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Les derniers dinosaures du Fuuta par Yéro Dianga Diyé

Publié le 26 décembre 2008 par Bababe

Bien qu’en pause, nous diffusons ce billet qui vient de nous parvenir.  En ces temps de générosité par ici, l’hommage de Yero Dianga Diyé  à ces fuutankoobe des villes qui gagnaient souvent très peu et  avaient la porte grande ouverte, tombe à point. Presque en voie de disparition, nous les nommerons les dinosaures du Fuuta.

HOMMAGE  

  Dans notre cher Fuuta la politesse impose qu’on s’asseye droit face au récipient (écuelle, bol ou assiette) contenant le repas. Une fois à Nouakchott, pour mes études secondaires, j’ai été surpris de voir chez Samba A.B. ou chez D. N.D. qu’il fallait se présenter de biais par rapport au bol, tant les convives sont nombreux. Dans ces familles, c’est la fête tous les jours, et tout le monde y est invité, c’était, tout au moins, ma première impression.  

  Mais au juste qui étaient ces invités ? Ils sont innombrables, inqualifiables, tant ils changent selon les saisons. Les plus réguliers sont les tailleurs aux machines mécaniques Singer, les jannanke (broderie manuelle), les petits commerçants autour du marché de la Capitale et autres « borom becek » (vendeurs ambulants à crédit)..  

Viennent ensuite les occasionnels composés essentiellement des malades qui ont quitté leur campagne pour une consultation spécialisée et les pèlerins pour les formalités de départ. Enfin, et c’est le gros du bataillon, il y a les chômeurs, terme improprement attribué à tout demandeur d’emploi. Les uns et autres étaient traités avec respect, sincérité et loyauté. Tandis que nous, collégiens et lycéens avions droit à de la tendresse et parfois de la rigueur pour freiner nos élans de jouvence.  

Mes amis, Niili et Yerel (mon homonyme) et moi allions manger invariablement dans plusieurs familles et avions créé le club MTT (minen tey tenki). Des années plus tard, ayant eu une situation, j’ai eu l’imprudence de « louer un bol » non loin de là où je logeais, pour alléger les charges des familles et laisser la place aux plus démunis que moi, mais aussi pour limiter le temps et le coût que me coûtaient les transports publics de la ville de Nouakchott. Mais c’était sans compter la résolution de mon cousin qui faisait fi de mes alibis et ne voulait pas en entendre parler. Yéro, me dit-il, qu’Allah fasse que tu loues mille et un bols, tant que tu seras célibataire, je veux te voir ici à l’heure de tous les repas. Il ne s’agissait pas d’une invitation, le ton était péremptoire, je devais m’y plier.  

Des mois, voire des années encore, j’ai toujours loué le bol, mais celui-ci ne servait plus que d’en-cas pour mes neveux et petits frères.  

Si Samba A.B. et D. N. D., pour ne citer qu’eux avec leurs modestes revenus ne pouvaient s’offrir les 3V (Villa, voiture, Vacances), ils ont choisi d’investir dans la marmite pour le bien de Monsieur Tout Le Monde. Cet investissement est durable et ses intérêts sont variables, allant de la simple reconnaissance à un geste en retour. Certes ils jugeront cet hommage superflu parce qu’ils ont toujours agi sans tambour ni trompette ; leur action n’étant trahi que par le ballet incessant des pique-assiette. Je voudrais à travers eux, remercier leurs semblables de Dakar à Bamako, Nouadhibou, ces villes qui ont constitué des points de transit pour plusieurs migrants. 

   YERO DIANGA DIYE


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