Quelques jours avant Noël, la Fédération Française de Rugby a officiellement élu son nouveau président. Les amateurs de suspens n'y ont sans doute pas trouvé leur compte : comme prévu, Pierre Camou, à la tête de la seule liste en présence, prend la suite de Bernard Lapasset, qui ne se représentait pas. Pas à cause d'une quelconque usure du pouvoir, non. Seulement la faute à une regrettable règle de non cumul empêchant l'ancien douanier d'occuper à la fois le trône de l'IRB et celui de la FFR.
Comme Renvoi aux 22 vous l'avait narré il y a quelque temps, les modalités de succession à la tête de la fédération empruntent davantage au Césarisme antique qu'à la démocratie contemporaine : Pierre Camou est le choix de Bernard Lapasset, le vote soviétique de l'assemblée générale de la FFR (94,7% des suffrages exprimés)validant celui-ci. Il faut dire que la technique consistant à proposer la vice-présidence aux éventuels dissidents a la mérite de favoriser la quasi-unanimité...
Compte tenu de ce qui précède, il ne faut pas s'attendre à une quelconque révolution, fût-elle de palais. Ce n'est pas que le nouveau Président n'a pas d'idée. Mais il donne l'impression d'avoir les mêmes que son prédécesseur, ou presque.
Idées neuves ou pas, les chantiers qui attendent Pierre Camou sont nombreux. En premier lieu celui du développement du rugby dans des régions jusqu'à présent moins ouvertes à l'ovalie que les traditionnels bastions du sud. Pierre Camou tient un discours volontariste, nuancé par le souhait de ne pas baffouer les valeurs traditionnelles de ce sport. Nous verrons donc à l'usage quelle stratégie sera adoptée par la Fédération...
Les relations avec la LNR constitueront également un copieux dossier. Que ce soit sur la question de la mise à disposition des internationaux de l'équipe de France (qui dépend, rappelons-le, de la FFR) ou de la dissociation des sanctions. Sur ce dernier point, il ne faudra pas attendre du nouveau président qu'il prenne fait et cause pour un changement. Il est contre la dissociation, comme il l'a répété à l'occasion du dernier épisode du feuilleton "Marius Tincu".
Autre sujet de travail, la place des étrangers dans les championnats Français, et notamment les championnats fédéraux, dans lesquels ces derniers occupent une place de plus en plus importante. Cette question s'articule avec celle des championnats de jeunes, que le président Camou souhaite revoir pour en renforcer la cohérence avec les compétitions "sénior", les rendre plus attractifs et mieux à même d'en faire de véritables antichambres du haut-niveau.
L'élection de Pierre Camou, à la veille de Noël, s'analyse-t-elle comme un cadeau pour la Fédération ? Il est trop tôt pour le dire. Notons que cet homme du sérail, qu'on présente comme fin et rompus aux arcanes fédérales, n'est pas un perdreau de l'année. L'expérience que l'âge lui confère saura-t-elle s'accompagner du dynamisme que les enjeux du rugby professionnel exigent du patron de la FFR ?
Il faut le souhaiter, et espérer que la continuité ouvertement affichée par Pierre Camou vis-à-vis de son prédécesseur n'aura pas pour effet de plonger la FFR dans l'immobilisme. S'il ne s'agit pas de faire table rase du passé, il importe de s'en affranchir pour pouvoir avancer.