« Au moment où le monde entier se trouve engagé dans une crise économique qui frappera en priorité les plus démunis et dont personne ne peut mesurer la durée et la gravité, Noël demeure une espérance……
…. Les chrétiens ont des valeurs à faire progresser avec d’autres qui ne partagent pas nécessairement leur foi. Et les plus privilégiés d'entre eux sont appelés à se comporter en citoyens vigilants par leurs choix politiques, à refuser « le toujours plus », à s'engager notamment au niveau local, à accepter un niveau d’impôts volontariste pour une solidarité active, à respecter un mode de consommation plus sobre et plus équitable. Dans leurs lieux de vie, ils auront toujours le souci d'y faire entendre la voix des plus exclus….»
Les quotidiens Le Monde, Le Figaro, La Croix, L'Humanité, Le Parisien, Ouest-France, Sud Ouest, L’Est Républicain, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Dauphiné Libéré, Le Progrès, Le Midi Libre... publient en ce Noël 2008 une tribune, redisant les fondements du christianisme social, cosignée par 25 personnalités, dont Jean Boissonnat, Daniel Casanova, Jacques Delors, Jean-Baptiste de Foucauld, Sylvie Germain, Alain Juppé, Patrick Peugeot, Michel Rocard, Jérôme Vignon, Robert Rochefort, Eric-Emmanuel Schmitt,...
Au moment où le monde entier se trouve engagé dans une crise économique qui frappera en priorité les plus démunis et dont personne ne peut mesurer la durée et la gravité, Noël demeure une espérance.
La naissance du Christ parmi les plus pauvres, autant dire presque dans la rue, mais aussi de nombreux textes bibliques et écrits sociaux des Églises chrétiennes, nous renvoient à des références éthiques essentielles pour affronter la crise.
La pensée sociale chrétienne qui s'appuie sur ces références n'est pas une alternative à un quelconque système économique mais un socle de réflexion qui a vocation à inspirer tout mode d'organisation durable de la société.
Ce socle repose sur deux priorités : celle de l'homme sur l'économie, l'économie est au service de l'homme et non l'inverse, et celle des pauvres sur les privilégiés, l'équité condamne une trop grande inégalité entre les revenus.
Ces deux priorités définissent les six piliers fondateurs de la pensée sociale chrétienne : la destination universelle des biens (la propriété privée est légitime si son détenteur en communique aussi les bienfaits à ceux qui en ont besoin), l'option préférentielle pour les pauvres, le combat pour la justice et la dignité, le devoir de solidarité, le bien commun et le principe de subsidiarité (faire confiance à ceux qui se trouvent au plus près du terrain pour résoudre ensemble leurs difficultés).
Et, en leur temps, les Pères de l'Église n'y allaient pas par quatre chemins. Avec Saint Ambroise par exemple, qui affirmait : « Quand tu fais l'aumône à un pauvre, tu ne fais que lui rendre ce à quoi il a droit, car voici que ce qui était destiné à l'usage de tous, tu te l'es arrogé pour toi tout seul ».
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Jaurès, ou Gorbatchev plus près de nous, prétendaient trouver, le premier dans les textes du pape Léon XIII sur la question ouvrière, le second dans ceux de Jean Paul II, des références qui pouvaient fonder une société plus juste.
Dans leur session consacrée à « l'argent » en 2003, les Semaines Sociales de France, lieu de réflexion des chrétiens sur les problèmes de société depuis plus d'un siècle, critiquaient certains aspects des rémunérations des dirigeants dont les stock-options, dans la mesure où ils négligent voire compromettent la gestion de l'économie sur le long terme.
Ce faisant, les chrétiens ne condamnent pas l'économie de marché sous toutes ses formes. Ils rappellent -et sur ce point, ils sont d'accord avec l'économiste Adam Smith - que ce type d'économie ne peut fonctionner que dans des sociétés basées sur les valeurs morales que sont le respect des autres et une certaine sobriété dans l'usage des biens matériels. Il ne s'agit donc de ne récuser ni le profit, ni les investisseurs qui prennent des risques dans l'entreprise, mais d'appeler à une indispensable régulation de leur fonctionnement par les autorités publiques et par l'action de corps intermédiaires tels que les organisations non gouvernementales et les syndicats, notamment.
Les chrétiens ont des valeurs à faire progresser avec d'autres qui ne partagent pas nécessairement leur foi. Et les plus privilégiés d'entre eux sont appelés à se comporter en citoyens vigilants par leurs choix politiques, à refuser « le toujours plus », à s'engager notamment au niveau local, à accepter un niveau d'impôts volontariste pour une solidarité active, à respecter un mode de consommation plus sobre et plus équitable. Dans leurs lieux de vie, ils auront toujours le souci d'y faire entendre la voix des plus exclus.
La célébration de Noël nous invite à réactualiser le sens que nous donnons à l'économie et à choisir la voie de la solidarité.
Cela devient plus qu'urgent. Impératif.