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Centre de rétention administrative de Pamandzi: la commission européenne épingle la France

Publié le 24 décembre 2008 par Combatsdh

S'agissant du Centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte, selon une dépêche AFP du 23 décembre 2008, la Commission européenne a appelé " la France à respecter les droits de l'Homme dans le centre de rétention de Mayotte et à offrir des conditions de vie décentes à ses occupants". " La Commission européenne appelle au respect des droits de l'Homme partout où des violations sont identifiées", a déclaré un de ses porte-parole à l'AFP.

Pourtant, selon les dernières nouvelles de Mayotte, dans la nuit du Samedi 20 au Dimanche 21 décembre, au moment même où la préfecture s'expliquait dans un communiqué de presse sur la vidéo en minimisant le nombre de personnes maintenues en rétention (voir billet précédent), 10 kwassas ont été interceptées par la PAF (40 personnes sur l'un d'entre eux) et au total environ 242 étaient au CRA de Pamandzi cette nuit-là...

Centre de rétention administrative de Pamandzi: la commission européenne épingle la France Mayotte, un PTOM ne relevant pas du droit communautaire

Certes, pourrait-on objecter, dans la mesure où Mayotte est une collectivité " départementale" d'outre-mer et donc n'est (pas encore) un département d'outre-mer le droit communautaire ne s'y applique pas. Il s'agit en effet d'un Pays et territoire d'outre-mer (PTOM v. sur wikipédia ici) ne relevant pas du droit de l'Union européenne ni de la convention de Schengen contrairement aux Régions ultrapériphérique (RUP - voir ici). Ainsi la Réunion fait partie de l'Union européenne mais pas Mayotte.

Néanmoins la commission estime, par la voix de son porte parole, que même si c'est un PTOM " les hommes, les femmes et les enfants retenus dans ce centre ont droit à des conditions de vie décentes".

Centre de rétention administrative de Pamandzi: la commission européenne épingle la FranceOr, plusieurs organisations non gouvernementales dont le collectif Migrants d'outre-mer (Mom) et Amnesty international ont dénoncé les " conditions inacceptables" des migrants dans le centre de rétention administrative de Pamandzi à Mayotte. Cette année, plusieurs rapports publics, dont un rapport de mission de la CNDS et du défenseur des enfants, ont dénoncé des conditions " indignes de la République". Le contrôleur générale des lieux de privation de liberté a annoncé qu'en mission se rendrait sur place compte tenu de cette situation préoccupante.

L'AFP rappelle que dans le Pacte européen pour l'immigration et l'asile défendu par le ministre français de l'Immigration Brice Hortefeux, il est précisé que:

"Les étrangers en situation irrégulière sur le territoire des Etats membres doivent quitter ce territoire. Chaque Etat s'engage à assurer l'application effective de ce principe dans le respect du droit et de la dignité des personnes concernées".

Au demeurant, même si le droit communautaire n'est pas applicable à Mayotte, un ensemble d'autres normes internationales et constitutionnelles imposent à la France de respecter le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et la liberté individuelle.

Le respect de la dignité de la personne humaine: un principe constitutionnel et conventionnel auquel la France ne peut se soustraire

Les principaux textes internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme s'appliquent à Mayotte, qui relève de la juridiction française, sauf réserve expresse (CE, 14 mai 1993, , n°130120). C'est le cas par exemple des deux pactes de New-York de 1966 (voir en particulier l'article 10 du PIDCP), de la Convention de Genève de 1954 sur les réfugiés, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 et de la Convention internationale des droits de l'enfant (voir en particulier l'article 35) ou ,dans le cadre du Conseil de l'Europe, de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants de 1987 et, bien sûr de la Convention européenne des droits de l'homme. En revanche la charte sociale européenne ne s'applique pas.

