Nomade.
Un jour , il y a longtemps,
c'est hier, aujourd'hui , demain , je ne sais ,
et c'est si court, une dent, une bouche, une poche vide,
un gousset de temps,
mordant,pelant, épluchant les étoiles
laissant les mots paître au bord des fossés les boules de vent,
dans les blanches combes de neige, enlacés à l'ortie gelée
les éveiller à l'aube de la langue du ciel rose
sur la vive hermine,des pyramides de glacier fauve s'élever
et puis fondre en un ruisseau de glaise, un ru de forge liquide,
les frapper de l'onde au moulin battant son tambour de bois,
je me suis mise à boire et à manger,je me suis mise sans dormir,
je me suis mise sans sommeil
je me suis mise à la guerre et au répit,
je me suis mise dans la montagne sous la grande ourse fugueuse,
je me suis mise à dévorer les larmes sans répit,
et à manger le sel,je me suis mise à poursuivre la rive,
mise à dresser les colosses de tables de pierre
sous les bouquets de chênes chenus, me suis endormie sous leurs jarrets secs et noueux et envahir leurs nuits de banquets silencieux de lucioles,
des lumières fléchies sous les ombres complices
des secrets partagés en deux fruits d'or et de réglisse,
des adieux funèbres et de clairs automnes de vallées bleues de cèdre,
des soirées de fauvettes sous la houle des blés brunis,
des faîtières d'oiseaux ébouriffant les forêts de coquelicots gouleyants et bavards,
je me suis mise à écrire, je me suis mise à l'ictère de jonquilles,
aux beuveries de fleurs macérées d'encre de seiche,
je me suis couchée sur la terre, sur le ventre, sur le dos des péniches,
et de la déchirure a jailli une rivière,
les feuilles des grands arbres,ondulatoires précieuses d'onde et de feu
jonchant les belles et tendres illusions
parent les marées de colliers de pluie ventrue
sur la nomade cavalière du soir.
Nomades îles sur les chevaux volants
et les oiseaux d'argile sur un trois mât emplumé de flore vespérale,
des fourmis rouges sous la peau du ciel perçant la nuit à jour,
de longs cheveux de vent autour des chevilles du pas de l'enfant,
des noyés et des naufrages terribles sous la pierre,
le geste de la colline sur la mer , une jupe d'anis et des châsses d'orfraies,
au bord des fossés paissent les nuits en troupeaux,au geste et au silence,
sous les tuiles des îles nomades cordelières d'oiseaux
tout au ventre profond des combes, s'éboulent les mots.
L'instant mauve nefs enchâssées d'épines
bousculées de vent à la fronde de pierre,
apparaîtra troublant , mâche fer mâche pierre
mâche l'herbe et tristes jachères,salive de lait de tige,
légère morsure de chardon ployé aux berges de tes mains patientes,
je romprai l'instant de ma gorge janthine lèvres incarnat et rouge cochenille,
veine d'îles en vendange appareillant sur ton épaule.
Je me suis mise au geste et au silence troublant à peine ton sommeil
sur un cil filé de quenouille de chardon mûr violet,
Les îles nomades zinzolines,
je me suis mise à l'épreuve de l'eau.