chercheur de l’Université de Tokyo développe une puce capable de reproduire la fonction de l’utérus. Les spécialistes ont franchi la première étape dans la création d’un utérus entièrement autonome. Les ovules et les spermatozoïdes y seraient fécondés à une extrémité pour ressortir en embryon à l’autre. À quand un bébé-Ipod?
Bébé nain sur demande
Des couples atteints de nanisme ont recours au diagnostic préimplantatoire (DPI) pour choisir un embryon qui leur ressemble. Une équipe du Centre de politique publique et de génétique de l’Université étasunienne John Hopkins a passé en revue 190 cliniques de DPI. Les conclusions sont gênantes, puisque 3 % des parents en font la demande. La volonté de garder les gènes défectueux dans la famille toucherait aussi les parents malentendants. En 2002, le Washington Post Magazine rapportait une histoire inusitée. Un couple de lesbiennes sourdes du Maryland ont délibérément sollicité le sperme d’un donneur sourd. Né en 2001, l’enfant est pratiquement sourd et ses parents ont préféré ne pas lui faire porter d’appareil auditif, soutient l’article.