Or, tous ces textes garantissent le respect de la dignité de la personne humaine, prohibent les traitements inhumains et dégradants ou protègent particulièrement les mineurs qui, lorsqu'ils font l'objet d'une mesure de privation de liberté légalement fondée, doivent être séparés des adultes. A noter néanmoins que si la Convention européenne des droits de l'homme est applicable à Mayotte c'est sous réserve " des nécessités locales".


Une interprétation restrictive de la notion de "nécessités locales"

L'article 56 [ancien article 63] de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit en effet sur son "application territoriale:

"1 Tout État peut, au moment de la ratification ou à tout autre moment par la suite, déclarer, par notification adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, que la présente Convention s'appliquera, sous réserve du paragraphe 4 du présent article, à tous les territoires ou à l'un quelconque des territoires dont il assure les relations internationales.
2 (...)
3 Dans lesdits territoires les dispositions de la présente Convention seront appliquées en tenant compte des nécessités locales"

La France a, dans son instrument de ratification déposé par la France le 3 mai 1974, déclaré que :

"la présente Convention s'appliquera à l'ensemble du territoire de la République, compte tenu, en ce qui concerne les territoires d'outre-mer, des nécessités locales auxquelles l'article 63 [article 56 de la Convention depuis l'entrée en vigueur du Protocole No 11] fait référence.
Les ratifications par la France des protocoles n°4 et n°7 successifs de la Convention comportent la même réserve faisant référence à d'éventuelles "nécessités locales " dans l'Outre-mer.
Par ailleurs, en ratifiant le protocole n°7, la France à émis (le 17 février 1986) une réserve concernant l'égalité entre époux qui " ne doit pas faire obstacle à l'application des dispositions de droit local dans la collectivité territoriale de Mayotte et les territoires de Nouvelle-Calédonie et des Iles Wallis et Futuna "."

Or, la jurisprudence de la Cour EDH s'oppose à une interprétation extensive de la notion de " nécessités locales ". Ainsi, elle a écarté cette notion dans l'application de l'article 3 qui interdit les peines et traitements inhumains et dégradants (CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni, no 5856/72) et de l'article 14 combiné à l'article 10 qui porte sur la liberté d'expression (CEDH, 27 avril 1995, Piermont c/ France, n° 15773/89 et 15774/89).

Aucune nécessité locale à Mayotte ne justifie de conditions de rétention administrative aussi inacceptables qui sont manifestement contraires à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. Jégo, secrétaire d'Etat à l'outre-mer a lui-même déclaré:

"Je me suis rendu le 15 mai sur place avec la presse, ce n'est pas une découverte et ce n'est pas une surprise, la situation n'est pas acceptable".

Mais il n'annonce que la construction d'un nouveau CRA pour 2010 et non pas la fermeture immédiate de l'actuel centre ou, au moins, l'impossibilité d'y maintenir plus de 60 personnes et la prohibition absolue de la présence d'enfants. Or, comme cela a été indiqué: le 21 décembre plus de 200 personnes étaient encore maintenues au CRA de Pamandzi - démentant le communiqué de presse de la préfecture sur le "caractère exceptionnel" de cette situation.

Au bilan, même si le droit de l'UE n'est pas applicable à Mayotte, les textes internationaux -mais aussi les règles et principes de valeur constitutionnelle - imposent de fermer immédiatement le Centre de rétention administrative de Pamandzi.

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Centre de rétention administrative de Pamandzi: la commission européenne épingle la FranceMayotte: Bruxelles appelle la France à respecter les droits de l'Homme dans le centre de rétention, dépêche du 23 décembre

Centre de rétention administrative de Pamandzi: la commission européenne épingle la FranceDes conditions inacceptables de rétention à Mayotte poussent le contrôleur général des lieux de privation de liberté à dépêcher une mission sur place, communiqué 18 décembre

Centre de rétention administrative de Pamandzi: la commission européenne épingle la FranceMayotte - Sur l'éloignement des mineurs affectés au hasard à un adulte reconduit dans le même bateau, communiqué 24 décembre


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