Marché et démocratie (2)

Publié le 26 décembre 2008 par Jfa

De la même manière que, sur les pièces de monnaie napoléoniennes, la mention « Empereur des français » a cohabité avec la mention « République Française » jusqu’en 1809, la démocratie française a subi et va continuer à subir une subtile transmutation, se vidant presque totalement de sa substance.

La première étape a été dans l’élection du Président de la République au suffrage universel. C’est de là que date le mythe d’un homme providentiel « s’identifiant » à l’histoire et l’avenir du pays. Médias et dérives aidant, on ne vote plus tant pour des propositions que pour une incarnation dont dépend le salut du pays. Tant que ces élections ont été portées par des hommes respectables, comme le Général De Gaulle, n’hésitant pas à démissionner après un référendum perdu, annonçant sans trop de démagogie ce qu’il comptait faire, les choses se sont passées à peu près correctement, les enjeux des élections étant posées. F. Mitterrand lors de son premier mandat a loyalement essayé d’appliquer son programme avant le virage de 1984 rendu nécessaire par l’état désastreux de l’économie.

Les choses changent avec celui qui se fait élire en 1995 sur la réduction de la « fracture sociale » avant de l’approfondir. Elles se gâtent avec l’homme qui se fait élire en 2002 sur la « sécurité » (avec les résultats concrets que l’on sait malgré les gesticulations médiatiques et les statistiques truquées du ministre de l’intérieur de l’époque). Elles explosent en 2007 lorsque chez le candidat de droite, mais aussi celui de gauche, le marketing prend définitivement le pas sur la politique. La droite gagnant par la combinaison de la « sécurité », « l’immigration » avec un « Président du pouvoir d’achat » et un “gagner plus” (on a vu les résultats..!), contre une approximative « démocratie participative » tentant de concurrencer la droite sur le patriotisme et la sécurité.

Comme me le disait un récent convive du soir, la « communication » et le marketing ont définitivement pris le pas sur la politique. La mondialisation financière avait mis en évidence l’impuissance des politiques, la « com » parachève le processus d’une société du spectacle avec la destruction du politique au profit du cirque mis en scène par ceux qui tiennent les médias

Alors, qu’en sortira-t-il pour “l’an que ven” ? J’avoue mon pessimisme car, sur cette lancée-là, sans véritable régulation et respiration démocratique en France depuis plus de 10 ans, et face aux conséquences de la crise qui se développe, il n’y a que deux perspectives: l’ordre “bleu CRS” ou le chaos d’une société se délitant dans la violence, avec les riches qui se cadenassent dans des quartiers réservés sur-surveillés, les plus pauvres dans leurs cités- ghettos et le reste se débrouillant tant bien que mal…

L’ordre du CRS est activement en préparation. En témoignent le jeu des nominations et les évènements de ces derniers mois montrant une justice instrumentalisée, les débordements policiers, la floraison des fichiers et le retour du fait du Prince, l’indemnisation à l’amiable grasse des comparses, la grâce présidentielle des complices, l’enrichissement éhonté des « frères » et « amis », le charcutage des circonscriptions électorales, la mise à la botte de la télévision publique (la privée l’étant déjà), tout en muselant le Parlement, …

Le chaos, nous l’avons déjà dans certaines cités où ne s’appliquent plus les lois de la République. Nous voyons grèves et manifestations se multiplier, de nouvelles formes de désobéissance civique apparaître, … Nous voyons aussi les résultats, en Grèce, d’une démocratie corrompue et clientéliste.

La société de consommation, chloroforme de la démocratie, va connaître du fait de la crise financière conjugée à celle des matières premières, de l’eau et de l’énergie, un ralentissement plus ou moins long, voire définitif. Hors sursaut citoyen, il est à craindre ce qui peut en sortir.
Il serait temps que, dès 2009, la gauche s’investisse pour réhabiliter les mécanismes démocratiques. Hélas, les élections Européennes du printemps risquent, à nouveau, de ne relancer que la lutte des places.

- A l’attention de JC, fidèle commentateur de ce blog, dans la continuité de ma réponse d’hier. Le Monde.